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Faut-il avoir peur des drones ?

Pour la deuxième nuit consécutive, des drones ont été repérés dans le ciel parisien. La piste terroriste semble écartée. On aurait plus vraisemblablement affaire à des passionnés qui se seraient livrés à de la provocation. Mais ces intrusions interrogent en plein plan Vigipirate.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (En France, il est interdit de se servir des drones en agglomération © Maxppp)

La menace ne semble pas terroriste mais elle interroge. Dans la nuit de lundi à mardi, au moins cinq drones ont été aperçus survolant Paris, survolant l'ambassade des Etats-Unis, la Tour Eiffel, la Concorde. De même dans la nuit de mardi à mercredi. Il semble qu'ils soient pilotés par des passionnés qui voulaient provoquer. En effet la capitale est quadrillée par la police et l'armée depuis les attentats de Charlie Hebdo.

Les utilisateurs sont-ils prévenus de la loi ? Direction une boutique au cœur de la capitale, chez Parrot, l’un des plus gros vendeurs de drones de loisirs. Cette marque française qui fabrique ses engins dans le 11ème arrondissement de Paris a déjà écoulé 700.000 appareils dans le monde. A chaque fois qu’un client se présente ici, les vendeurs lui font toutes les démonstrations : comment fonctionne le drone, sa batterie, comment le connecter à sa tablette. Le client débourse entre 100 et 500 euros selon les modèles, et repart avec sa boîte en carton, son drone personnel mais aussi avec quelques  mises en garde.

"On précise bien à nos acheteurs qu’il est interdit de se servir des drones en agglomération" (Nicolas Halftermeyer de la société Parrot)

 

"On précise bien à nos acheteurs qu’ils ne doivent pas voler au-dessus de personnes, qu’il est interdit de se servir des drones en agglomération, de ne surtout pas les utiliser par exemple au-dessus d’une école. Pas question non plus au-dessus de l’autoroute, au-dessus d’aéroports et encore moins au-dessus de centrales nucléaires ", explique Nicolas Halftermeyer de la société Parrot. Il ajoute : "On rappelle aussi aux clients qu’ils doivent toujours garder leurs drones en contact visuel direct, qu’il leur est interdit de voler au-dessus de 150 mètres d’altitude et interdit de les sortir la nuit ".

La législation quasiment jamais respectée

Les vendeurs renvoient aussi vers la note publiée en décembre dernier par la DGAC, la direction de l'aviation civile et les dix règles d'usage du drone, écrites sur deux pages, qui sont glissées dans chacune des boîtes. Pour les drones de plus de deux kilos, là il faut carrément une autorisation préfectorale.

Mais il y a la réglementation écrite noire sur blanc, et puis il y a la réalité. Et la réalité, ce sont des centaines d'utilisateurs de drones qui font fi de règles : des télés notamment qui utilisent les drones pour filmer des évènements depuis le ciel. Et puis on ne compte plus sur le net les vidéos amateurs de survol du Louvre, de la Défense ou de l'Arc de triomphe.

 

Très souvent, ces vidéos sont tournées hors du cadre légal. Il y a bien quelques exemples de sanctions qui sont tombées comme cet étudiant nancéien condamné l'an passé à 400 euros d'amende après avoir posté de magnifiques vidéos de sa ville prises avec un drone. Mais rares sont ceux qui se font prendre.

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C'est le constat que fait Philippe Dubus PDG de la société Maloutech qui travaille à la mise au point d'un drone anti-drone : "Les mesures mises en place par les différents organismes publiques malheureusement ne servent à rien. Un utilisateur de drone malveillant ne va pas aller déposer une demande d’autorisation en préfecture. Ça serait comme demander à un gangster de déposer une demande de port d’arme avant un cambriolage. La législation et les moyens de lutte ne sont pas adaptés. Un opérateur de drone n’a quasi aucune probabilité de se faire intercepter, donc il ne risque rien ".

Détecter et neutraliser les drones est un défi

L'Etat français travaille tout de même à des solutions pour contrer ces éventuels drones malveillants. Les services du Premier ministre viennent de lancer un appel d'offres. Plusieurs PME y ont répondu. Certaines proposent des engins pour détecter ces drones, d'autres développent des techniques pour les neutraliser, les détruire. Le général Patrick Charaix jeune retraité des forces aériennes stratégiques françaises fait partie du groupe de travail : "Ce risque que représente les drones est quelque chose que l’on découvre depuis peu. Nous en sommes encore au stade de la recherche pour trouver des moyens de les contrer. Mais je suis sûr que nous allons trouver rapidement la technologie adaptée ".

Le spécialiste estime qu'il y a trois pistes : "Soit on intercepte le drone, on l’attrape voire on le détruit. On se souvient que les gendarmes avaient été autorisés à user de leurs fusils pour cela quand des drones avaient survolé des centrales nucléaires. Deuxième piste : agir sur les fréquences wifi,  3G,  ou radios qu’utilisent les pilotes pour actionner leurs drones. Il s’agirait donc de brouiller ces ondes. Troisième piste : le laser. On sait que les Chinois ont été capables d’abattre un satellite avec un laser. C’est donc possible de neutraliser un drone. Des entreprises françaises travaillent sur toutes ces techniques-là" .

 

On pourrait malgré cela s’interroger : est-ce qu’il n’y a pas un risque que des criminels ou des terroristes soient plus rapides encore dans leur développement technologique, et prennent de court les autorités ? Tous les spécialistes questionnés par France Info sur le sujet sont assez sereins et rassurants. "La menace n'en est en fait pas une ", dit par exemple Laurent Khong, rédacteur en chef d'HélicoMicro.com, une revue internet consacrée aux drones. Il rappelle entre autre que les drones ne supportent pas plus que quelques centaines de grammes de charge.

La menace d'un attentat au drone explosif ?

"Mettre en œuvre un drone portant une charge explosive qui pourrait être utilisé dans un attentat, ça serait se compliquer la vie pour un résultat extrêmement incertain. La fiabilité de ces engins reste soumise à beaucoup de conditions : la météo, le vent, les interférences radios ou internet. Leur autonomie ne dépasse pas quinze minutes. En outre, ce ne sont pas des appareils discrets. Même en se mettant dans la peau de terroristes extrêmement organisés, c’est beaucoup trop compliqué à imaginer" , explique Laurent Khong.

 

Le vrai risque  n'est donc pas celui d'une bombe embarquée sur un drone. Le risque est plus celui d’informations que des criminels pourraient obtenir grâce à des vols de reconnaissance au-dessus de sites sensibles. En Syrie, l'Etat islamique est parvenu à prendre le contrôle de certains sites qui étaient aux mains de l'armée de Bachar el-assad, grâce à des images recueillies en utilisant des drones de loisirs.

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