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Clichy-sous-Bois : dix ans après, le procès des policiers

Le décès de Zyed et Bouna, alors qu’ils fuyaient la police, avait déclenché trois semaines d’émeutes en 2005. Dix ans après les faits, deux policiers sont jugés devant le tribunal correctionnel de Rennes pour non-assistance à personne en danger. Au cœur du procès, une communication radio.
Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Un rassemblement en hommage à Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2006. © Reuters)

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, poursuivis par la police de Livry-Gargan, meurent électrocutés alors qu'ils s'étaient cachés dans un transformateur EDF à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. La mort des deux jeunes provoque une vague d'émeutes dans toute la France. Le gouvernement déclare l'état d'urgence.

Dix ans de procédure

Il a fallu dix ans d'enquête et de procédures judiciaires pour qu’un procès ait lieu. Deux policiers de Seine-Saint-Denis, un homme et une femme, sont finalement renvoyés ce lundi devant le tribunal correctionnel de Rennes. Ils sont jugés jusqu'à vendredi pour non-assistance à personne en danger.

Rarement un dossier pénal relevant d’un tribunal correctionnel n’aura vu un tel délai, une telle dépense d’énergie et de moyens, une telle pression politique et médiatique. Le fait divers déclencheur des émeutes de 2005 a failli ne pas être jugé. A l’acharnement des parties civiles a répondu l’obstination du parquet de Bobigny qui a toujours exclu la responsabilité des policiers dans ce drame.

A Clichy-sous-Bois, cette instruction à tiroir - rigoureuse mais interminable - a donné l’impression que le pouvoir judiciaire - mais aussi le pouvoir politique - tentait de protéger les policiers pour dépassionner l’affaire. "Il y avait une volonté d’exténuer la procédure en la retardant au maximum" , estime Jean-Pierre Mignard, avocat des familles des victimes.

"Il y avait une volonté d’exténuer la procédure en la retardant au maximum", Jean-Pierre Mignard, avocat des familles des victimes.

Le 20 septembre 2013, la chambre de l’instruction de Rennes, qui a hérité du dossier pour des raisons techniques, a mis fin au suspense et à ce marathon judiciaire en renvoyant les deux policiers de Seine-Saint-Denis devant un tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger.

Un enregistrement radio au coeur du procès

Au cœur du dossier, au cœur de ce procès, une communication radio de la police prononcée le jour du drame, le 27 octobre 2005, à 17h36 exactement. Une petite phrase, qui dit à peu près cela : "En même temps, s’ils entrent sur le site EDF je ne donne pas cher de leur peau."

La retranscription des communications radio entre policiers, le jour du drame, risque d’être l’un des enjeux de ce procès. Daniel Merchat, avocat des deux policiers, le reconnaît : "Il est certain que le trafic radio va être au centre des débats. Les dix années de procédure vont se résumer à un échange radio qui a duré dix secondes."

"Les dix années de procédure vont se résumer à un échange radio qui a duré dix secondes", Daniel Merchat, avocat des deux policiers.

Sébastien, le gardien de la paix qui a prononcé cette phrase, est ce lundi sur le banc des prévenus.  A ses côtés Stéphanie, qui ce 27 octobre 2005 était en charge de la permanence radio du commissariat de Livry-Gargan.

L’équipage de Sébastien, déployé ce jour-là à Clichy-sous-Bois pour un cambriolage, a-t-il vu les futures victimes entrer sur le site EDF pour se cacher ? "Non" , affirme Sébastien depuis le début de l’enquête. Pourtant les transmissions radio semblent indiquer le contraire.

Le gardien de la paix parle d’individus qui "enjambent pour aller sur le site EDF" . Quelques minutes plus tard, Sébastien jette lui-même un coup d’œil au-dessus du mur d’enceinte du transformateur pour vérifier. Il ne voit rien. Personne, ni la patrouille, ni Stéphanie depuis sa permanence radio, ne prévient EDF ou les pompiers pour s’assurer que les jeunes n’ont pas commis cette folie.

Les deux policiers, poursuivis pour non-assistance à personne en danger, risquent cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.

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