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Témoignage "C'est l'honneur d'une grande démocratie de reconnaître ses erreurs" : les Français condamnés pour homosexualité entre 1942 et 1982 pourraient être réhabilités

Ils sont 10 000 à avoir été condamnés pour homosexualité en France, entre 1942 et 1982. Très peu sont toujours en vie. Une proposition de loi est examinée au Sénat mercredi pour leur apporter réparation.
Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Michel Chomarat en novembre 2023, dans son appartement lyonnais. (Agathe Mahuet / RADIO FRANCE)

Une proposition de loi pour réhabiliter les personnes condamnées pour homosexualité, en France, entre 1942 et 1982 est débattue mercredi 22 novembre au Sénat. Le texte est porté par l’élu socialiste Hussein Bourgi et vise à reconnaître la responsabilité de l’État dans cette discrimination, et à apporter réparation aux quelque 10 000 personnes concernées à l’époque. Il n'en reste aujourd’hui que quelques centaines, toujours vivantes, dont Michel Chomarat, militant homosexuel lyonnais, âgé de 75 ans.

Il se félicite que cette réparation soit enfin à l’ordre du jour : "Je l’attends depuis tellement longtemps." Michel Chomarat fait partie de ces hommes, victimes jusqu’en 1982 de ce qu’il appelle l’homophobie d’État : "Il fallait que les pédés restent dans des placards. Morts ou dans des placards, mais surtout pas dans l’espace public. Donc la plupart du temps, les homosexuels sortaient la nuit, rasaient les murs…" Lui avait été arrêté en 1977 à Paris, alors qu’il prenait du bon temps dans l’arrière-salle d’un club privé homosexuel, "Le Manhattan" : "On était entre nous, bien sûr majeurs. Et d’un seul coup, la lumière s’éclaire, j’entends 'Police, police, police !'" Des agents en civil s’étaient infiltrés, au cœur des ébats : "Et nous sommes embarqués dans des paniers à salade. Menottés, ça, c'est mon titre de gloire !" Interpellé, avec huit autres clients et les deux patrons du club. Tous les onze arrivent au Quai des Orfèvres, le siège de la police judiciaire.

Michel Chomarat en 1968. (DR)

Michel Chomarat est jugé, puis condamné en 1978 à une amende de quelques centaines de francs pour outrage public à la pudeur. "Est-ce qu’il peut y avoir outrage public à la pudeur dans un espace privé ? s’insurge-t-il. C'est comme si vous faisiez une partouze chez vous. Bon…" La condamnation est confirmée en appel, puis en cassation, deux ans plus tard : "Je me suis senti humilié, méprisé. C'est un mépris d’État, c'est ça qui me gêne le plus". Beaucoup de ces condamnés ont vu leur vie brisée : "Quand vous étiez en province, quand vous étiez arrêté, vous aviez droit à une demi-page dans le journal local avec votre nom et tous les détails. La plupart perdaient emploi, appart… Socialement, ils étaient complètement détruits."

"La plupart des gens qui ont été condamnés ne sont plus là"

D’où ce besoin de réparation, aujourd’hui. La proposition de loi prévoit d’ailleurs une indemnisation de 10 000 euros : "Ça fait rire tous mes copains, comme j'ai été condamné trois fois : 30 000 euros, ça va être la fête !" Mais Michel Chomarat tient surtout au symbole, que l’État reconnaisse sa responsabilité : "C’est l’honneur d’une grande démocratie de reconnaître ses erreurs !" D’autant qu’il craint que très peu de personnes se manifestent : "Qui va finalement demander réparation ? Parce que moi, je suis une gamine, je n'ai que 75 ans. Mais la plupart des gens qui ont été condamnés, ils ne sont plus là, hélas." En Espagne, premier de nos voisins à proposer une telle réparation, seule une centaine de personnes se sont manifestées. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche aussi, ont déjà réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité.

Les Français condamnés pour homosexualité entre 1942 et 1982 pourraient être réhabilités - Le reportage d'Agathe Mahuet

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