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Hommages après les attentats : un long travail d'archivage commence

Les mots, les dessins et les photos laissés au Bataclan, place de la République, à la Belle équipe et à toutes les terrasses de café visées par les attentats ne tomberont pas dans l’oubli. Ils vont tous être archivés. Une dizaine de volontaires a commencé à sauvegarder ces milliers de documents aux Archives de Paris.
Article rédigé par Alice Serrano
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Des mots, dessins et bouquets de fleurs déposés devant le Bataclan ©Reuters/Charles Platiau)

La salle, au rez-de-chaussée de ce bâtiment moderne que sont les Archives de Paris, est quadrillée par des étagères en fer. Sur ces étagères, des centaines, des milliers de dessins et de mots sèchent. Ils se remettent de la pluie qui est beaucoup tombée dans les rues de Paris depuis les attentats. Non loin de là, affairée à une table, ciseaux à la main, il y a Audrey. Elle est archiviste et découpe les plastiques qui protégeaient certains mots de la pluie. "Là, on est vraiment dans l’urgence de la sauvegarde des documents, dit-elle, s’il restent dans les plastiques, le risque c’est qu’ils moisissent et que l’encre coule ."

Une dizaine d’archivistes mobilisés depuis une semaine

Tous les matins, depuis une semaine, un groupe d'une dizaine d'archivistes volontaires se déplace sur les lieux des attentats pour récolter les dessins, les mots, les photos abîmés qui risquent de se détériorer dehors. Une fois les dessins sortis de leur pochette plastique, ils sont étalés sur des feuilles de papier intissées sur lesquelles le papier n'adhère pas. Là, sur ces étagères, ils sèchent naturellement.

"Celui du haut était sous un plastique ", explique Audrey, montrant un dessin du doigt, "mais celui en dessous était à même le trottoir et recouvert de fleur, donc on voit la dégradation, il est complètement humide, mais on voit le dessin, avec paix amour liberté résistance ". Ces mots sont inscrits sur un drapeau tenu par un enfant.

  (Un des milliers de dessin qui sèchent sur les étagères ©Radio France/Alice Serrano)

Sur un autre dessin, juste à côté, une Tour Eiffel. Un peu plus, loin, sur fond d'un drapeau tricolore un "Paris je t'aime" ... Certains mots, certains symboles reviennent plus que les autres, constate Emilie : "Pray for Paris, Je suis Paris, des cœurs, la Tour Eiffel, le bleu-blanc-rouge, des Marianne dessinées à la main. Il y a de très très beaux dessins, de beaux hommages laissés par les gens ", s’enthousiasme la jeune restauratrice. Elle aura la charge de réparer les pièces endommagées une fois qu'ils auront été désinfectées : "Ce sera surtout des réparations de déchirures et beaucoup de nettoyage. On utilise un petit aspirateur et une petite brosse pour balayer la poussière, puis une gomme ".

Récolter ces dessins est un travail chargé en émotion. La plupart des archivistes nous ont confié éviter de lire les mots pour se préserver. Un dessin, cependant, a quand même retenu l'attention de Gérald. "C’était un dessin d’enfant, se souvient-il, il disait 'nous n’avons plus à avoir peur car les méchants qui ont fait ça ont été tués par la police', c’était vraiment touchant ".

Gérald, comme les neuf autres archivistes est volontaire aux archives de Paris pour effectuer ce travail. Cela lui paraissait naturel : "Cela va au-delà de notre cadre de travail, c’est quasiment une démarche citoyenne. Les archives, c’est la source de l’histoire, là on a pris de plein fouet dans la tête un événement historique. Ce qu’on fait c’est pour les générations à venir ". Pour que les générations futures aient accès à tous ces documents, cette équipe de choc d’archivistes va numériser ce qu’elle a conservé. Tout sera mis en ligne sur un site internet dédié.

Le reportage d'Alice Serrano aux Archives de Paris pour France Info

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