: Vidéo Surpopulation carcérale : "J'en suis à souhaiter que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France", se désole Adeline Hazan
Invitée de franceinfo mardi, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, rappelle que "ça fait dix ans, quinze ans que tout le monde lance ce cri d'alarme, que les gouvernements successifs ne l'entendent pas".
C'est une première en France, quatre détenus de la maison d'arrêt de Nîmes (Gard) assignent l'État devant la justice pour "mise en danger d'autrui". Dans cette maison d'arrêt, on compte 460 détenus pour 192 places.
"Je dois dire qu'on ne sait plus comment faire pour dénoncer cette surpopulation carcérale", a déclaré, impuissante, mardi 26 septembre sur franceinfo, Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. "Dans la plupart des maisons d'arrêt, on a 4 détenus dans une cellule de 9 m². A la maison d'arrêt de Nice, on a 5 femmes dans une cellule de 11 m²".
>> CARTE. Quelles sont les prisons françaises les plus surpeuplées ?
franceinfo : Cette prison de Nîmes est malheureusement connue pour sa surpopulation ?
Adeline Hazan : Absolument, nous l'avons déjà visitée deux fois, une fois en 2012 où nous avons vu 400 détenus pour 190 places. Nous y sommes retournés en 2016 et la situation n'a pas changé. Je dois dire qu'on ne sait plus comment faire pour dénoncer cette surpopulation carcérale. Dans la plupart des maisons d'arrêt on a quatre détenus dans une cellule de 9 m². A la maison d'arrêt de Nice, on a cinq femmes dans une cellule de 11 m². On a dénoncé à Fresnes des rats, des punaises, ce qui est totalement indigne et contraire aux droits de l'homme.
Je suis contrôleure générale depuis trois ans et ça fait dix ans que le contrôle général et des associations dénoncent ce fléau de la surpopulation carcérale.
Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de libertéà franceinfo
Pour la maison d'arrêt de Nîmes, nous participons à un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. C'est quand même triste, mais j'en suis à souhaiter que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France, comme elle l'a fait pour l'Italie et ça a permis de changer. Ça fait dix ans, quinze ans que tout le monde lance ce cri d'alarme, que les gouvernements successifs ne l'entendent pas. On ne sait plus comment faire pour dire que ça n'est pas possible ! La France est le seul pays d'Europe où le nombre de détenus augmente.
Est-ce qu'on peut dire que si le gouvernement ne bouge pas trop sur ce sujet, c'est parce qu'il y a une pression de l'opinion publique ?
Je crois que l'opinion n'est pas vraiment au courant de ce qui se passe dans les prisons. L'opinion est en demande de sanctions, l'opinion semble vouloir être protégée. C'est pour ça que j'attire l'attention des gouvernants et de l'actuel gouvernement sur le fait que tant qu'il n'y aura pas un vrai courage politique pour aller à revers de l'opinion publique, on ne changera pas. Quand Robert Badinter [garde des Sceaux de 1981 à 1986] a pris un certain nombre de décisions, quand il a introduit les télévisions dans les cellules, quand il a décidé de supprimer la peine de mort, il allait contre l'opinion publique. Tant que les gouvernements n'auront pas ce courage-là, eh bien ça continuera. Depuis 25 ans, on a doublé les places de prison. Il y a 25 ans il y avait 30 000 places de prison, on est à 60 000 pour 70 000 détenus. Ça prouve que construire des places de prison ne sert à rien.
Vous en appelez à qui, aujourd'hui, pour changer la situation dans les prisons ?
J'en appelle au président de la République, j'en appelle au gouvernement, pour leur dire que c'est un fléau, le fléau de la justice pénale. Tant que les choses ne seront pas prises avec lucidité, mais aussi avec courage, on va continuer. Dans dix ans, il y aura 80 000, 90 000 détenus. C'est indigne et c'est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, de mettre quatre personnes dans une cellule de 9 m². Tous les droits fondamentaux, qui sont reconnus par la loi, n'existent plus. Le droit à la santé n'existe plus, car on attend, de six mois à un an pour se faire soigner dans les maisons d'arrêt. On ne peut pas voir sa famille correctement, parce que les parloirs sont configurés pour 300 détenus. Quand il y a deux fois plus de détenus que de places, on ne peut pas mettre en place des parcours d'exécution des peines, on ne peut pas préparer la sortie. Cela veut dire des violences entre les détenus, des violences sur les surveillants qui travaillent dans une situation absolument insupportable. Ce qui veut dire qu'il y a un climat de tension terrible et que 80% des détenus sortent sans préparation, et on multiplie ainsi les risques de récidive. Ce qui veut dire que la société en pâtit. Tout le monde en pâtit et personne ne fait rien.
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