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Témoignages "Le droit d'exister, c'est tout ce que je demande" : en Turquie, la communauté LGBT+ redoute une nouvelle vague de violence

Lors de sa campagne, le président Erdogan a multiplié les propos haineux contre les minorités sexuelles et de genre. Alors qu'une marche des fiertés non autorisée se tient dimanche 25 juin à Istanbul, trois femmes racontent leurs combats et leurs peurs à franceinfo.
Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des manifestants défilent dans les rues d'Istanbul (Turquie) lors de la marche des fiertés, le 26 juin 2022. (KEMAL ASLAN / AFP)

Eda a 21 ans et de grands yeux noisette avec lesquels elle jette des regards inquiets autour d’elle. Lesbienne, elle ne sait pas encore si elle rejoindra la marche des fiertés organisée à Istanbul dimanche 25 juin. Ce qui l’inquiète, ce n’est pas tant la police chargée d’interdire le rassemblement mais plutôt les réactions d’inconnus dans la rue, dans une période où l’homophobie n’a jamais été autant encouragée au plus haut niveau de l’État.

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"Je suis de plus en plus inquiète, confie Eda. Je ne me sens en sécurité nulle part en tant que femme LGBT+. Dès que je mets un pied dehors, j’ai le sentiment que ma vie est en danger. C’est comme si je menais une lutte quotidienne pour mon droit de vivre, mon droit d’exister. Pourtant, c’est tout ce que je demande : le droit d’exister. Et c’est ça qu’on nous refuse".

Les LGBT+, un "poison" pour Erdogan

En Turquie, pays à large majorité musulmane, l’homosexualité n’est pas interdite mais la situation des minorités sexuelles y est de plus en plus précaire et le discours officiel est de plus en plus violent à leur égard. Pendant sa récente campagne électorale, le président Erdogan les a qualifiés de "pervers", les comparant à la "peste" et à un "poison" pour la famille turque. 

Ilayda, bénévole dans une association de défense des droits LGBT+, confirme que la peur augmente, y compris lorsqu’il s’agit de dénoncer des violences. "Tous ceux qui nous contactent ressentent ces inquiétudes, explique-t-elle. Ils nous demandent : 'Et si le policier qui recueille ma plainte est homophobe ? Et si le juge est homophobe ? Et si l’avocat commis d’office est homophobe ? Et si je contacte un avocat et qu’il refuse de me défendre en raison de mon identité ou de mon orientation sexuelle ?' Même chez les personnes qui n’ont pas subi de violences, ces inquiétudes sont de plus en plus fréquentes".

Des artistes solidaires

Aux dernières élections, le président Recep Tayyip Erdogan a fait alliance avec deux petits partis islamistes dont l’une des principales revendications est l’interdiction totale des associations LGBT+. Pour Ezgi, femme transgenre, une telle mesure ne ferait que renforcer l’isolement des personnes de la communauté queer : "Parce que je suis transgenre, on ne me donne pas de travail, on ne me loue pas d’appartement".

"S’il n’y avait pas la solidarité de ma communauté, je serais à la rue. Un agent immobilier m’a encore dit récemment : 'J’ai des appart’, mais pas pour vous !'"

Ezgi, femme transgenre

à franceinfo

Les artistes turcs qui affichent leur solidarité sont eux aussi ostracisés. La mairie de Bursa, l’une des plus grandes villes turques, a récemment annulé un concert de la chanteuse Melike Sahin. Elle avait dédié un prix aux femmes et aux personnes LGBT+.

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