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Soins palliatifs : "Il est nécessaire d'accéder à des structures et à des compétences" sur tout le territoire, plaide un professeur de médecine

La Cour des comptes appelle, dans un rapport publié ce mercredi, à "renforcer" les moyens concernant les soins palliatifs hors de l'hôpital, à domicile et dans les maisons de retraite. "Cela passe" notamment "par la formation des infirmières, des médecins et des auxiliaires de vie", estime le chef de service de soins palliatifs du CHU de Rennes.
Article rédigé par franceinfo
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L'unité de soins palliatifs du CHU de Rennes. (DAVID ADEMAS / OUEST-FRANCE / MAXPPP)

"Pour pouvoir répondre à la demande des patients de mourir chez eux, il est nécessaire d'accéder à des structures et d'accéder à des compétences", a expliqué jeudi 6 juillet sur franceinfo Vincent Morel, chef de service de soins palliatifs du CHU de Rennes, alors qu'un rapport de la Cour des comptes publié mercredi 5 juillet appelle à "renforcer" les moyens au domicile et dans les maisons de retraite. En-dehors des hôpitaux, "l'offre de soins à domicile demeure lacunaire, voire inexistante dans les établissements médico-sociaux", regrette la Cour qui recommande l'organisation des soins "à proximité". "Cela ne doit pas se décider de Paris, mais de la commune dans laquelle j'habite, de façon que les professionnels se coordonnent", appuie le professeur Vincent Morel.

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franceinfo : Le rapport de la Cour des comptes indique que la moitié des malades qui ont besoin de soins palliatifs doivent s'en priver. Est-ce que vous partagez ce constat dans votre quotidien de médecin ?

Vincent Morel : Effectivement, on perçoit au niveau national une inégalité d'accès aux soins palliatifs. Parmi les 400 000 personnes qui ont besoin chaque année de soins palliatifs, il y en a environ plus de la moitié qui arrivent à en bénéficier. Je note quand même que derrière ce chiffre, il y a une amélioration puisque le dernier rapport de la Cour des comptes disait qu'il y avait 30 % des patients qui avaient accès aux soins palliatifs. On peut donc noter ce progrès même s'il est insuffisant. La Cour des comptes souligne le consensus qu'il y a sur la nécessité de développer les soins palliatifs, d'améliorer la prise en charge, d'améliorer l'accès et d'améliorer la formation.

Quelles sont les préconisations de la Cour des comptes ?

Pour pouvoir répondre à la demande des patients de mourir chez eux, ce qui représente le souhait d'environ 70 % de la population, il est nécessaire d'accéder à des structures et d'accéder à des compétences. Accéder aux structures, cela se fait bien sûr à l'hôpital mais il faut maintenant les déployer à domicile. Et ces structures, en particulier, c'est le fait que les équipes mobiles, puissent aller à domicile pour rencontrer les patients. Cela veut dire qu'il faut développer des services d'hospitalisation à domicile et redévelopper tous les systèmes de coordination. Et le rapport de la Cour des comptes insiste bien sur la nécessité de le faire en proximité, c'est-à-dire que l'organisation des soins ne doit pas se décider de Paris, mais de la commune dans laquelle j'habite, de façon à ce que les professionnels se coordonnent, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui sur tout le territoire.

Quelle est la place de la formation des professionnels dans le développement des services d'hospitalisation à domicile ?

C'est l'autre élément extrêmement important. Au-delà des structures, il faut avoir accès à des compétences et cela passe par la formation des personnels, autrement dit par la formation des infirmières, des médecins et des auxiliaires de vie. Un autre élément qui me semble important est de mobiliser également la dynamique communautaire, la dynamique bénévole. Le rapport de la Cour des comptes insiste sur ces éléments. J'ai eu l'exemple récemment d'une personne qui voulait rester chez elle, mais qui était relativement isolée. Alors, le voisinage, les commerçants se sont organisés pour lui amener les repas par exemple. Il faut regarder du côté des pays étrangers comme le Canada, la Grande-Bretagne, le Danemark où on mobilise davantage l'environnement, le voisinage pour permettre à une personne de rester chez elle.

Il est également proposé dans ce rapport de former les proches pour aider un membre de leur famille en fin de vie. En quoi consiste cette formation-là ?

Cela va consister d'abord à expliquer la maladie, d'expliquer comment est un patient, puis d'expliquer les premiers gestes à faire, comment on peut donner à boire à une personne, comment on peut l'aider à mieux s'installer, comment on peut faire de temps en temps des petits massages ou encore les soins de bouche pour que la personne n'ait pas soif. La deuxième chose, c'est qu'il faut aussi apprendre, aux proches et aux professionnels, à réagir par rapport aux réactions que peuvent avoir les patients. Parfois, ils peuvent être tristes, parfois ils peuvent être angoissés, parfois ils peuvent être un peu agressifs. Tout cela s'apprend.

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Il faut aussi expliquer aux proches comment les soins sont organisés, comment il y a une coordination autour de leurs proches pour que ces aidants, ces familles, ne se sentent jamais seuls. Ce qui est essentiel, c'est qu'ils ont un numéro de téléphone, qu'ils peuvent joindre 24h sur 24, ce qui est essentiel, c'est qu'on puisse leur dire que si jamais, à un moment donné, le maintien à domicile est difficile, alors ils pourront être hospitalisés directement dans une unité de soins palliatifs sans passer par les urgences. Et là, vous rassurez la famille, vous rassurez les proches et en rassurant tout le monde, le résultat, c'est que des personnes arrivent à rester chez elles.

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