Burkini : une combinaison d'avis divergents au sein de l'exécutif
Si Manuel Valls soutient les arrêtés anti-burkini, trois ministres, Najat Vallaud-Belkacem, Marisol Touraine et Axelle Lemaire, ont fait connaître, jeudi, de manière plus ou moins tranchée, leur désaccord.
Pour ou contre les arrêtés anti-burkini sur les plages ? Le Conseil d'Etat se penche, jeudi 25 août, sur la légalité de ces décisions prises dans de nombreuses villes du littoral. Mais au sein même du gouvernement, le débat divise.
Si Manuel Valls soutient l'interdiction de cette tenue de bain dédiée aux musulmanes, décidée par des maires majoritairement de droite, trois ministres ont exprimé, plus ou moins nettement, leur désapprobation. Voici les positions de certains membres de l'exécutif, chef de l'Etat compris, qui se sont exprimés.
François Hollande : "Ni provocation, ni stigmatisation"
Le président François Hollande ne s'est pas prononcé clairement sur les arrêtés. Mais il a fait allusion au débat sur le burkini avec une phrase sibylline, jeudi. La "vie en commun", qui est "le grand enjeu" en France, "suppose aussi que chacun se conforme aux règles et qu'il n'y ait ni provocation ni stigmatisation", a déclaré le chef de l'Etat français devant la presse.
Manuel Valls : "Ces arrêtés ne sont pas une dérive"
"Je pense que ces arrêtés ne sont pas une dérive, a estimé, jeudi matin, Manuel Valls sur RMC. C'est une mauvaise interprétation des choses. Ces arrêtés ont été pris au nom même de l'ordre public. Ils ont été pris à un moment donné, dans des plages du sud de la France, quelques jours après l'attentat de Nice dans un contexte particulier."
Le burkini, oui, encore une fois, c'est l'asservissement de la femme. Et les hommes et les femmes de progrès doivent le dire avec beaucoup de force.
Bernard Cazeneuve : "Les arrêtés" peuvent être pris "en cas de trouble à l'ordre public"
A l'issue de son entretien avec le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, mercredi, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a estimé qu'"il peut être pris des arrêtés en cas de troubles à l'ordre public, (...) mais ils doivent l'être dans un cadre où les mesures sont rigoureusement proportionnées".
"La mise en œuvre de la laïcité et la possibilité de prendre ces arrêtés ne doivent pas conduire à des stigmatisations ou à l'antagonisation des Français les uns contre les autres", a toutefois pondéré le ministre de l'Intérieur.
Stéphane Le Foll : "Certains maires avaient des raisons"
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, estiment que certains maires ont eu raison de prendre de tels arrêtés : "On a vu des arrêtés pris dans des endroits où il n'y avait aucun problème, aucun trouble. Mais certains [maire] avaient des raisons." "Attention au risque de dérapage, de dérive et de stigmatisation", a cependant ajouté le porte-parole du gouvernement, sur i-Télé.
Najat Vallaud-Belkacem : "Cela libère la parole raciste"
En revanche, Najat Vallaud-Belkacem a pris nettement position contre les arrêtés. "Je suis contre le burkini", a d'abord déclaré la ministre de l'Education, en rappelant ses "convictions féministes". Avant d'enchaîner :
La prolifération des arrêtés sur le burkini (...) n'est pas bienvenue (...) car elle pose la question de nos libertés individuelles.
"Jusqu'où va-t-on pour vérifier qu'une tenue est conforme aux bonnes mœurs ?", s'est-elle interrogée, jugeant également que "cela libère la parole raciste". "Pour moi, rien n'établit de lien entre le terrorisme de Daech [acronyme arabe désignant le groupe Etat islamique] et la tenue d'une femme sur une plage", a-t-elle jugé.
Najat Vallaud-Belkacem : "La prolifération des... par Europe1fr
Plus tard dans la journée, elle a nuancé son désaccord avec le Premier ministre : "Je suis d'accord avec Manuel Valls quand il dit qu'il ne faut pas légiférer sur le burkini. Nous sommes évidemment d'accord sur l'essentiel. Le sujet, c'est l'efficacité face au terrorisme."
Marisol Touraine : "C’est la porte ouverte à toutes les stigmatisations"
Dans un texte publié sur son blog, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a été tout aussi nette. "Faire comme si, en se baignant voilée ou en restant habillée sur une plage, on menaçait en soi l'ordre public et les valeurs de la République, c'est oublier que ces valeurs doivent précisément permettre à chacun de ne pas renier son identité, estime-t-elle. La laïcité ne peut pas et ne doit pas devenir le fer de lance d'une stigmatisation dangereuse pour la cohésion de notre pays."
Avant de conclure, en se montrant très ferme : "Il y a un extrémisme islamiste dangereux, il doit être combattu dans le cadre de notre Etat de droit. Mais faire du port du voile l’expression d’un refus de la République, non. La vérité est que trop souvent, c’est la porte ouverte à tous les excès, à toutes les stigmatisations. Ce n’est pas la République pour laquelle je me bats."
Axelle Lemaire relaie Justin Trudeau, qui défend le burkini
La ministre de l'Economie numérique, Axelle Lemaire, n'a pas fait de déclarations tonitruantes. Mais la Franco-canadienne a relayé un tweet de Paris Match qui rapportait que le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, défendait le burkini. "Ce d'autant plus que les lacs au Canada sont froids", a-t-elle commenté avec humour.
Ce d'autant plus que les lacs au Canada sont froids https://t.co/r9HrTTxtfV
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 23 août 2016
Comment interpréter ce tweet ? Interrogé par Le Figaro, l'entourage de la ministre s'est livré à cette exégèse : "C'est une manière de relativiser, il ne faut pas y voir de dimension politique, précisent ainsi ses proches, niant toute allusion à Manuel Valls. Elle a toujours été cohérente en la matière, y compris du temps où elle était députée. Elle est plutôt dans une logique inclusive, et non pas dans une laïcité hystérique."
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