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Protection des mineurs : bientôt un contrôle d'identité pour accéder aux sites pornographiques ?

Le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a évoqué la mise en place d'une identification des utilisateurs souhaitant accéder aux contenus pour adultes. Ils devraient fournir une pièce d'identité pour obtenir un passe leur permettant de naviguer vers les contenus pornographiques.

Article rédigé par franceinfo
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Le secrétaire d'Etat chargé du Numérique a évoqué la possibilité de mettre en place un "tiers de confiance" pour vérifier l'âge des internautes qui consultent des sites pornographiques.  (VOISIN / PHANIE / AFP)

Comment réserver l'accès aux sites pornographiques aux seuls majeurs ? Voilà plus d'un an que cette question fait l'objet de réflexions de la part du gouvernement. Au micro de RFI, jeudi 4 octobre, le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a évoqué la possibilité de créer un "tiers de confiance", autrement dit un site chargé de contrôler l'identité et l'âge des utilisateurs. "Vous envoyez votre pièce d'identité [à ce site], sauf que le site porno, lui, n'aura jamais eu, à aucun moment, d'informations sur qui vous êtes, a-t-il expliqué. Il aura un token – un carton – qui dit 'cette personne est bien majeure'. On sépare celui qui contrôle l'identité de celui qui sait si vous êtes majeur ou pas."

"On ne peut pas laisser des enfants prépubères et des jeunes adolescents avoir comme seule représentation de la sexualité une représentation issue de la pornographie", avait déclaré sur franceinfo, le 9 septembre, Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Elle avait évoqué la mise en place de filtres par les éditeurs de contenus pornographiques, sans davantage de précisions.

Un système "le plus éclaté possible"

D'autres pays européens tentent également de trouver des solutions, comme le Royaume-Uni. Le gouvernement a d'abord songé à demander aux sites concernés de vérifier eux-mêmes l'identité des internautes, à l'aide d'une empreinte de carte bancaire ou d'une copie de la pièce d'identité. Mais cette solution présente un risque en cas de fuite de données. Au mois de mai, une autre piste prévoyait l'achat pour 11 livres (12,50 euros) d'un passe numérique (un code composé de 16 chiffres) dans le commerce, après la présentation d'un document prouvant la majorité.

En attendant, des entreprises proposent déjà des systèmes d'authentification. L'entreprise MindGeek a développé AgeID, qui fournit un code en échange d'une pièce d'identité. Mais la société détient quelques poids lourds du secteur, comme Pornhub, YouPorn ou RedTube.

Pour Mounir Mahjoubi, en revanche, il faut empêcher les sites pornographiques d'organiser eux-mêmes ce contrôle de l'âge. "La tentation, notamment pour les plus gros d'entre eux, c'est l'opportunité incroyable de créer une méga-base de données intermédiaire", estime-t-il, ce qui représente un risque pour les utilisateurs, dont le profil pourrait être cerné afin de les enfermer dans "une galaxie de sites". Selon le secrétaire d'Etat, la mise en place d'un "tiers de confiance" limiterait ce risque, avec un système "le plus éclaté possible, sans avoir à créer [de] compte".

"Poudre de perlimpinpin"

Mais cette solution soulève à son tour des questions. A qui confier le contrôle des identités ? Une société ou une administration ? Et quid d'une éventuelle fuite de cette liste de personnes susceptibles de visiter des sites pornographiques ? "La protection des mineurs est un sujet sérieux et ne se règle pas de cette manière", tranche Arthur Messaud, juriste de l'association La Quadrature du Net, auprès de franceinfo. "Les enfants trouveront toujours le moyen de contourner cet obstacle, alors que leurs parents penseront le problème réglé." Par ailleurs, il reste un risque de divulgation de données privées. "La question n'est pas de savoir comment empêcher les fuites, mais de savoir quand elles vont fuiter."

N'importe quel hacker voudra obtenir cette liste de personnes susceptibles de regarder du porno et la publier pour faire du chantage.

Arthur Messaud, juriste à La Quadrature du Net

à franceinfo

Au-delà de ce risque de fuites, Arthur Messaud évoque également la nécessité d'une éducation familiale au numérique. "La question des mineurs doit être réglée par des humains, pas par de la poudre de perlimpinpin." La meilleure option, selon lui, est encore de paramétrer les filtres parentaux à l'aide des recommandations du ministère de l'Education nationale. "Quand un enfant ne peut pas se connecter à un site, il va en parler à ses parents, qui pourront lui en expliquer les raisons, poursuit Arthur Messaud. Quand elles sont entre les mains des parents, ces solutions permettent d'engager une discussion et une véritable éducation au numérique."

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