Paris, Lille, Lyon, Rouen... De nombreuses victimes d'agressions homophobes ont médiatisé leur histoire ces deux derniers mois
Franceinfo a comptabilisé les agressions homophobes qui ont été médiatisées depuis septembre 2018.
"Les victimes d'homophobie brisent la loi du silence." Interrogé par franceinfo mi-octobre, le président de SOS Homophobie, Joël Deumier, assurait que "cette recrudescence d'agressions homophobes" de ces derniers mois "s'explique en premier par la libération de la parole des victimes". De nombreux cas d'agressions homophobes ont en effet été médiatisés récemment. "En 2017, il y a eu une personne homosexuelle agressée tous les trois jours en raison de son orientation sexuelle", rappelait Joël Deumier.
Face à ce fléau, quelques milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Paris, le 21 octobre, pour dire "stop aux LGBTphobies". Les associations montent elles aussi au créneau : Stop Homophobie souhaite "l'ouverture d'une mission ministérielle" sur le sujet tandis que SOS Homophobie plaide pour des mesures concrètes, comme une campagne de sensibilisation ou la formation initiale des professeurs, juges et policiers. L'association doit recevoir mardi 30 octobre dans son local les ministres de l'Intérieur et de la Justice ainsi que la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les hommes et les femmes. Franceinfo revient sur ces agressions médiatisées depuis la rentrée.
Le 2 septembre à Lille, deux couples aspergés de Javel et de peinture à la braderie
C'est l'affaire qui a secoué la braderie de Lille, dimanche 2 septembre. Au beau milieu de la frénésie de ce rendez-vous populaire, Aurélie Merlo a d'abord pensé qu'on lui avait jeté de l'eau, alors qu'elle se baladait avec sa compagne. "C'est en sentant l'odeur sur mes vêtements que j'ai compris que c'était de la Javel", raconte la jeune femme à franceinfo. Terrence Katchadourian, secrétaire général de Stop Homophobie, y voit une agression homophobe. Et ce cas ne serait pas isolé, puisqu'il affirme avoir reçu un autre signalement d'une agression semblable pendant la braderie, visant cette fois un couple de garçons. Eux aussi se sont fait asperger "d'un liquide qui a décoloré [leurs] vêtements" dans la soirée.
Aurélie souligne qu'elle et sa compagne n'ont pas été arrosées qu'une fois, mais à trois reprises. La jeune femme affirme avoir rapidement compris qu'il s'agissait d'une agression homophobe. "Il y a foule autour de nous et on est les seules à recevoir ça ?", s'interroge-t-elle, soulignant la lâcheté des agresseurs. "On a été touchées dans le dos, au milieu d'une foule... Je pense que ça devait venir d'un objet assez discret, comme un pistolet à eau, affirme Aurélie. En tout cas, on a bien été visées. On se tenait la main, quelqu'un a dû nous voir..." Cette dernière était, à l'époque, déterminée à porter plainte.
Le 18 septembre à Paris, un jeune homme passé à tabac
Comme beaucoup, il a d'abord raconté son agression sur Instagram."Je savais qu'un jour ça m'arriverait. Une agression homophobe violente en pleine rue", écrit Arnaud Gagnoud. Son texte est accompagné d'une photo de son visage tuméfié. Le comédien raconte l'agression, qui s'est déroulée le 18 septembre devant un théâtre à Paris, où il venait d'assister au spectacle d'une amie, avec son compagnon. Il a "le malheur" de lui faire un câlin.
C'est alors qu'un groupe de jeunes les interpelle. "Un flot d'insultes homophobes sortait de leurs bouches. Ils exigeaient que nous quittions 'leur quartier' où 'y a pas de PD ici'", poursuit le jeune homme. Le couple refuse de partir, les insultes continuent, "plus graves, plus haineuses". D'autres personnes, dont une à scooter, arrivent. "Insultes, bousculades, menaces. On ne cède pas. Le chauffeur du scooter détache son casque, le retire, et me frappe avec. Deux coups portés à la tête", explique Arnaud Gagnoud. Le comédien a "sept points de suture et plusieurs jours d'ITT", son compagnon est indemne. Le lendemain, le parquet de Paris ouvre une enquête pour "violences avec arme par destination en raison de l'orientation sexuelle" et "menaces de crimes ou délits en raison de l'orientation sexuelle".
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Le 6 octobre à Paris, un couple agressé pour s'être embrassé
"Alors, ça va les PD ?" Il est 22 h, ce samedi 6 octobre, lorsque Vincent sort de chez un ami et embrasse son époux. Un jeune homme à vélo les dépasse et leur lance cette première insulte. Puis, il descend de son vélo et se jette sur Vincent pour le frapper au visage. A cet instant, un second jeune homme arrive sur les lieux et brutalise à son tour le couple, qui se retrouve à terre. "J'étais en sang, je criais 'au secours'", raconte Vincent à franceinfo. L'arrivée de deux passants fait finalement fuir leurs agresseurs. Le lendemain, le couple porte plainte. Grâce aux images de vidéosurveillance, le deuxième agresseur est interpellé et condamné à un an de prison.
Le 7 octobre à Lyon, un jeune homme frappé à la nuque
Ce dimanche 7 octobre, Simon est attablé avec des amis place Bellecour, à Lyon. En sortant d'un fast-food, "on a été pris à partie par quatre jeunes qui nous ont insultés", raconte-t-il à Europe 1. Aux "sales PD", succèdent "des coups", notamment à la nuque. Les gens autour d'eux ne réagissent pas. Mais, plus préoccupant encore, les policiers, appelés en urgence, refusent de se déplacer. "C'est un moment où on avait besoin qu'ils se déplacent et ils ne sont pas venus. C'est vraiment décourageant", déplore-t-il auprès de France 3. La sécurité publique du Rhône a finalement reconnu que la réponse du policier était inadaptée et a engagé une procédure interne pour faire la lumière sur les faits. Une enquête judiciaire a été ouverte pour retrouver les agresseurs de Simon.
Le 8 octobre à Paris, un couple de femmes agressé
Elles mangeaient sur un banc public vers 19h30, lundi 8 octobre, quand ce couple de femmes a été agressé par un individu, rapporte 20Minutes. Après des insultes à caractère homophobe, ce dernier a porté un coup de poing au visage de l'une des deux femmes, avant de prendre la fuite. Secourue par un témoin, la victime, blessée à la mâchoire, a porté plainte.
Une enquête a été ouverte pour "violences volontaires commises à raison de l'orientation sexuelle" et confiée au Service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) du commissariat du 20e arrondissement.
Le 13 octobre à Paris, un jeune homme frappé au visage
Lui a choisi Twitter pour témoigner de ce qui lui est arrivé. "J’ai été victime d’une agression homophobe hier soir dans le 15e arrondissement de Paris parce que je portais du make-up", raconte, le 14 octobre, Sofiane. Ce jeune homme de 21 ans rentrait de soirée avec un ami lorsque dans le bus, "un groupe de cinq personnes monte" et l'une d'elles commence à le traiter de "pédé". "Il s'est jeté sur moi et m'a fait tomber au sol. Mes lunettes volent. Lui était tellement saoul, qu'il ne s'est même pas relevé", explique-t-il à franceinfo. Un ami de l'agresseur arrive sur les lieux, voit "son copain à terre" et donne "un coup de poing au visage" de Sofiane. Ce dernier a déposé plainte, mais à l'époque l'agression n'est pas qualifiée d'homophobe mais d'agression gratuite.
Le 15 octobre à Paris, un couple d'hommes agressé par leur chauffeur VTC
Ils pensaient être en sécurité. Il est 1 h du matin, ce lundi 15 octobre, boulevard Diderot, dans le 12e arrondissement de Paris, quand deux clients s'embrassent dans une voiture VTC. Le chauffeur s'arrête alors brusquement et déclare qu'il ne transporte pas "des gens comme ça". Au moment où les deux hommes veulent sortir leurs bagages du coffre, le conducteur tente de s'y opposer avant de donner un coup de poing à l'un des passagers et des coups de pied à l'autre. Les deux victimes ont porté plainte.
Le 16 octobre à Paris, le fondateur d'Urgence Homophobie agressé
"Ce soir, c'est mon tour", écrit en guise de préambule sur Twitter, Guillaume Mélanie, le fondateur de l'association Urgence Homophobie. Ce dernier a été victime d'une agression homophobe le 16 octobre à Paris."On sortait du restaurant avec des amis, on fêtait le titre de séjour d'un de nos réfugiés [l'association accompagne des homosexuels tchétchènes] et en sortant, le temps qu'on se dise au revoir, on gênait le passage. Et un monsieur qui a dû voir qu'on était gays, ça ne lui a pas plu", raconte-t-il à BFMTV. L'agresseur a alors "poussé" un membre du groupe. "On lui a dit 'doucement' et c'est là qu'il m'a dit des insanités homophobes", poursuit Guillaume Mélanie. "Il m'a traité de PD, il m'en a collé une, un gros coup de poing dans le nez", ajoute-t-il.
Ce soir c’est mon tour.
— Guillaume Mélanie (@Guillaumelanie) 16 octobre 2018
Agression homophobe à la sortie d’un restau.
Nez cassé.
Choqué.
Du sang partout.
Je suis homosexuel, et nous sommes en 2018.@SOShomophobie @Tof_Beaugrand @stop_homophobie @Lyes_Alouane @MarleneSchiappa pic.twitter.com/O8nxg5rk3C
Le 24 octobre à Rouen, un homme séquestré et frappé pendant plus de deux heures
Ces hématomes recouvrent tout son corps. Le 24 octobre, un jeune homme a été violemment frappé et sequestré par deux autres personnes pendant plus de deux heures, rapporte cinq jours plus tard BFMTV. En boîte de nuit, il fait la connaissance de deux personnes avec qui il accepte de poursuivre la soirée. "Au bout de 200 mètres, le passager détache sa ceinture et passe sur la banquette arrière où il commence à me frapper en me traitant de 'sale PD', de 'tantouze'", raconte-t-il. "Il n’a pas arrêté de me frapper. Ma tête tapait sur le carreau et mon corps aussi", poursuit-il. Après avoir été séquestré pendant deux heures et demie, le jeune homme parvient à s'échapper. Il s'est vu prescrire dix jours d'ITT. Une enquête a été ouverte. Le jour même de la médiatisation de cette affaire, Emmanuel Macron a réagi sur Twitter. Le président de la République promet l'annonce de "mesures concrètes".
Les violences homophobes doivent être une préoccupation pour notre société tout entière. Elles sont indignes de la France. Des mesures concrètes seront annoncées mais ne sauraient remplacer l’humanité et la tolérance qui sont au cœur de notre culture.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 29 octobre 2018
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