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Dans les rues de Paris, la Manif pour tous se réveille contre le "délire" de la GPA

Entre 70 000 et 500 000 personnes ont défilé à l'appel de la Manif pour tous, pour défendre une nouvelle fois la "famille traditionnelle". Reportage.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des participants à la Manif pour tous organisée à Paris, dimanche 5 octobre 2014. (ALAIN JOCARD / AFP)

Au passage du large cortège, les cloches de l'église Saint-François-Xavier ne finissent pas de sonner, comme pour célébrer les grandes occasions. Sur le parvis de l'édifice religieux, le prêtre salue et congratule la foule des manifestants venus défiler une nouvelle fois dans les rues de Paris, dimanche 5 octobre, pour promouvoir les valeurs de la "famille traditionnelle", à l'appel de la Manif pour tous. Ils étaient entre 70 000, selon la police, et 500 000, selon les organisateurs, à s'être mobilisés dans la capitale.

"Quelque chose s'est vraiment réveillé l'année passée, le gouvernement est allé trop loin", estime Marine, 27 ans, venue de Nantes (Loire-Atlantique) pour "défendre la famille face au bricolage législatif". "Je suis étonnée de la mobilisation, j'avais peur d'un essoufflement", abonde Christine, 33 ans. Plus d'un an après la promulgation de la loi Taubira, qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe, la jeune femme a trouvé un nouveau combat. Reprenant le mot d'ordre officiel de la Manif pour tous, cette Parisienne dénonce désormais "la marchandisation des femmes et des enfants", à savoir notamment la gestation pour autrui (GPA).

"Même à droite, ce sont des ventres mous"

Deux jours plus tôt, Manuel Valls a tenté d'apaiser la colère des opposants aux mères porteuses. "La GPA est et sera interdite en France", a-t-il expliqué au quotidien catholique La Croix, réaffirmant ainsi la ligne du gouvernement et dénonçant "une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains".

"On dirait qu'il se rendait compte qu'ils avaient fait une grosse bêtise" en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, juge Joëlle, 62 ans, qui dit "prier pour la gauche". La circulaire Taubira est dans toutes les têtes : ce texte préconise d'accorder la nationalité française aux enfants nés de GPA à l'étranger, aujourd'hui en plein vide juridique. 

Le discours du Premier ministre est pour elle le signe que la Manif pour tous n'est plus "méprisée" comme par le passé. Pas suffisant cependant pour convaincre cette catholique de rester chez elle, au "fin fond de la Drôme" : elle s'est à nouveau déplacée pour "répondre à un appel de (sa) conscience vis-à-vis des lois élémentaires de la création" : "un homme, une femme, des enfants".

Venu de Reims, Thierry défend lui aussi "le respect de la famille" : "Il faut arrêter avec les délires légaux d'autoriser tout et n'importe quoi." Si ses convictions n'ont pas bougé, l'avocat de 51 ans constate tout de même une "mobilisation totalement différente autour de lui" : l'année passée, 10 cars partaient de Reims pour rejoindre le cortège parisien, aujourd'hui il n'y en a plus qu'un seul, regrette-t-il, même si "beaucoup de gens nouveaux viennent". L'homme se dit "lucide" sur les répercussions possibles de la mobilisation du jour. "J'aimerais l'abrogation de la loi Taubira, mais je n'y crois pas : même si le gouvernement repasse à droite, ce sont des ventres mous, estime-t-il. Si dans trois ans la PMA n'est pas passée, on aura déjà de la chance."

L'extrême droite en embuscade

Ni la gauche ni la droite ne trouvent donc grâce aux yeux de certains manifestants, désormais ouvertement courtisés par l'extrême droite. De nombreux mouvements identitaires avaient annoncé leur participation à ce nouveau défilé. Le journal d'extrême droite Présent a lui choisi le parcours de la Manif pour tous pour faire la promotion de son "numéro spécial en couleur, souvenir de la manifestation du 5 octobre", tandis que les affiches du FN sont également régulièrement visibles en direction de Montparnasse, où devait s'acheminer le cortège.

Cette récupération ne plaît visiblement pas à tous. Sur le pont de l'Alma, un manifestant, affublé du traditionnel sweat-shirt de la Manif pour tous, décide d'arracher les affiches du Front national de la jeunesse, sur lesquels les passants peuvent lire le slogan "Marine, ça urge". L'initiative ne fait pas l'unanimité dans le cortège : "Lamentable, honteux, lui hurlent d'autres participants au rassemblement. Quand vous aurez Juppé au pouvoir, vous n'aurez que les yeux pour pleurer." L'altercation dégénère : l'homme finit par en venir aux mains et par jeter à terre un vieillard qui tentait de s'interposer et de protéger une affiche à la gloire de Marine Le Pen.

"Hollande démission !"

"Si elle arrive au pouvoir, il ne faudra pas en vouloir aux gens qui ont voté pour elle, explique Philippe. Il faudra en vouloir à ce gouvernement de menteurs." Ce commercial de 47 ans est venu avec ses deux pancartes pour exprimer sa "grosse colère" à l'égard de l'exécutif et il n'est pas le seul dans cet état d'esprit. "Hollande t'as rien à dire alors tais-toi, Hollande t'as rien à faire alors casse-toi", scandent certains. Tout au long du cortège, aux côtés de ses ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem, le président de la République reste plus que jamais la cible des manifestants.

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