Surpopulation carcérale : "Comment voulez-vous sortir meilleur quand vous avez été enfermés dans des pareilles conditions ?" s'insurge la contrôleuse générale des prisons
"Comment voulez-vous sortir meilleur quand vous avez été enfermés dans des pareilles conditions ?" s'insurge Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, lundi 31 juillet sur franceinfo, après le nouveau record du nombre de détenus en France. Selon les chiffres du ministère de la Justice, 74 513 personnes étaient incarcérées au 1er juillet contre 73 699 le mois précédent. Dominique Simonnot rappelle que "la mission de la prison, c'est aussi la réinsertion".
franceinfo : Que constatez-vous quand vous visitez des prisons, même parfois sans prévenir de votre arrivée ?
Dominique Simonnot : On voit des endroits dévastés, des surveillants qui n'en peuvent plus, qui nous confient leur détresse. Il y a des manques. Il devrait y avoir un surveillant pour 50 détenus. La norme, c'est ça. On est passé à un surveillant pour 100 détenus, pour 110, 130 détenus, parfois pour 140 détenus. Il y a des heures de la journée dans certaines prisons où il n'y a pas de surveillant du tout dans la coursive et c'est très dangereux.
"On rentre dans des cellules, on voit trois types, des gaillards qui sont à trois, dans une petite cellule de neuf mètres carrés"
Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de libertéà franceinfo
Ils ont un mètre carré pour se mouvoir. Ils restent 20 heures sur 24, voire 21 heures sur 24. L'accès aux soins est complètement compromis par la surpopulation. Il n'y a pas assez de surveillants pour emmener les détenus aux soins. Il n'y a pas assez de surveillants pour les amener à l'enseignement. Il n'y a pas non plus assez d'enseignements pour le nombre de détenus et tout est comme ça. Tout est contraint. On voit aussi des cellules dans des états épouvantables et qui grouillent de vermine.
Le gouvernement prévoit la construction de 15 000 places de prison d'ici 2027. Est-ce la solution ?
Je ne pense pas que ce soit pour avoir plus de places. Je vous donne un exemple : la prison de Lutterbach ouverte en décembre 2021. Elle avait été annoncée en fanfare par Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, en 2008. Donc voyez le temps qu'il faut. Ensuite, pourquoi on ne choisit pas la solution qui consiste à mettre moins de gens en prison, pour mieux les incarcérer, pour redonner un sens à la peine ? La mission de la prison, c'est aussi la réinsertion. C'est punir, mais aussi réinsérer. Et dans ces conditions, on ne réinsère personne. Alors on paie très cher, 110 euros par jour par détenu, pour des résultats plus que médiocres et même un bilan très négatif. Comment voulez-vous sortir meilleur quand vous avez été enfermés dans des pareilles conditions ? C'est ça qui est bête, c'est que c'est juste une façon de réfléchir qu'il faudrait changer et arrêter de transformer la punition en vengeance parce que ça n'est bon pour personne.
Alors que faire pour améliorer la situation dans les prisons ?
D'abord, au Contrôle général, on a réuni, cette année et l'année dernière, plus d'une trentaine d'organisations, associations, syndicats pénitentiaires d'avocats, de magistrats, d'associations qui oeuvrent en prison pour constater que ça ne pouvait pas durer. Le constat est le même partout. Dans leur grande majorité, tout le monde est pour la régulation carcérale. Il y a des organisations qui ne sont pas pour. On a rédigé un avis sur la surpopulation carcérale qui va sortir en donnant le nom de ces associations pour qu'on puisse les joindre et qu'on puisse voir que ça ne peut pas durer.
On ne peut pas continuer à regarder un service public se désagréger comme ça. J'ai eu des directeurs de prison au téléphone. Il n'y a pas marqué sur leur fiche de recrutement "cherchant Batman ou Super Woman pour diriger une prison ingérable". C'est épouvantable. Ils sont face à quelque chose qui est ingérable et ça, c'est l'abandon de l'État, je trouve à la fois des fonctionnaires et des détenus. On leur dit "allez, débrouillez vous", mais ce n'est pas ça".
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