Nuit debout fait sa rentrée : "C'est la seule voie démocratique qu'il nous reste pour exprimer notre opposition"
Le collectif a ressorti ses bâches, mercredi, pour sa rentrée. Au programme des cinq jours, assemblées populaires, commissions et concerts, avec une interrogation, comment faire évoluer le mouvement ?
"Il n'y a jamais eu de fin officielle à Nuit debout, mais il y a un retour officiel de vacances", s'amuse Nathanaël, 20 ans, membre de l'organisation de Nuit debout. Derrière le stand de la commission accueil, place de la République à Paris, le jeune homme informe les passants sur la rentrée du mouvement, mercredi 31 août. "On a cinq jours pour montrer qu'on existe toujours, que Nuit debout est toujours là", précise l'étudiant en informatique. "On espère attirer de nouvelles personnes, et repartir de plus belle."
Il y a six mois, le 31 mars, à la suite d'une manifestation contre la loi Travail, et sous l'impulsion du journaliste François Ruffin, des centaines de manifestants n'étaient pas "rentrés chez eux", mais étaient restés "debout" place de la République jusqu'à 5h du matin. Quatre mois de rassemblements et d'assemblées populaires ont suivi, avant que le mouvement ne s'essouffle au début de l'été. "C'est normal qu'un mouvement spontané décline, indique un membre de l'organisation. Il y a eu l'été, la fin du mouvement contre la loi Travail... Mais les revendications sont toujours là."
"On a changé"
Mercredi, place de la République, les commissions antispéciste (plaidant pour l'absence de hiérarchie entre espèces), écologique, anti-publicité, la Biblio debout, et Jeux debout marquent leur retour, sous leurs panneaux et bâches colorés. Face à elles, une petite cour de participants assis par terre débat sur le partage des richesses. "Il faudrait consommer différemment, essayer de ne pas aller dans des enseignes type Starbucks", développe un participant au micro.
A 19h, alors que la foule se disperse lors du concert, Marie, de la commission accueil, confie : "On était lucide sur ce qui ne pouvait pas marcher avant, mais on a changé". "On s'est vus cet été. On a fait converger les commissions pour qu'elles communiquent mieux entre elles. On va lancer des journées thématiques pour que cela soit plus clair et on a rendu la cantine vegan", détaille Juliette, lycéenne en terminale L, membre de la commission antispéciste.
S'il n'y a toujours pas d'objectifs propres au mouvement, un maître-mot domine : la convergence des luttes. D'ailleurs, nombre d'entre eux ont milité tout l'été aux différentes Zad, à Bure (Meuse), Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), avec L214 ou au forum social à Montréal en août. "Dire qu'on n'a rien fait cet été est faux, on n'était juste pas ici."
"Ici, je me sens à ma place"
Une chose perdure en cette rentrée, l'absence de hiérarchie et le refus de représentativité. "On ne veut pas de porte-parole, le mouvement est pluridisciplinaire et on estime que tous les individus ont le même poids, ce sont eux la démocratie", atteste Jérôme, 37 ans, de la commission sérénité. L'informaticien confie même qu'il n'a "pas du tout envie d'être là" mais qu'il n'a "pas le choix".
L'Etat ne nous représente plus, mais je ne vais pas faire un attentat. Nuit debout est la seule voie démocratique et pacifique qu'il nous reste pour exprimer notre opposition.
Pour Eglantine, 25 ans, étudiante en développement culturel à Lyon, Nuit debout représente surtout un lieu de rencontre, en dehors de ses fréquentations habituelles. "J'adore l'ambiance ici, les gens se parlent sans a priori", détaille la jeune femme, "chrétienne, élevée dans une famille plutôt de droite". C'est d'ailleurs sur la place de la République qu'Eglantine a entendu parler du Tafta et de l'antispécisme. "Ca n'arriverait jamais dans mon entourage. Ici, je me sens à ma place."
Même sentiment pour Eloi, 19 ans, étudiant en khâgne : "C'est vrai, la plupart du temps, on se fait chier en AG, les gens ne disent que des poncifs. Mais parfois, tu rencontres des gens passionnants, et ça vaut vraiment le coup." A ceux qui les accusent d'entre-soi et d'être des "bobos", Eloi les renvoie à l'étude de sociologues sur la composition du public de Nuit debout, effectuée en mai.
Selon cette enquête, détaillée sur le site Reporterre, un participant sur cinq à plus de 50 ans, 37% des participants viennent de banlieues, 20% sont au chômage et, parmi les actifs, 16% sont ouvriers, soit trois fois plus qu'à Paris. "C'est beaucoup plus mixte qu'on ne le pense", atteste Eloi.
Faire de la politique autrement
Quant à l'avenir du mouvement, au-delà de cette rentrée, tous préfèrent temporiser sur le présent. "On va déjà relancer nos commissions, participer aux actions contre la loi Travail et faire revivre la place", confie une organisatrice. "Nous, on existera avec ou sans Nuit debout", assure un membre de la commission anti-pub.
Si l'heure est aux primaires à droite et à gauche, personne ne voit le mouvement comme une alternative aux partis pour 2017. "On veut juste montrer qu'il existe une autre vision de la démocratie. Qu'on peut faire de la politique autrement." Comment ? "En étant là, pour commencer !"
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