FN : sur la trace des millions qui intéressent les juges
Marine Le Pen n’a pas daigné répondre à la convocation des deux juges d’instruction qui enquêtent sur le financement des campagnes frontistes des élections de 2012. La présidente du FN devait être auditionnée, le 13 octobre 2015, sous le statut de témoin assisté. Les magistrats souhaitent que Marine le Pen s’expliquent sur "l’affaire Jeanne", une affaire devenue embarrassante pour le Front national. Déjà dix personnes sont mises en examen.
Des kits de campagnes à 16.500 euros pièce
"Jeanne" - en référence à Jeanne d’Arc - est le nom du micro-parti de Marine Le Pen, un parti de poche au service de la présidente du Front national. Jeanne, le Front et l’entreprise Riwal - une entreprise de communication et d’imprimerie, devenue le premier prestataire du FN -, sont soupçonnés d’avoir mis en place des montages frauduleux pour financer illégalement une partie des campagnes électorales de 2012. Riwal, aurait aussi pu, selon la justice, financer de manière illicite le parti de Marine Le Pen.
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L’affaire remonte au début de l’année 2012. L’élection présidentielle n’a pas encore eu lieu, mais, déjà au siège du FN à Nanterre, on prépare activement les législatives. 565 candidats vont se présenter sous l’étiquette "Rassemblement Bleu Marine". La plupart sont novices en politique. Le parti va donc leur fournir un kit de campagne. Dans ce kit il y a tout le matériel dont un candidat a besoin pour faire sa propagande : affiches, tracts, journaux de campagne, etc.
Mais ce kit coûte cher : 16.500 euros pour la version basique, c’est-à-dire sans option. Un tarif qui avait choqué à l’époque Dominique Morel, numéro 2 du FN dans le Puy-de-Dôme – il a quitté le parti depuis -. "Tous les candidats avaient un site à 1.800 euros pièce, vous avez des cartes postales à votre effigie, des affiches, etc. Moi, mon kit de campagne de 2012 il est de 16.650 euros !"
Le prix des kits fait aussi tiquer les juges. Ils nourrissent des soupçons de surfacturation. Le parti s’en défend vigoureusement. Les juges évoquent aussi dans leur enquête des soupçons de "vente forcée". Car, dans une note rédigée à l’époque, la direction du FN avait établi cette règle : seuls les candidats qui auront achetés le kit (de Riwal) obtiendront l’investiture du parti pour les législatives.
Le micro-parti aurait engrangé 600.000 euros
Pour la justice, l’Etat a peut-être été escroqué dans cette affaire. Le FN est soupçonné d’avoir mis en place système permettant de récupérer des deniers publics, par l’intermédiaire de Jeanne, le micro parti de Marine Le Pen. Jeanne a proposé de prêter de l’argent aux candidats FN pour qu’ils achètent les kits de campagne. Le candidat devait payer des intérêts de 6,5 pour cent.
Au final, c’est le contribuable qui a payé : l’Etat a remboursé la majorité de ces dépenses,- au titre des remboursements de frais de campagne. C’est la règle lorsque les candidats obtiennent plus de cinq pour cent des suffrages à une élection. Cela signifie que l’Etat a payé le montant des prêts, mais aussi les intérêts. Selon une source judiciaire, ce système aurait permis à Jeanne de générer un profit de 600 mille euros.
Une faille dans la législation ?
Le FN soutient qu’il a strictement respecté la loi. En fait, cette mécanique des intérêts remboursés n’aurait rien d’illégal. Le FN a sans doute profité d’une faille dans la législation. C’est l’analyse du député PS Romain Colas, membre de la commission des finances à l’Assemblée nationale. Il s’apprête à déposer une proposition de loi pour éviter des dérives à l’avenir. "Il est possible aujourd’hui, en l’état actuel du droit, qu’un tel système de plus-values existent. Et moi je considère qu’il est important pour les finances publiques de l’interdire. Le financement public des élections a vocation de permettre aux candidats de faire campagne pour une élection donnée, surtout pas de faire des réserves pour l’élection d’après !"
Autre volet de cette affaire : les juges soupçonnent aussi le FN d’avoir été illégalement financé par son imprimeur, la société Riwal. Les magistrats enquêtent sur de possibles dons déguisés, des avances de trésorerie, et l’embauche, présumée fictive, de cadres du FN par la société Riwal.
Ces accusations, le FN les juge absurdes et infondées. A ce jour dans cette affaire, dix personnes sont mises en examen. Notamment le Front national en tant que personne morale.
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