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Pornographie sur Internet : "Interdire l'accès aux mineurs, ce n'est répondre qu'à moitié au problème", plaide un psychologue de l'enfant et de l'adolescence

Selon une nouvelle étude, dévoilée ce jeudi, 2,3 millions de mineurs ont consulté des sites pornographiques en 2022, un chiffre en hausse de 36% en cinq ans.
Article rédigé par Benjamin Illy, Xavier Allain
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Page d'accueil du site pornographique Pornhub, le 19 mai 2022. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

La moitié des garçons de 12-13 ans va consulter un site pornographique au moins une fois par mois : c'est que ce que révèle ce jeudi 25 mai 2023 l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui publie une étude menée avec Médiamétrie sur la fréquentation des sites "adultes" par les mineurs. Concrètement, ce sont 600 000 mineurs de plus qui fréquentent un site pour adultes par rapport à 2017. 

>> Pornographie : les moins de 18 ans passent en moyenne 49 minutes par mois sur des sites classés X

Parmi les enseignements majeurs de cette étude, l'Arcom révèle encore que plus de la moitié des garçons (51%) se rendent chaque mois sur des sites pour adultes dès 12 ans. Au même âge, un tiers des filles (31%) les visitent.

"Quand je parlais avec des filles, je parlais seulement avec mes pulsions sexuelles"

Cet écart entre les garçons et les filles s'accroît avec l'âge. C'est ce que confirment ces jeunes Parisiens : "C'était vers 10-11-12 ans pour les premières fois, avec un téléphone portable..., glissent-ils un peu gênés. "Malgré le bouton 'Avez-vous plus de 18 ans ?', on peut quand même y accéder. C'est un peu jeune, il y a des vidéos un peu sales", avoue l'un d'eux, quand un autre précise :"Ça ne montre pas vraiment ce qu'est le sexe. Ce sont des acteurs, ce n'est pas vraiment l'amour".  

Côté temps passé sur les sites classés X, les moins de 18 ans passent en moyenne 49 minutes par mois sur des sites pornographiques, et 7 minutes quotidiennement. Dès 12 ans, les garçons consacrent près d'une heure par mois à ces sites (57 minutes), contre 49 minutes pour les filles. "Je sentais bien que c'était quelque chose de néfaste. Quand je parlais avec des filles, je parlais seulement avec mes pulsions sexuelles", confie un ado. "Les films porno, ce n'est pas la réalité, ce n'est pas comme ça qu'on doit se comporter avec une fille ! Je suis encadré, j'ai un grand frère, mes parents... Et ce n'est pas du tout un sujet tabou, on en parle", précise un autre.

La question de l'interdiction

L’Arcom rappelle qu'elle a mis en demeure dix sites pornographiques parmi les plus fréquentées, dont les plateformes Pornhub ou XVideos. L'autorité leur demande de mettre en œuvre des mesures concrètes afin d’empêcher l’accès des mineurs à leurs contenus.

Une mesure qui ne répond en réalité qu'en partie au problème, selon Samuel Comblez, psychologue spécialisé dans l'enfance et l'adolescence, directeur des opérations de l'association e-Enfance. "Interdire l'accès, c'est répondre à moitié au problème. La deuxième mission des adultes, c'est aussi de pouvoir renseigner les mineurs sur les questions qui se posent vis à vis de la sexualité, de les orienter vers des sources qui soient fiables", indique-t-il.

"Les mineurs n'ont pas la capacité psychique d'accueillir la violence de ces images, le traumatisme qu'elles peuvent provoquer. "

Samuel Comblez, directeur des opérations de l'association E-Enfance

à franceinfo

Le spécialiste précise : "C'est vrai que les outils numériques ont beaucoup banalisé cet accès. Mais ça ne veut pas dire qu'une marche arrière n'est pas possible. Je dirais même qu'elle est absolument nécessaire parce que ça crée, encore une fois, une représentation très biaisée de la sexualité. Et les sites pornographiques doivent complexifier leur accès pour ne pas que les mineurs puissent les consulter trop facilement."

Chez les adultes, 55% des hommes et 20% des femmes consultent chaque mois un site pornographique, avec une moyenne de près d'1h54 par mois et de 16 minutes par jour.

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