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"Je me suis retrouvé ligoté à un poteau habillé en soubrette" : quand les enterrements de vie de célibataire virent au cauchemar

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
Entre gages lourdingues, animosité entre les participants et surconsommation d'alcool : les enterrements de vie de célibataire ne sont pas toujours des succès.  (Getty Images / Forest Woodward)

Gages de (très) mauvais goût, strip-teaseur qui tombe dans les pommes, beuverie qui finit mal... Le sacro-saint rituel d'avant-mariage n'est pas toujours une bonne expérience pour ceux qui y participent, à commencer par les futurs mariés.

"C'était nul, une catastrophe, il n'y a pas d'autre mot." Son enterrement de vie de garçon remonte à 2012, mais Renaud s'en souvient comme si c'était hier. Il aimerait pourtant beaucoup effacer cet épisode humiliant de sa mémoire. 

Popularisés en France dans les années 1990, l'enterrement de vie de jeune fille (EVJF) et son alter ego masculin l'enterrement de vie de garçon (EVG), sont peu à peu devenus des rites de passage quasi-incontournables. Alcool en quantité, jeux à connotation sexuelle et blagues potaches forment souvent l'essentiel des activités. Mais parfois, la plaisanterie dérape et devient franchement douteuse voire complètement ratée. Qu'ils soient témoins, futurs mariés ou simples participants, ils nous ont raconté, répondant à un appel à témoignages, comment l'enterrement de vie de célibataire auquel ils ont participé a dérapé.

Quand le futur marié y laisse sa voix

Ce samedi de juillet 2010, Jonathan est kidnappé à 7 heures du matin par un groupe d'une dizaine d'individus cagoulés. "Alors que je pensais faire une bonne grasse matinée, je me suis retrouvé saucissonné dans ma couette et balancé à l'arrière d'une camionnette", raconte-t-il aujourd'hui en riant. Mais à l'époque, la plaisanterie ne l'enchante pas vraiment. "Je hurlais à la mort, je me débattais. J'ai eu la peur de ma vie. Quand je me suis rendu compte au bout de quelques minutes que c'étaient mes potes, j'ai pensé : ça va être ma journée."

Il a raison. À 7h30, le jeune homme se retrouve en costume de soubrette, ligoté à un poteau à l'entrée d'un McDonald's de Seine-et-Marne, où il résidait à l'époque. Problème : un voisin apeuré devant le spectaculaire kidnapping prévient la police. Quatre patrouilles sillonnent les environs à la recherche du futur marié.

Arrivent deux motards de la police qui me voient, suspendu au poteau. L'un était mort de rire, le second à deux doigts de nous embarquer au commissariat.

Jonathan

à franceinfo

Après de longues discussions, les prétendus kidnappeurs parviennent à convaincre les policiers de ne pas les emmener au poste. "Moi, j'étais toujours accroché à mon poteau."

Le bizutage du jeune homme se poursuit l'après-midi lors d'une partie de paintball... toujours vêtu de son déguisement. "Je n'avais aucune protection et pas de pistolet. J'étais comme du bétail en pleine nature : j'ai vraiment morflé. Je suis sorti de là couvert de bleus." La soirée s'étire jusqu'à l'aube pour le trentenaire, abreuvé de nombreuses coupes de "champagne premier prix". 

Et le dimanche, mauvaise surprise : ses cris lors de son faux kidnapping lui ont fait perdre la voix. "Le lundi, je devais assurer une formation technique : c'était juste impossible. L'ORL m'annonce que j'ai les cordes vocales sérieusement abîmées." Les frasques de Jonathan lui valent une semaine d'arrêt de travail avec interdiction totale d'ouvrir la bouche. Quelque peu traumatisé par cette expérience, le jeune homme – qui s'est depuis remarié – a formellement interdit à ses amis de l'embarquer dans un nouvel enterrement de vie de garçon. "Ils ont compris le message et n'ont pas réitéré leurs exploits de 2010."

Quand l'enterrement de vie de garçon se transforme en beuverie lourdingue 

Contrairement à Jonathan, Renaud était informé de la date de son EVG. "Je ne m'attendais à rien de spécial mais je ne pensais pas finir dans les toilettes à vomir mes tripes", regrette-il. Son calvaire débute un samedi après-midi lorsque huit amis font irruption chez lui, très excités. "À peine arrivés, ils m'ont forcé à boire un litre de rhum-coco tiède au biberon, avant même de pouvoir quitter la maison", se souvient Renaud, âgé de 33 ans à l'époque.

Il parcourt ensuite les rues de Valence (Drôme), sa ville d'origine, affublé d'un costume de bagnard tout en devant quémander des bisous aux femmes croisées dans la rue : "Ces gages, pour moi, c'est le summum du ringard."

J'essayais de semer mes potes et de verser le deuxième biberon de rhum dans les égoûts. Le mélange était immonde.

Renaud

à franceinfo

Après ce long après-midi, Renaud est escorté chez lui où ses amis décident de mettre la musique "à fond", ce qui ne manque pas d'énerver les voisins. Les joyeux lurons forcent le marié à boire jusqu'à ce qu'il s'écroule ivre mort dans son lit, aux alentours de 18 heures. Il passe le reste de la nuit à vomir. "C'était vraiment excessif. Ils se sont plus défoulés qu'autre chose", regrette Renaud aujourd'hui. Le sujet est depuis resté tabou."On n'en a jamais reparlé. Ils savent qu'ils n'ont pas assuré." 

Quand le témoin ne vient plus au mariage 

Choisi comme témoin en 2016 pour le mariage d'un "excellent ami", c'est tout naturellement que Stéphane se propose pour organiser son enterrement de vie de garçon. Avec l'aide d'une entreprise spécialisée, il opte pour un week-end de trois jours à Stuttgart, en Allemagne. "Avec la complicité de la mariée, on débarque chez lui de bon matin, direction l'aéroport avec huit potes, raconte Stéphane. J'avais passé des heures à tout organiser. J'ai calé la date huit mois à l'avance et respecté le budget annoncé par chacun. J'avais même prévu un 'welcome pack' avec une compilation de chansons et, bien sûr, une capote par personne", détaille-t-il.

Le jour J, après une activité dans un stand de tir, le petit groupe se retrouve dans un club de strip-tease : "C'est incontournable pour un enterrement de vie de garçon !", croit-il savoir. Là-bas, le témoin réserve au marié une petite surprise :"Il a eu le droit à son show privé. Ensuite, c'est parti en sucette." Face à la démonstration très suggestive de la jeune femme, le futur époux ne semble pas très à l'aise. "Il n'en profitait absolument pas et restait complètement fermé à tout ce qu'elle faisait", regrette Stéphane. Le lendemain matin, le futur marié appelle sa fiancée pour lui raconter la soirée en détails. Apprenant le tête-à-tête avec la strip-teaseuse, la future épouse entre dans une colère noire. "Cela a plombé le week-end", déplore le témoin.

Elle a menacé d'annuler le mariage.

Stéphane

à franceinfo

Deux jours après leur retour en France, Stéphane est convoqué par le couple qui l'informe qu'il ne sera plus témoin du mariage. Mais ils maintiennent l'invitation pour la cérémonie. "J'étais vraiment très vexé. Je leur ai annoncé que je ne viendrai pas au mariage", confie Stéphane avec tristesse, qui n'a pas revu les mariés depuis plus d'un an. 

Quand la sœur de la mariée fait vivre un enfer aux demoiselles d'honneur

Elle y réfléchira à deux fois avant de s'investir à nouveau dans un EVJF. Marion était pourtant flattée, quoiqu'un peu surprise, d'avoir été invitée par sa collègue Chloé à son mariage. "On était trois dans notre entreprise à être invitées, toutes en tant que demoiselles d'honneur. Ça nous a paru un peu étrange, parce qu'on ne la connaissait pas vraiment. Avec le recul, je me dis que ça aurait tout de suite dû me mettre la puce à l'oreille."

Rapidement, la sœur de la future épouse crée un groupe Whatsapp pour organiser l'enterrement de vie de jeune fille de Chloé. Les choses se compliquent. Pour des raisons financières, la sœur de Chloé refuse que le week-end se déroule à l'étranger. "Mais ensuite, elle proposait qu'on réserve un spa à 150 euros la demi-journée ou des dégustations de vin hors de prix." Et quand Marion et ses amies émettent des réserves, elles reçoivent des réponses agressives. 

Le groupe parvient finalement à s'entendre pour organiser l'événement à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). La sœur de la mariée passe le week-end à critiquer les trois collègues : "On l'entendait dire au téléphone à sa mère 'c'est nul, c'est pas du tout ce que Chloé voulait'. On serrait les dents et on essayait de faire comme si de rien n'était." Mais le samedi soir au restaurant, la situation s'envenime. La sœur pique une crise parce qu'elle se retrouve en bout de table. "J'essayais de rester calme mais j'avais vraiment envie de lui en coller une."

Après leur retour, les trois collègues reçoivent un long texto, très à charge de la part de la mariée. "Sans doute sous l'influence de sa sœur, elle s'en prenait à chacune de nous, nommément. Du délire !", décrit Marion, encore choquée par le message. Après réflexion, les trois collègues décident d'annoncer à Chloé qu'elles préfèrent ne pas venir à son mariage. Cette dernière les remercie. "Elle est allée jusqu'à nous dire : 'C'est la meilleure décision que vous ayez prise.'"

Quand le strip-tease tourne court 

Il y a dix ans, quelques mois avant son mariage, Clémence l'avait pourtant bien précisé : elle ne voulait pas de strip-teaseur à son enterrement de vie de jeune fille. "Mais sa meilleure amie a quand même voulu lui faire la surprise", raconte Joséphine, la sœur de la mariée. "Son boulanger faisait des extras en tant que strip-teaseur", précise-t-elle en riant.

Vers 15 heures, alors que le groupe de copines enchaîne les verres de vodka déguisées en marins, on sonne à la porte. Un jeune homme bodybuildé, vêtu d'un string vert fluo débarque au milieu de l'assemblée sérieusement éméchée. Il menotte la mariée et commence son show, toujours vêtu de ses chaussettes qu'il avait oublié de retirer. "C'était assez trash : il mimait des actes sexuels et se collait un peu trop à ma sœur", décrit Joséphine, encore un peu choquée par la scène. "Je m'interpose entre eux pour libérer ma sœur. Il recule et commence à simuler des actes sexuels contre le mur du salon : c'était très gênant." 

Au bout de quelques minutes, le boulanger culturiste tombe par terre, victime d'un malaise. Il gît à terre, inconscient, "la langue pendante", précise Joséphine. 

Nous, bourrées, on était mortes de rire. Surtout que ma sœur était toujours menottée à la chaise. Heureusement, on a vite trouvé les clefs.

Joséphine

à franceinfo

Les pompiers arrivent rapidement pour secourir le malheureux et repassent une heure après pour partager un verre avec la petite assemblée. Joséphine en rit encore : "Grâce au strip-teaseur, on a terminé la soirée dans la caserne des pompiers à faire la fête. On se souviendra toute notre vie de cette journée."

Quand la mariée arrive titubante à la cérémonie

Les entreprises spécialisées dans les enterrements de vie de célibataire le conseillent : il faut absolument éviter d'organiser ce rituel à une date trop proche du mariage pour laisser le temps aux futurs époux de se reposer avant les noces. Un conseil qu'Emmanuelle aurait peut-être dû mettre en application il y a plus de trente ans, quand une amie, future mariée, l'appelle à la rescousse. "Elle n'avait que 21 ans. C'était une fêtarde. La veille de son mariage avec un garçon bourgeois, d'un milieu très différent du sien, elle a paniqué et nous a suppliées, mes copines et moi, de passer chez elle boire un verre." 

Le petit groupe ne se fait pas prier et arrive chez elle dans l'heure qui suit. "Les bouteilles défilent et, vers minuit, on arrête de compter." Passablement avinées, elles poursuivent la soirée sur les Champs-Élysées, refoulées de toutes les boîtes de nuit, tambourinant sur les camions de policiers qui croisent leur route.

Vers 5 heures du matin, la moins perchée d'entre nous réalise la gravité de la situation : le mariage a lieu quelques heures plus tard. Et la mariée est dans un état pitoyable.

Emmanuelle

à franceinfo

Une fois rentrées, les amies tentent de réveiller la future épouse qui se trouve alors dans un semi-coma. "Après une douche froide, elle finit par émerger en vomissant comme pas possible." La famille de la mariée arrive en plein désastre : "Sa mère pique une crise de nerfs. C'était l'apocalypse. On aide mon amie à enfiler sa robe, on la maquille tant bien que mal et on la met dans la voiture, vers 9 heures, direction l'église."

La journée défile très lentement pour les amies qui tentent de rester dignes, malgré leur gueule de bois. "Les parents du marié nous massacraient du regard." Arrive l'heure du dîner et le flegme du groupe s'évapore : "Les plats s'enchaînaient. Une de nous a couru aux toilettes. Les autres verdissaient. On voyait la mariée picorer dans son assiette avec des haut-le-cœur." 

Cette dernière, qui était jusqu'ici parvenue à se contenir, craque au moment de l'ouverture du bal. Alors que tous les regards sont braqués sur elle, la jeune épouse quitte la piste de danse et s'enfuit en courant vers les toilettes. Ses amies en profitent pour filer discrètement. Emmanuelle et ses amies n'ont plus jamais donné de nouvelles à la mariée. "Je ne l'ai recroisée que des années plus tard dans la rue et je l'ai à peine reconnue : elle était devenue une vraie BCBG."

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