Vingt ans après la mort de Marie Trintignant, le traitement des féminicides et la lutte contre les violences conjugales ont considérablement changé

Il y a vingt ans, le 1er août 2003, Marie Trintignant mourait, cinq jours après être tombée dans le coma, victime des coups de son campagnon, le chanteur Bertrand Cantat. L'affaire marquera un tournant dans le traitement des féminicides en France.
Article rédigé par franceinfo, Mathilde Lemaire
Radio France
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Une cérémonie d'hommage était organisée devant la tombe de Marie Trintignant, au cimetière du Père Lachaise, à Paris, le 30 juillet 2023. (LOUISON LEROY / RADIO FRANCE)

Il y a vingt ans, Marie Trintignant décédait des suites d'un œdème cérébral après avoir été frappée par son conjoint, Bertrand Cantat, le chanteur du groupe Noir désir. Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, ce dernier lui rend visite à Vilniuis, en Lituanie, et la roue de coups. Des blessures qui la plongent dans le coma : sa mort est annoncée le 1er août. À l'époque, la presse évoquait une "dispute amoureuse qui a mal tourné", "un huis clos tragique" ou encore "un drame passionnel". Vingt ans plus tard, il est difficile d'imaginer utiliser les mêmes mots.

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Bertrand Cantat évoquait à ce moment-là une chute après quatre gifles pour calmer un accès de rage de sa compagne. L'autopsie, elle, révélait dix-neuf traces de coups. Le chanteur écopera de huit ans de prison après un procès en Lituanie, et en fera quatre. Au moment de la mort de l'actrice, toute la presse employait le champ lexical de l'amour, la passion fatale : il n'était pas question de violences conjugales. L'histoire était racontée comme si la responsabilité était partagée par les deux membres du couple. Sur franceinfo, le jour où Marie Trintignant est rapatriée dans un établissement français, on pouvait entendre "Marie Trintignant, tombée dans le coma après une dispute".

Plus de 3 000 féminicides en vingt ans 

Malgré ce traitement médiatique, la mort de Marie Trintignant va devenir un symbole, pour prouver qu'aucun milieu n'est épargné. Son décès entraîne d'ailleurs une déferlante d’appels au 3919 Violences femmes info. Depuis, indéniablement, société et médias ont changé, observe Ernestine Ronai, responsable du premier Observatoire des violences faites aux femmes, créé en 2002.

"Quand Marie Trintignant, a été tuée, nous étions peut-être 200 à manifester. Je pense qu'il y a eu un chemin et qu'il y a eu une prise de conscience collective. Pour la première fois en 2006, on a compté les femmes qui ont été tuées par leur conjoint ou leur ex. Au départ, ce sont des militantes", qui ont comptabilisé, rappelle Ernestine Ronai, puis le ministère de l'Intérieur s'est mis à les dénombrer.

"À cette époque-là, je me souviens avoir dit 'On sait combien il y a de téléphones volés, mais on ne sait pas combien il y a de femmes tuées'. Ça me paraissait invraisemblable."

Ernestine Ronai

à franceinfo

"Et après, il y a eu MeToo, une très grosse étape : je ne suis plus seule. Nous sommes solidaires des femmes qui sont victimes ou qui pourraient l'être. Ça change complètement le regard sur les violences."

En 2019, le terme de féminicide s'impose dans le débat et le pouvoir politique se saisit du sujet, en organisant le Grenelle des violences conjugales. Mais les féminicides continuent : plus de 3 000 femmes sont mortes sous les coups de leurs conjoints depuis Marie Trintignant, sans compter les 15 000 blessées chaque année, les milliers d'enfants témoins traumatisés.

De nouveaux outils de lutte sont apparus

En vingt ans, la loi française a été modifiée pour mieux lutter contre les violences conjugales. Depuis 2004, le juge aux affaires familiales peut demander l'éviction du mari violent du domicile. En 2010, apparaît l’ordonnance de protection : l'homme violent a l'interdiction d'approcher son ex-compagne. Désormais, cette ordonnance peut même être prise sans qu'il y ait eu dépôt de plainte.

La même année, la France copie l'Espagne avec le téléphone grave danger, un portable avec une touche dédiée permettant à la victime de joindre la police à toute heure. Aujourd'hui en France, 5 000 téléphones graves dangers ont été distribués. 

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Depuis trois ans, 1 000 bracelets anti-rapprochement ont aussi été déployés. Quand l'homme qui le porte entre dans le périmètre où vit son ex-conjointe, elle est alertée par un signal. Il y a aussi eu ces dernières années une formation des policiers et gendarmes au dépôt de plaintes des femmes victimes, mais jugée encore insuffisante, selon certaines féministes.

À noter enfin, la mise en place des pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales au sein des tribunaux, coordonnés par des magistrats référents, d'ici janvier prochain. En cinq ans, le nombre de condamnations pour violences conjugales a été multiplié par deux.

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