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Quatre questions autour des "class actions"

La loi autorisant l'action de groupe est entrée en vigueur le 1er octobre. L'UFC-Que Choisir en a profité pour attaquer le groupe de gestion immobilière Foncia. Si vous ne comprenez rien à cette procédure inédite en France, lisez la suite…

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'UFC-Que Choisir a lancé, le 1er octobre 2014, la première action de groupe contre le groupe de gestion immobilière Foncia. (JACQUES LOIC / AFP)

L'UFC-Que Choisir a dégainé la première. "Pas étonnant", selon les connaisseurs du dossier. L'association de défense des consommateurs a lancé la première "class action" à la française mercredi 1er octobre, date d'entrée en vigueur de la loi. Sa cible : le groupe Foncia, administrateur de biens immobiliers. Elle espère restituer 44 millions d'euros aux 318 000 locataires auxquels cette société a facturé illégalement, pendant des années, l'envoi des quittances de loyer. Une affaire peu complexe et facile à gagner pour l'UFC-Que Choisir, qui entend frapper fort avec cette première action collective. 

Francetv info vous explique tout sur cette nouvelle procédure judiciaire qui pourrait bien faire évoluer le droit de la consommation.

1Qu'est-ce qu'une action de groupe ?

La "class action" permet de regrouper plusieurs plaintes en une seule. Ainsi, des consommateurs s'estimant victimes d'une même pratique abusive peuvent se regrouper pour attaquer l'entreprise visée et obtenir réparation. Le sujet était présent dans le débat public depuis plus de trente ans. François Hollande l'avait promis, Benoît Hamon, l'ex-secrétaire d'Etat à la Consommation, en a fait le pivot de sa loi sur la consommation votée en février 2014.

Seuls les ventes de biens ou services ou le non-respect des règles de concurrence entrent dans le champ d'application de la loi. Celle-ci exclut pour le moment le domaine de la santé et de l'environnement. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, souhaite néanmoins l'introduire dans sa prochaine loi sur la santé.

2Comment faire pour engager une telle action ?

Il faut obligatoirement se tourner vers une des quinze associations de défense des consommateurs agréées par l'Etat. Vous trouverez la liste de ces organisations et leur domaine de compétence sur Conso.net, le site géré par l'Institut national de la consommation. 

Ensuite, rendez-vous directement au bureau de l'association avec tous les justificatifs que vous possédez. Apportez éventuellement les éléments de soutien d'autres personnes qui se trouvent dans la même situation. Votre objectif : la convaincre de l'importance et de la pertinence de mener une action de groupe. C'est elle qui décidera ou non d'engager une procédure.

"Cela permet d'éviter l'engorgement des tribunaux sous l'effet d'un trop grand nombre de procédures, explique à francetv info Philippe*, l'un des cofondateurs de Un-pour-tous.net, site spécialisé dans l'action de groupe. C'est aussi un moyen d'éviter que les entreprises françaises soient visées par trop de procès d'un coup et en subissent des conséquences sur leur stabilité."

De plus, les coûts sont partagés. L'association avance les frais de justice. Si elle gagne son procès, elle ouvre un compte spécifique à la Caisse des dépôts et y verse l'argent obtenu. L'association rembourse alors à chacun le montant du préjudice, après avoir déduit les frais de justice mutualisés.

3Comment puis-je me joindre à l'une de ces actions ?

Si la procédure est déjà lancée, il n'est pas nécessairement trop tard. Par exemple, vous n'avez jamais entendu parler de l'action de groupe - normal puisqu'elle n'était pas en vigueur - et vous estimez avoir été trompé par Foncia. Il vous suffit de vous signaler auprès de l'association et de présenter les justificatifs de ce que vous avancez (factures, relevés de comptes…). Une fois la décision de justice rendue, vous aurez entre deux et six mois pour vous manifester. Il est donc important de conserver ces preuves sur la durée puisque la procédure judiciaire peut prendre plusieurs années si des recours sont introduits.

4Après Foncia, qui pourrait être visé ?

A priori, les quinze associations agréées devraient débuter par des dossiers médiatiques. La CLCV, importante association de consommateurs généraliste, devrait emboîter le pas à l'UFC. "Foncia était une proie facile, l'UFC-Que Choisir l'avait déjà fait condamner par le passé, confirme Philippe. Dans les mois à venir, la grosse bataille devrait concerner les opérateurs de téléphonie mobile et d'internet." Les consommateurs pourraient par exemple lancer une action de groupe contre un opérateur qui ne respecterait pas ses promesses en termes de couverture 3G/4G. On se souvient du procès remporté par l'UFC-Que Choisir en 2005 contre Bouygues, SFR et France Télécom, condamnés pour s'être accordés sur leurs prix.
 
Les géants du web, qui suscitent de nombreuses critiques au sein de l'opinion publique, pourraient, eux aussi, être visés. En Autriche, par exemple, un étudiant a initié cette année une action de groupe contre Facebook, qu'il accuse de violer le droit protégeant les données personnelles de ses utilisateurs.
 
Le domaine des banques et des assurances devrait aussi faire partie de l'un des premiers visés. On leur reproche des clauses de contrats très peu lisibles et non négociables, causes fréquentes de mauvaises surprises pour le client. On évoque aussi les surfacturations illégales, comme dans le cas de Foncia.
 
"L'énergie aussi devrait faire l'objet d'actions de groupe, anticipe Thomas Lancereau, rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs. La Fondation France libertés s'est dite prête à mener une telle procédure concernant les coupures d'eau illégales, c'est-à-dire qui visent des personnes en difficulté de paiement. Il ne reste plus qu'à savoir quelle association la portera."
 
On s'attend bien sûr à beaucoup de demandes dans le domaine des transports. La SNCF, pour ne citer qu'elle, pourrait être exposée en cas de non-respect de ses engagements. Mais la situation est un peu plus complexe. La responsabilité d'un retard, par exemple, n'est pas forcément imputable à l'entreprise. De plus, les usagers ne sont pas toujours affectés de la même manière.
 
* Le prénom a été changé
 
 

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