Cet article date de plus de trois ans.

Violences sexuelles faites aux enfants : depuis un mois, la plateforme a recueilli "4000 témoignages", indique le co-président de la Ciivise

"Nous savons que l'un des freins pour qu'un enfant révèle les violences qu'il subit est la peur de ne pas être cru", déclare l'ancien juge pour enfants Édouard Durand. "Croire l'enfant et le protéger immédiatement est un impératif conditionnel."

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Édouard Durand, le co-président de la Ciivise lors d'un débat sur les violences conjugales, le 14 octobre 2021. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Depuis près d'un mois maintenant, quasiment jour pour jour, nous sommes autour de 4 000 témoignages, tous modes de communication confondus", indique mercredi 20 octobre l’ancien juge des enfants, Édouard Durand, co-président de la commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. "C'est donc un mouvement d'une très grande ampleur". Sur ces 4 000 témoignages reçus, "près d’une vingtaine de signalements" ont été effectués auprès de l’autorité judiciaire, précise Édouard Durand.

La Ciivise se déplace pour la première fois à Nantes mercredi. Un premier déplacement national mensuel, pour aller à la rencontre des citoyens et recueillir la parole. Selon une enquête de l'Inserm, 5,5 millions de personnes majeures aujourd'hui, ont été confrontées à des violences sexuelles quand elles étaient mineures

franceinfo : Qu'est-ce que vous attendez de cette journée ?

Édouard Durand : Le premier objectif de ce déplacement à Nantes est d'y organiser une réunion publique pour aller à la rencontre des personnes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance et de tous les citoyens de toutes les citoyennes, pour que la commission soit vraiment l'espace où se rencontrent à la fois les victimes et la société qui a pris conscience de l'urgence de protéger ces enfants. Ce que nous voulons aussi, c'est aller à la rencontre des acteurs de la protection et visiter un espace de protection qu’est le service de pédiatrie.

Vous avez lancé il y a un mois une plateforme pour recueillir les témoignages des victimes. Combien vous ont contacté ?

Depuis près d'un mois maintenant, quasiment jour pour jour, nous sommes autour de 4 000 témoignages, tous modes de communication confondus. C'est donc un mouvement d'une très grande ampleur. La plateforme téléphonique est très sollicitée par les personnes qui ont dit, ‘J'ai attendu ce moment toute ma vie’. Et puis, il y a des personnes qui nous écrivent. Il y a de nombreuses personnes qui se connectent à notre site Internet : ciivise.fr pour renseigner le questionnaire, documenter les mécanismes à la fois de la violence et les mécanismes de la protection.

"C'est un mouvement qui était souterrain et qui émerge."

Édouard Durand, ancien juge pour enfants et co-président de la Ciivise

à franceinfo

Parmi ces personnes qui vous contactent, il y a des victimes qui parlent pour la première fois ?

Oui, c'est tout à fait exact. Nous avons rencontré des personnes qui ont parlé pour la première fois à la commission. Nous les avons lus, nous les avons écoutés au téléphone, sans doute elles ont eu confiance dans la commission, se sont dit : ‘Je parle pour moi et je parle pour protéger tous les enfants à partir d'aujourd'hui'. Ça, c'est un mouvement très fort indissociable. Il n'y a pas d'injonction à parler, mais il y a cet espace qui s'ouvre aujourd'hui dans la société où la parole est reçue, prise en considération au point qu'elle permettra de construire une politique publique de protection.

Vous pensez que le rapport Sauvé, qui a dressé le bilan de ces violences au sein de l'Église, peut servir ou a déjà servi de déclencheur ou d'accélérateur ?

Oui, c'est très net. L'Église de France, en instituant la commission présidée par Jean-Marc Sauvé, a impulsé un mouvement dans la société, un mouvement de prise conscience et de protection. À partir du moment où l'Église a dit : ‘Je fais la lumière sur ce qui se passe à l'intérieur de l'institution de l'Église', alors, toutes les autres institutions et tous les autres espaces de vie sont convoqués pour le même mouvement. Et puis, les enquêtes que Jean-Marc Sauvé a fait réaliser pour la Ciase, [la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église] ont permis de montrer l'ampleur considérable du problème des violences sexuelles dans toute la société. Non seulement l'Église, mais aussi tous les espaces de vie fréquentés par les enfants y compris la famille.

Est-ce que vous souhaitez que les autres religions fassent le même travail aujourd'hui ?
Bien sûr, il faut que toutes les institutions fassent le même travail, c'est-à-dire comment on peut passer de la stratégie de l'agresseur qui impose le silence à une stratégie de protection en remettant la loi à sa place.

Sur les 4 000 témoignages que vous avez donc reçus depuis un mois, combien ont donné lieu à des signalements à la justice ?

Nous avons déjà effectué à peu près une vingtaine de signalements à l'autorité judiciaire et nous sommes en dialogue avec les personnes qui nous contactent pour les soutenir dans leur besoin d'être accompagnées sur le plan social, sur le plan judiciaire, quand elles souhaitent des démarches et aussi sur le plan sanitaire. Il y a aussi beaucoup de personnes qui nous contactent en disant ‘mon enfant, en rentrant de son week-end, a révélé des violences sexuelles et j'ai sollicité les institutions de protection qui ne me croit pas’. Donc, nous voulons aussi alerter ce que nous ferons bientôt sur ce problème, à la fois par des signalements et par nos travaux avec les institutions de protection.

Qu'est-ce que vous dites à ceux qui n'osent pas le faire ?

La Commission, c’est cet espace où votre parole sera toujours crue. Nous savons que l'un des freins pour qu'un enfant révèle les violences qu'il subit est la peur de ne pas être cru. Et nous savons aussi que le risque n'est pas d'inventer des violences, mais au contraire de laisser passer sous nos yeux sans les protéger. Croire l'enfant et dès lors qu'on le croit, le protéger immédiatement est un impératif conditionnel.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.