Cet article date de plus de trois ans.

Accusations d'agressions sexuelles contre Nicolas Hulot : "Aujourd’hui, je parle pour me libérer. Il faut que je sorte de cette voiture", témoigne Sylvia

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Sylvia : “Aujourd’hui je parle pour me libérer. Il faut que je sorte de cette voiture”.
Sylvia : “Aujourd’hui je parle pour me libérer. Il faut que je sorte de cette voiture”. Sylvia : “Aujourd’hui je parle pour me libérer. Il faut que je sorte de cette voiture”. (ENVOYÉ SPÉCIAL / FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions

Sylvia est l'une des femmes dont l'émission "Envoyé spécial" a recueilli le témoignage. Elle accuse Nicolas Hulot de l'avoir agressée sexuellement sur un parking en 1989, alors qu'elle avait 16 ans.

Sylvia venait d'avoir 16 ans. A l'époque, en mai 1989, elle est fan de Nicolas Hulot. Lui a 34 ans. Il est un présentateur à succès qui parcourt le monde. Son émission "Ushuaïa", diffusée chaque semaine sur TF1, est suivie par des millions de téléspectateurs. Elle affirme avoir écrit une lettre à Nicolas Hulot pour lui témoigner son admiration. En retour, il l'aurait invitée à assister à l'enregistrement de l'émission de radio "Antipodes", qu'il présente sur France Inter le 27 mai 1989. Après une invitation à petit-déjeuner, il lui aurait ensuite proposé de la raccompagner en voiture. Sur le trajet, elle affirme que Nicolas Hulot l'a agressée sexuellement. Nous retranscrivons ci-dessous ses propos livrés dans l'émission "Envoyé spécial"


"A partir du moment où on quitte le studio, on est tout le temps tous les deux. Il me pose beaucoup de questions : savoir si les jeunes sont touchés par sa cause, par sa personne. Je suis ultra-intimidée, c'est quand même la première personne publique que je vois d'aussi près, et il y a une certaine intimité dans un petit-déjeuner. 

L'entretien se termine et puis il me demande comment je rentre dans ma banlieue. Je lui dis 'Je vais prendre le métro, je vais jusqu'au pont de Sèvres'. Et il me propose de me déposer à une bouche de métro. Je monte avec lui, il prend la route pour me déposer sur l'esplanade du Trocadéro. On se dit au revoir. Au moment de lui dire au revoir, il me demande de l'embrasser dans le cou. Et je ne sais pas pourquoi je l'embrasse dans le cou. (...) Je me recule et il redémarre la voiture. Il ne dit rien. Et là, il commence à me dire : 'Est-ce que vous en avez rêvé ? De ce qui est en train de se passer ? Est-ce que vous saviez que ça se passerait comme ça ?'

"Je lui dis 'Non'..."

Je me rappelle ne pas faire de phrase. En fait je lui dis 'Non'. Je lui dis 'Non'. [Il me dit] 'Mais vous aviez envie de quoi ?' Moi : 'Je ne sais pas.' Il s'arrête après, sur un parking à ciel ouvert, on n'est pas dans un souterrain, on est dans un parking aérien. Et là, il sort son sexe. Ça va assez vite, il a défait son pantalon, il a sorti son sexe, il a pris ma main, il m'a demandé si je l'avais déjà fait avec des garçons, si j'avais l'habitude de ce genre de caresses et je lui dis : 'Non'. Je sais qu'à plusieurs reprises, je me remets sur mon siège, j'enlève ma main. Je me rappelle être dans un état d'incompréhension, en fait.

"Il avait une main qui prenait ma main et qui était sur son sexe, et avec l'autre main, il voulait que je l'embrasse, que je lui embrasse le sexe. Il me force à lui faire une fellation, que je ne fais pas réellement parce que je crois que je suis tétanisée, en fait."

Sylvia

dans "Envoyé spécial"

Je ne comprends pas réellement ce qu'il veut. Je ne l'ai jamais fait. Je suis en train de me demander si c'est ça, une relation amoureuse, en fait. Comme je suis fan de lui, je ne peux pas me dire que ce qui se passe ne doit pas arriver, que c'est quelque chose de mal. Je vais le penser très vite, mais pas dans la voiture. Je me rappelle que pour que cela s'arrête, je lui embrasse le bas du ventre. Parce que je sais que je suis coincée, en fait... Et comme je ne veux pas faire ce qu'il est en train de vouloir me faire faire, je me rappelle me blottir là où je ne ferai pas ce qu'il veut que je fasse. Et je me rappelle me retirer au fond du siège."

"Je parle pour me libérer"

A un moment où je suis en retrait contre le siège, il y a une femme et un homme qui sont passés, et je sais que la femme a eu un regard très insistant sur moi et elle a cherché à regarder la personne qui était à côté de moi. Mais ils sont passés. 

Il n'a rien dit, il a redémarré, on est repartis et il m'a redéposée au Trocadéro où il m'a dit une phrase qui va me hanter pendant des années : 'Remaquillez-vous un peu parce qu'on voit que vous avez fait des trucs.' C'est tout ce qu'il me dit. Je me rappelle foncer. Partir. Ne pas me retourner du tout. Me dire 'Qu'est-ce qui vient de se passer ? Qu'est-ce que c'est, en fait, ce qui vient de se passer ?' J'ai pas de réponse le jour même, en fait. J'oscille entre 'Alors, c'est ça ? Est-ce que j'ai séduit ? Est-ce que c'est normal ? Est-ce que les adultes ont ces relations-là ?

Par contre, je fais le choix tout de suite de le masquer. Parce que forcément, il y a du monde au bout du chemin qui va me dire 'Alors ? C'était comment, Nicolas Hulot ?' Là, je commence déjà à me construire cette carapace que je vais garder pendant trente ans. Aujourd'hui, je parle pour me libérer. Il faut que je sorte de cette voiture."


Extrait de "Nicolas Hulot : des femmes accusent", diffusé dans "Envoyé spécial" le 25 novembre 2021.

Les faits décrits par Sylvia sont prescrits. Nicolas Hulot est présumé innocent. Les journalistes d'"Envoyé spécial" l'ont contacté lui et ses avocats à plusieurs reprises. Il a refusé de répondre à leurs questions face à une caméra. Ses avocats ont également décliné les demandes d'interview. Ils ont fait savoir que leur client conteste fermement les faits, et affirme plus généralement n'avoir jamais agressé une femme dans sa vie. 

Joint par téléphone le 9 novembre 2021, Nicolas Hulot affirme : "Je suis anéanti, je n'ai jamais eu de relations ambiguës. (...) Vous savez très bien que ce sera parole contre parole. La parole des hommes est mise en cause, donc ce n'est même plus la peine de se défendre. (...) Non pas parce que je crains ce que j'ai fait, c'est tellement abject, tellement odieux, tellement à des années-lumière de ce que j'ai toujours été et de ce que je suis (...). Et comment voulez-vous que je me souvienne ? Je me souviens surtout de ce que je n'ai jamais fait. Je n'ai jamais de ma vie contraint en quoi que ce soit, qui que ce soit. Jamais, ni de près ni de force. Quand on ne sent pas, qu'on ne séduit pas, ou qu'on n'est pas séduit, on en reste là, c'est comme ça depuis la nuit des temps. (...) Je ne vais pas, moi, contre-attaquer [en disant] que ce sont toutes des menteuses, des trucs comme ça. Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est ce que je n'ai jamais fait. Mais quand on est innocent comme je le suis, innocent d'une manière que vous ne pouvez même pas imaginer... On est de toute façon piégé, quoi que l'on dise, la parole est suspecte. Quoi qu'on dise. Voilà. On ne peut pas se défendre. On ne peut pas se défendre… Parce que dans ce combat légitime, nécessaire des femmes, la parole des femmes est sacrée, et voilà."

> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.