Baisse des aides publiques pour l'Observatoire international des prisons : "Difficile de ne pas faire le lien avec les multiples condamnations de l'État", selon son président
La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) alerte sur ses difficultés financières, notamment dues à la baisse "constante" des subventions publiques. Dans un communiqué publié le jeudi 21 mars, l'association "en appelle au soutien de toutes et tous". "C’est difficile de ne pas faire le lien avec les multiples condamnations de l'État", a estimé jeudi sur franceinfo Matthieu Quinquis, président de l’OIP. "Nous mettons le doigt sur ce qui fait mal et nous essayons d'éclairer ce que la société ne veut pas voir", dit-il, faisant notamment allusion aux conditions de détentions déplorables des détenus dans les prisons françaises alors que la surpopulation carcérale bat chaque année des records.
Face à ces difficultés financières, l'Observatoire international des prisons lance un appel aux dons. "En dix ans, ce sont à peu près 200 000 euros d’aide publique qui ont disparu. Des donations privées sont venues partiellement les compenser, mais aujourd'hui, nous sommes dans une situation financière compliquée", a affirmé Matthieu Quinquis. Il appelle l’État et les collectivités locales à "se mobiliser et accompagner ces actions que nous jugeons nécessaires pour le bien commun et pour un juste fonctionnement de la société".
franceinfo : Votre association se trouve, comme tant d'autres, confrontée à la baisse des subventions de l'État et des collectivités. Ils ne vous soutiennent plus ?
Matthieu Quinquis : Malgré la situation catastrophique que connaissent les prisons françaises et les nombreuses atteintes aux droits des personnes détenues, nous constatons depuis dix ans une baisse constante des aides publiques. Pour l'OIP, c'est 67% des aides publiques qui ont disparu, avec un effritement notable, notamment, du soutien des régions et d'un ensemble d'organismes d'État qui ne contribuent plus à l'information et à l'accès aux droits des personnes détenues.
Comment expliquez-vous cette baisse des subventions ?
On a véritablement du mal à se l'expliquer parce que tous les ans, tous les signaux d'alerte s'illuminent de tous les côtés sur les conditions de vie des personnes détenues, les difficultés qu'elles peuvent rencontrer pour accéder au travail, à des formations et également aux soins en détention. En parallèle, une politique pénitentiaire extrêmement rigide qui vient porter atteinte à la dignité des personnes détenues est mise en place. Et dans ce cadre, on pourrait attendre effectivement que l'État mette en place des outils pour accompagner des associations qui viennent informer sur la situation des prisons.
Il y a une volonté politique délibérée de vous faire taire en quelque sorte ?
C’est difficile de ne pas faire le lien avec les multiples condamnations de l'État, que ce soit devant les juridictions nationales ou devant la Cour européenne des droits de l'homme en 2020 et de nouveau l'été dernier en juillet 2023. Ces multiples condamnations viennent finalement pointer les carences de l'État dans le respect des droits des personnes détenues, des personnes vulnérables, parce que placées sous l'entière dépendance de l'administration pénitentiaire. Nous mettons le doigt sur ce qui fait mal et nous essayons d'éclairer ce que la société ne veut pas voir. Penser que les prisons sont un univers à part et que les personnes détenues ne nous ressemblent pas, qu'elles ne nous rejoindront pas plus tard dans la société libre est une erreur. Et dans ce cadre, nous nous tenons à leur côté. Nous pensons que l'exercice des droits est une des conditions d'une bonne réinsertion.
"Aujourd'hui, nous sommes dans une situation financière compliquée."
Matthieu Quinquis, président de l’Observatoire international des prisonssur franceinfo
Quelle somme visez-vous ?
En dix ans, ce sont à peu près 200 000 euros d’aide publique qui ont disparu. Des donations privées sont venues partiellement les compenser. Si nous n'arrivons pas à récolter suffisamment d'argent dans le cadre de cette campagne, un certain nombre de nos actions sont en péril. D'abord, la permanence téléphonique et postale que l'on peut assurer quotidiennement auprès des personnes détenues et de leurs proches, mais également l'édition d'un certain nombre d'outils d'information et d’accès au droit tels que le guide du prisonnier. C'est un outil emblématique de notre association, édité depuis de très nombreuses années et diffusé à toutes les personnes détenues qui en font la demande. C'est un outil également utilisé par de nombreux professionnels, y compris pénitentiaires, pour essayer de décrypter la manière dont le droit s'applique en prison.
Votre association est-elle en péril ?
On n'a pas envie de raisonner dans ce sens-là. On essaie de préserver notre capacité d'action et notre capacité à nous tenir debout à côté des personnes détenues et de les accompagner dans l'exercice des droits. Mais surtout notre capacité de rappeler à la société que les prisons font partie de la société, que les personnes détenues sont placées en prison au nom de chacun des Français qui composent cette société et qu'il est donc de la responsabilité collective de cette société de se tenir prête à ce que les droits des personnes détenues soient effectivement respectés.
Qu'est-ce que vous dites à l'État et aux collectivités territoriales aujourd'hui ?
On les invite à repenser complètement leur soutien aux associations. Aujourd'hui, on parle de l'OIP, mais on sait que de nombreuses autres associations sont également fragilisées par ce contexte de baisse de financement et de disparition des soutiens pourtant essentiels. On demande à l'État, aux collectivités territoriales de se mobiliser et d’accompagner ces actions que nous jugeons nécessaires pour le bien commun et pour un juste fonctionnement de la société.
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