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Retraité, ancien membre d'un groupe identitaire… Qui est Jean-Pierre Bouyer, soupçonné d'avoir voulu poignarder Emmanuel Macron ?

Mis en examen mardi avec trois autres personnes, l'homme était très actif sur les réseaux sociaux, où il appelait à la rébellion contre Emmanuel Macron et son gouvernement.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron arrive au musée d'Orsay, à Paris, pour un dîner en compagnie d'une cinquantaine de chefs d'Etat dans le cadre des cérémonies du centenaire de l'Armistice, le 10 novembre 2018. (MEHDI TAAMALLAH / NURPHOTO / AFP)

"Je ne trouverai le repos seulement le jour où notre pays la FRANCE n'aura plus cette me*** qui nous dirige et cette me*** qui voudrait nous asservir." C'est ce qu'écrivait en mars, sur Facebook, Jean-Pierre Bouyer. Ce sexagénaire est aujourd'hui considéré comme le meneur d'un groupe d'ultradroite soupçonné d'avoir voulu poignarder Emmanuel Macron la semaine dernière. 

Placé en détention provisoire, il a été mis en examen avec trois autres personnes, samedi 10 novembre, pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle" et "détention d'armes non autorisée en relation avec une entreprise terroriste". Franceinfo s'intéresse au profil du principal suspect de ce projet d'attaque.

Un "monsieur Tout-le-monde"

Retraité de 62 ans, Jean-Pierre Bouyer est un ancien négociant en bois, électromécanicien de formation, selon Le Point. Selon les informations de France 2, l'homme est originaire de Saint-Georges-de-Commiers (Isère), un village d'un peu plus de 2 000 habitants situé à environ trente minutes en voiture de Grenoble. Il est marié et père de deux enfants. Contactée par l'AFP, son épouse se dit "stupéfaite" "J'essaie de réfléchir, je ne comprends pas." Interrogée par Le Point, elle ajoute : "Il n'était pas malade, juste fatigué ces derniers temps. Je n'ai rien vu venir."

Je ne l'ai jamais vu violent en actes. Nous sommes ensemble depuis 1977.

L'épouse de Jean-Pierre Bouyer

au Point

"Je ne le soupçonnais pas capable de vouloir commettre un attentat, confie à franceinfo l'un de ses amis Facebook. Il est charmant. Il a été expatrié comme moi au Gabon et il a l'esprit ouvert sur le monde et les gens." L'homme n'inspire pas la méfiance au premier regard. "Il a l'air de monsieur Tout-le-monde", assure à France 2 une source proche de l'enquête. Un temps suspectée de faire partie du groupe, une Iséroise de 61 ans, qui a rencontré deux fois Jean-Pierre Bouyer lors de manifestations à Grenoble, s'est elle aussi confiée au Parisien : "Il avait l’air sympa. Jamais je n’aurais pensé qu’il en arrive à ce qui lui est reproché aujourd’hui. J’ai bien vu qu’il pouvait tenir parfois des propos violents contre Macron sur internet. Mais je n’ai pas vu le danger."

Un ancien adhérent de Debout la France

Lors de la dernière campagne présidentielle, Jean-Pierre Bouyer a soutenu Nicolas Dupont-Aignan, le candidat de Debout la France. Il a "adhéré après le premier tour de la présidentielle" et n'a "jamais milité ni eu de responsabilités" dans le mouvement, qu'il a quitté peu après, nuance Debout la France, interrogé par l'AFP. "Il nous reprochait d'être trop mous et de participer au débat démocratique et aux élections", ajoute la direction du parti. Après cette expérience, le jeune retraité s'est laissé tenter par les sphères d'influence de l'ultradroite.

Un sympathisant de l'ultradroite 

En couverture de sa page Facebook, Jean-Pierre Bouyer expose un montage photo de l'ex-députée FN Marion Maréchal en tenue de Jeanne d'Arc, épée à la main et fleur de lys apparente. "Mon défaut : être français ; mon combat : la liberté, la justice", écrit le retraité pour se présenter. Très actif sur les réseaux sociaux, il ne cache pas ses idées nationalistes, avec une tendance survivaliste – une idéologie qui consiste à se préparer à une future catastrophe. En mai dernier, il publie ainsi une photo d'un "cours de survivalisme préparation au combat" montrant une femme en train de s'exercer au tir.

Au fil de ses publications, sur sa page personnelle ou dans les différents groupes Facebook qu'il fréquente, Jean-Pierre Bouyer laisse transparaître sa colère contre le gouvernement et multiplie les appels à la rébellion. "Hoooooo !!!! Réveillez-vous, 67 millions de Français moins 20 000 hommes de la force publique police nationale (...) je vous laisse méditer car nous réfléchissons à une opération coup de poing", lance-t-il en avril dernier. 

Je cherche des patriotes, des vrais, pas des figurants, mais des personnes qui désirent donner d'elles-mêmes pour ce pays.

Jean-Pierre Bouyer

sur sa page Facebook

Il partage également plusieurs messages réclamant "une révolution du peuple de toutes les classes sociales, de tous les métiers" ou "une mobilisation générale contre la dictature de Macron. Il faut qu'on s'en débarrasse"

Un ancien membre d'un groupe identitaire, les Barjols

Jean-Pierre Bouyer a adhéré à différents groupes, comme les Forces françaises unifiées (FFU), un groupuscule à tendance "paramilitaire" et "très désorganisé" qui s'est depuis dissous, selon les mots de son ami Denis Collinet. Ce dernier, ancien militant du Front national, est le président des Barjols, groupe identitaire dans lequel Jean-Pierre Bouyer s'est investi. Le sexagénaire a même administré la page Facebook du groupe pour l'Isère. Ce groupuscule, dont le credo est "l'ACTION c'est la SOLUTION", selon sa description sur Facebook, a choisi de se nommer ainsi en référence au nom donné aux légionnaires français déployés au Mali.

Denis Collinet connaît bien Jean-Pierre Bouyer, son ancien bras droit au sein de ce groupe "patriotique". Les deux hommes devaient d'ailleurs se rejoindre en Moselle le 17 novembre, jour de l'appel au blocage des routes contre la hausse du prix des carburants – un rassemblement pour lequel ils se sont fortement mobilisés sur les réseaux sociaux. Interrogé dans Le Monde (article payant), Denis Collinet préfère voir dans l'interpellation de son ami "un coup monté par le gouvernement pour casser les mouvements patriotes".

Cet homme avait la tête sur les épaules et (...) il n'aurait pas pu imaginer un tel acte.

Denis Collinet

sur sa page Facebook

A ce jour, les Barjols revendiquent plus de 2 300 membres sur Facebook, mais bien moins pour les actions de terrain. "C’est ce qui énervait Jean-Pierre", qui a fini par quitter le groupe il y a "deux-trois mois", raconte au Monde Denis Collinet. Ce dernier assure que son groupe est pacifique et même "apolitique". Il considère ses membres comme des "lanceurs d’alerte" dont le rôle principal serait "d’informer", notamment sur "la montée de l’islam"Jeannot, militant des Barjols, se souvient ainsi, pour Le Monde, de son premier échange téléphonique avec Jean-Pierre Bouyer. Ce dernier lui avait expliqué avoir intégré le mouvement pour "ne pas que ses petites-filles doivent porter le voile dans quelques années".

Un homme prêt à passer à l'action

Dans des échanges téléphoniques repérés par les services de renseignement, Jean-Pierre Bouyer et d'autres membres de ce groupuscule avaient évoqué des projets, dont celui de s'attaquer au chef de l'Etat. Au début, les policiers jugent "imprécis et mal défini" ce projet d'"action violente", mais restent vigilants. Finalement, les menaces sont considérées comme suffisamment sérieuses pour déclencher, le 31 octobre, l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet.

Lundi 5 novembre, Jean-Pierre Bouyer prend la route avec un autre homme pour rejoindre Bouzonville, en Moselle. Dans cette commune de 3 500 habitants, ils retrouvent deux complices et passent la nuit à leur domicile. Ce déplacement dans l'est de la France, alors qu'Emmanuel Macron s'y trouve pour les commémorations du 11-Novembre, pousse les policiers à intervenir. La DGSI interpelle six personnes mardi matin. Deux d'entre elles verront leur garde à vue levée les jours suivants.

Lors de son arrestation, Jean-Pierre Bouyer était en possession d'un poignard en céramique qu'il comptait utiliser le jour même, selon ses aveux. Il envisageait de passer les portiques de sécurité grâce au matériau de cette arme (qui, contrairement au métal, n'est pas censé déclencher l'alarme) puis se mêler à la foule. "On est vraiment intervenus juste avant une action imminente", a confié à France2 une source proche de l'enquête.

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