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Centrale nucléaire du Tricastin : l'ouverture d'une enquête est "un soulagement", selon l'avocat d'un ancien cadre d'EDF

Une enquête a été ouverte pour des soupçons de dissimulation d'incidents à la centrale nucléaire du Tricastin. Un ancien cadre de la centrale avait déposé une plainte en octobre 2021 contre EDF. Son avocat se dit "satisfait" sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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La centrale nucléaire du Tricastin, le 10 octobre 2017. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

"C'est une satisfaction, un soulagement", indique ce jeudi sur franceinfo William Bourdon, avocat d'Hugo (nom d'emprunt), ancien cadre d'EDF, ayant porté plainte en octobre 2021 contre son employeur qu'il accuse de mener "une politique de dissimulation" des incidents au sein de la centrale nucléaire du Tricastin, dans la Drôme. Son avocat réagissait à l'ouverte d'une information judiciaire contre X, faisant suite aux accusations de son client, un "lanceur d'alerte". Les investigations ont été confiées à une juge d'instruction du parquet de Marseille. EDF de son côté "prend acte" de l'ouverture de cette information judiciaire "et se tient à l’entière disposition des autorités compétentes pour apporter tout l’éclairage nécessaire sur les faits allégués et rétablir ainsi la vérité", peut-on lire dans un communiqué publié jeudi auquel à eu accès franceinfo.

franceinfo : Quelle est votre réaction à l'ouverture de cette information judiciaire ?

William Bourdon : C'est une satisfaction, un soulagement. Il faut rappeler que cet homme est entré chez EDF dans les années 2000, il a gravi tous les échelons. Il est devenu directeur de la sûreté au sein de cette centrale et il a lancé l'alerte en interne, en toute bonne foi, de façon déterminée, avec la conviction qu'il serait entendu. Mais non seulement il n'a pas été entendu mais il a été humilié, intimidé, d'où l'infraction de harcèlement moral qu'il dénonce. On a fait l'inverse de ce qu'on aurait dû faire. Si on l'avait écouté, on aurait trouvé des remèdes aux dysfonctionnements constatés.

Que dénonce, concrètement, votre client ?

Ce qu'il dénonce, c'est une culture du secret qui s'épaissit à mesure que les incidents se multiplient. Au lieu de répondre à l'obligation de transparence auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (l'ASN), on est dans la culture du déni, de la dissimulation. Et en plus, on l'engueule, on l'insulte, on lui demande de se taire. C'est ça qui est absolument insupportable. Ce qui est en jeu, en filigrane, c'est que le gendarme du nucléaire a failli à ses obligations. Tout ça est navrant au moment où la question de l'importance du parc nucléaire se trouve au cœur du débat public, dans une période de transition énergétique.

Votre client a-t-il été entendu par le parquet de Marseille ?

Hugo a été entendu très longuement par le procureur du tribunal judiciaire de Marseille. Une juge d'instruction a été désignée avec un champ d'investigation très élargi puisque le parquet a rajouté les infractions qui n'avaient pas été initialement prévues comme "l'obstacle aux missions des inspecteurs". On peut donc s'attendre à une enquête serrée, importante, complexe, il va y avoir des actes qui vont être posés par le magistrat instructeur, des auditions, des confrontations et des responsabilités pénales individuelles qui seront, un moment ou un autre, caractérisées. L'objectif c'est que les graves incidents qui ont été constatés par Hugo ne se reproduisent plus et que l'ASN effectuent ses missions avec la rigueur, la détermination, que les citoyens sont en droit d'attendre d'elle.

Votre client sollicite le statut de lanceur d'alerte ?

Il est lanceur d'alerte de facto. Il a agi au bénéfice de l'intérêt général. Il a pris des risques personnels. L'alarme, le tocsin, lancé par Hugo est essentiel pour que les pouvoirs publics tirent les conséquences du fait que c'est une des centrales les plus vétustes, les plus anciennes, du parc nucléaire français. Il est chimiquement pur dans ses intentions. Sa démarche est celle de la bonne foi et de la sincérité. C'est un amoureux, un passionné du nucléaire, qui se retrouve aujourd'hui placardisé par EDF. Il aurait souhaité qu'on lui fasse des offres à la mesure de ses qualifications, des mains ont été tendues, elles n'ont pas été prises par EDF dans une logique de mépris et de cécité invraisemblable. Est-ce qu'on va s'inscrire dans une démarche plus formelle parallèlement à cette procédure judiciaire ? C'est sur la table.

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