Abus sexuels dans l'Eglise : ce que l'on sait des affaires visant des évêques français, après les aveux du cardinal Jean-Pierre Ricard
L'ancien archevêque de Bordeaux a reconnu dans un courrier s'être "conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans". Mais ce n'est pas la seule affaire qui secoue l'Eglise.
Les affaires d'abus sexuel n'en finissent plus de secouer l'Eglise. Le cardinal Jean-Pierre Ricard a reconnu s'être "conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans", dans une lettre lue lundi 7 novembre par Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF). Les faits, selon l'ancien archevêque de Bordeaux de 2001 à 2019, se sont déroulés "il y a 35 ans, alors [qu'il] était curé". Mardi, le parquet de Marseille a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire. Explications.
Jean-Pierre Ricard demande "pardon"
La lettre adressée à l'épiscopat par Jean-Pierre Ricard a été consultée dimanche par la Conférence des évêques de France, qui se réunit deux fois par ans à Lourdes, au printemps et à l'automne. Elle est la raison, explique Le Parisien, de l'organisation d'une conférence de presse "improvisée" à la dernière minute, sur le sujet des abus sexuels dans l'Eglise.
Outre ses aveux, Jean-Pierre Ricard affirme dans son courrier avoir décidé de se "mettre à la disposition de la justice tant sur le plan de la société que de celui de l'Eglise". Il a demandé "pardon" à cette victime et en reconnaissant "avoir nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables". Cet aveu du cardinal âgé de 78 ans, qui a pris sa retraite en octobre 2019, a été accueilli "comme un choc", a souligné le président de la CEF.
Jean-Pierre Ricard, figure de l'épiscopat français, avait d'ailleurs présidé l'institution entre 2001 et 2008. L'ancien évêque de Bordeaux, nommé cardinal en 2006 par Benoît XVI, est même, comme l'explique Le Monde, "membre du dicastère pour la doctrine de la foi, sorte de ministère du Saint-Siège, à Rome, chargé notamment des questions de violences sexuelles".
La justice ouvre une enquête préliminaire
Après les aveux du cardinal Ricard, le parquet de Marseille a annoncé, mardi, avoir ouvert une enquête préliminaire "afin de vérifier dans un premier temps la nature exacte des faits dénoncés, ainsi que leur datation". A ce stade, aucune plainte n'a été déposée, a précisé la procureure Dominique Laurens.
Le motif retenu pour l'enquête préliminaire est celui d'"agression sexuelle aggravée". Selon le parquet de Marseille, l'évêque de Nice avait saisi la justice dès le 24 octobre sur le cas du cardinal Ricard. Ce dernier aurait reconnu auprès de Jean-Philippe Nault avoir "embrassé" la jeune fille évoquée dans ses aveux.
De son côté, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Eric de Moulins-Beaufort a nié avoir dissimulé les informations sur le cardinal. "J'ai appris cela par un coup de téléphone de Véronique Margron [la représentante des religieux et religieuses de France] quand j'étais à Rome en février de cette année", a-t-il déclaré à la presse à l'issue de l'assemblée plénière à Lourdes.
"Depuis février, je suis en lien avec la personne victime, (...) qui souhaite surtout ne pas être repérée (...), identifiée", a-t-il poursuivi. Depuis qu'il a appris ces faits, il a parlé avec la victime et il y a "un travail continu pour pouvoir aboutir et faire le signalement".
Dix autres évêques sont mis en cause
Le cas de Jean-Pierre Ricard n'est pas isolé. Lors de la conférence de presse, Eric de Moulins-Beaufort a évoqué "six cas" d'anciens évêques "qui ont été mis en cause devant la justice de notre pays ou devant la justice canonique", soulignant que ces cas étaient "connus" de la presse. L'un d'entre eux est "décédé" depuis, a ensuite précisé la CEF, précisant qu'il s'agissait de Pierre Pican, condamné pour non-dénonciation et mort en 2018.
A ces six affaires s'ajoutent quatre autres cas. Michel Santier a ainsi été sanctionné en 2021 par le Vatican pour des "abus spirituels ayant mené à du voyeurisme sur deux hommes majeurs", dont la sanction a été révélée mi-octobre. Deux autres évêques à la retraite "font l'objet d'enquêtes (...) après des signalements faits par un évêque et d'une procédure canonique". Un dernier "fait l'objet d'un signalement au procureur auquel aucune réponse n'a été donnée à ce jour", a fait savoir le président de la Conférence des évêques de France.
Au total, onze anciens évêques sont donc concernés : "huit actuellement mis en cause pour abus, dont [Jean-Pierre] Ricard et [Michel] Santier" et deux autres "mis en cause pour non-dénonciation", selon la CEF. André Fort a été condamné en 2018 à huit mois de prison avec sursis, et l'autre, le cardinal Philippe Barbarin, été relaxé en appel par la justice en 2020.
Victimes et fidèles se disent choqués
Les réactions abasourdies par les aveux de Jean-Pierre Ricard se sont multipliées. Olivier Savignac, président du collectif de victimes Parler et revivre, affirme être "secoué par les révélations". "Il y a beaucoup de choses cachées. Combien vont encore sortir ?" s'est-il interrogé. Cécile Berne, membre de l'association Comme une mère aimante, a confié au Monde (article pour les abonnés) être "dans un état de choc" car elle ne "s'attendait pas à ce que l'appareil dirigeant soit aussi miné'.
"Onze personnes mises en cause, ça représente 6 % de la totalité des évêques..."
Cécile Berne, membre de l'association Comme une mère aimantedans "Le Monde"
"C'est un nouveau tsunami. On ne pensait pas qu'autant d'évêques pouvaient être concernés", a réagi Marie-Jo Thiel, professeure d'éthique à la faculté de théologie de Strasbourg, dans La Croix. De son côté, Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, a fait part au magazine La Vie de son "intense sentiment de trahison". Dans un communiqué, l'archevêque de Bordeaux, Jean-Paul James, a quant à lui exprimé sa "grande compassion à la personne victime concernée".
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