#OnVousRépond : aide à mourir, soins palliatifs... Notre journaliste a répondu à vos questions sur le projet de loi sur la fin de vie

A l'occasion de l'examen du texte en séance à l'Assemblée nationale, franceinfo a organisé un "chat" sur le sujet avec ses internautes.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié
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Un patient d'un service de gériatrie est soutenu par une soignante, le 23 juin 2023, à l'hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS / AFP)

C'est une nouvelle étape symbolique pour le débat sur l'aide à mourir. Le projet de loi sur la fin de vie arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, lundi 27 mai, pour deux semaines de débats et un vote en première lecture prévu le 11 juin. Avant que les députés se plongent dans l'examen du texte, dont l'adoption définitive n'est pas attendue avant l'été 2025, franceinfo a répondu à vos questions sur le sujet.

Sur l'aide à mourir

@44boloc : Bonjour ! Quelle est la différence entre suicide assisté, fin de vie et euthanasie ?

Yann Thompson : Le suicide assisté consiste, pour un malade, à mettre fin à ses jours à l'aide d'une substance létale prescrite à cette fin. L'euthanasie, elle, fait intervenir un tiers, souvent un médecin, pour pratiquer l'injection mortelle. Le gouvernement a choisi de n'utiliser aucun de ces deux termes, préférant l'expression (critiquée) d'aide à mourir. La fin de vie, en revanche, ne désigne pas une pratique, mais une temporalité, celle de la dernière page de notre existence.

@Pa75 : Je n'ai pas demandé à vivre, je veux pouvoir décider de ma mort dans les conditions choisies par moi quand je le voudrai, même si je n'ai pas une maladie incurable. Le corps médical est contre, par peur de perdre des clients ?

Une partie du corps médical exprime des réticences sur l'aide à mourir, non pas par peur de perdre sa patientèle (la France manque d'ailleurs de soignants, pas de patients), mais pour des raisons éthiques. Pour ces professionnels, leur mission est de soigner et non de mettre fin à la vie. Notez toutefois qu'il existe des médecins qui se prononcent en faveur de l'aide à mourir et même, parfois, qui militent pour un projet de loi moins restrictif que celui actuellement débattu. Certains d'entre eux se sont réunis au sein d'un collectif, baptisé Pour un accompagnement soignant solidaire.

@jidge : Pourquoi des groupes politiques ou religieux auraient-ils le droit de décider de la façon dont je veux quitter cette vie quand je serai malade et souffrant ? Je suis locataire de mon propre corps et souhaite rompre le bail quand je le souhaiterai sans loi contraignante.

Sachez que vous n'êtes pas seul à vouloir un cadre aussi large que possible : au sein de la Convention citoyenne sur la fin de vie, 22% des participants ont défendu cette ligne d'un accès "universel" à l'aide à mourir, sans autre condition que la volonté du patient. Ce courant de pensée est toutefois minoritaire, y compris à l'Assemblée nationale, où presque tout le monde s'accorde sur la nécessité de poser certaines conditions. La ligne majoritaire consiste à trouver un équilibre entre l'autonomie de décision de chacun et l'impératif de solidarité au sein de la société, qui doit aider chacun à mieux vivre (et non à mourir, surtout quand on n'est pas en fin de vie).

@PhilNelB : Si le pronostic vital est engagé à court terme, pourquoi vouloir encore accélérer le mouvement vers la mort ? Patience !

Même avec un pronostic vital engagé à court terme, c'est-à-dire une mort attendue dans les prochaines heures ou prochains jours, l'aide à mourir peut être perçue comme une solution pour échapper à des souffrances insupportables. En l'état actuel du droit, les patients confrontés à de telles situations peuvent seulement demander une sédation profonde et continue, maintenue jusqu'au décès, qui s'apparente à une forme de coma, une pratique encore méconnue que je vous présentais dans cet article.

Sur les conséquences de l'aide à mourir

@Pownrend : De nombreux pays permettent le suicide assisté, leur société n'a pas implosé, pourquoi des réticences perdurent-elles ?

En France, certains opposants à l'aide à mourir mettent justement en avant des "dérives" observées, selon eux, à l'étranger. Il est difficile de prédire les conséquences que pourrait avoir le texte français, étant donné qu'il s'agira là d'un modèle unique, qui s'appliquera dans un contexte et un système de santé différent des autres pays. Et je suis personnellement assez surpris du peu de recherches menées dans les pays ayant déjà légiféré, ce qui rend difficile l'analyse des conséquences de l'aide à mourir à l'échelle de la société.

@Ô : Bonjour. N'est-il pas dangereux que l'Etat légifère sur la fin de vie ? Demain, qu'en fera-t-il, au nom de la surpopulation ou autres ? Rappelez-vous il y a quelques années, un député du nord de la France posait la question au moment du déficit des caisses de retraite.

Des opposants à ce projet de loi pointent, comme vous, le risque de "dérives", car ils redoutent que l'aide à mourir soit petit à petit étendue à d'autres publics (les mineurs, les personnes âgées bien portantes mais lassées de vivre, etc.). Je n'ai pas de boule de cristal, mais je me permets de rappeler un point important du texte actuel : la procédure ne pourra être enclenchée qu'à la demande expresse et réitérée du patient, sans que l'Etat ne puisse imposer quoi que ce soit.

@Viob : Si la loi sur la fin de vie ne me convient pas, j'essaierai d'aller à l'étranger.

Il y a fort à parier, en effet, que des patients qui n'entreront pas dans les critères fixés dans le texte voté en France continueront à s'exiler pour bénéficier d'une euthanasie ou d'un suicide assisté à l'étranger. D'où l'intérêt, selon des partisans de l'aide à mourir, de ne pas exclure certaines catégories de patients, comme les malades de Charcot, dont le pronostic vital n'est pas forcément engagé à court ou moyen terme. En revanche, des patients étrangers ne pourront pas venir sur notre sol pour bénéficier du dispositif français, car le projet de loi requiert d'"être de nationalité française" ou de "résider de façon stable et régulière en France".

Sur le rôle des soignants

@Berard Valerie : Je suis infirmière et je crois beaucoup dans le développement des soins palliatifs. Je ne souhaite pas mettre fin à la vie de quelqu'un volontairement. Est-ce que la loi comportera une clause de conscience pour les soignants?

Une clause de conscience figure bien à l'article 16 du projet de loi. Un professionnel de santé pourra refuser de participer à une procédure d'aide à mourir, à condition d'en informer "sans délai" le patient et de lui communiquer le nom de soignants "disposés" à l'accompagner dans sa démarche. Pour faciliter cette orientation, les professionnels auront accès à une liste de soignants volontaires.

@cyclo_ecolo : J'apprends qu'une liste de médecins pratiquant l'aide active à mourir est prévue. Quelles garanties sont prévues pour qu'ils ne soient pas harcelés comme le sont les centres d'avortement de certains Etats des USA ?

Il n'est pas prévu de rendre cette liste publique. Le projet de loi précise que les professionnels volontaires devront se déclarer auprès d'une commission, qui élaborera "un registre accessible aux seuls médecins". Par ailleurs, le projet de loi issu de la commission, sur lequel les députés s'apprêtent à plancher, prévoit de sanctionner d'un an de prison maximum toute tentative "d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir". Ce délit d'entrave, inspiré de celui qui existe déjà en matière d'avortement, pourrait notamment s'appliquer en cas de "pressions" sur des soignants, des patients ou des proches.

Sur les soins palliatifs

@Scroum : Pour la fin de vie, est-ce qu'il est fait un lien avec la défaillance de l'Etat à mettre en place les soins palliatifs dont la question devrait être préalable à l'aide à mourir ?

De nombreux opposants au projet de loi estiment effectivement qu'il est prématuré de légiférer sur l'aide à mourir alors que l'accès aux soins palliatifs, un droit inscrit dans la loi depuis 1999, est toujours loin d'être garanti sur tout le territoire. Le gouvernement répond que son nouveau plan décennal de développement des soins palliatifs permettra de remédier à ces manques, par exemple en dotant chaque département d'une unité de soins palliatifs d'ici à la fin 2025 (soit l'échéance potentielle de l'entrée en vigueur de l'aide à mourir en France).

@Delivet Frédéric : Administrer des drogues et des calmants, ce n'est pas soigner et ça ne sert qu'à prolonger la souffrance...

Vous, vous n'allez pas vous faire des amis parmi les professionnels des soins palliatifs ! Vous êtes bien sûr libre de votre jugement, mais je rappelle que les soins palliatifs sont loin de se résumer à l'administration de traitements. Ils intègrent une dimension pluridisciplinaire, notamment psychologique, que le gouvernement entend renforcer en mettant en avant une nouvelle notion dans ce projet de loi : celle de "soins d'accompagnement".

Sur le calendrier législatif

@Serge65690 : Comment satisfaire la demande de la mère de ma compagne qui demande à partir ? Depuis son opération de la hanche, elle ne peut plus marcher, passe ses journées assise ou couchée, les centres antidouleurs et les soins palliatifs sont absents, quant au médecin de l'Ehpad, il ne sait plus quoi faire. Alors messieurs les politiciens, dépêchez-vous !

Merci pour votre témoignage, qui met en lumière les difficultés d'accès aux soins palliatifs et aux centres d'évaluation et de traitement de la douleur. Concernant votre belle-mère, dont je ne connais pas la pathologie, je peux seulement souligner que la dépendance ne sera pas un critère suffisant d'accès à l'aide à mourir. En l'état du texte, il faudra notamment être atteint d'une "affection grave et incurable à une phase avancée ou terminale". L'adoption définitive du projet de loi n'est pas attendue avant l'été 2025. Tout mon soutien à vous et votre famille.

@Davee : Bonjour, vous dites que la loi pourrait être adoptée mi 2025, mais a-t-on des informations sur le délai de mise en place de ces protocoles après que la loi sera votée ? Car certaines personnes sont déjà en attente de cette avancée majeure et craignent de ne pas pouvoir y avoir recours assez tôt...

C'est une excellente question. Tout dépendra de l'empressement de l'exécutif à publier les décrets d'application qui contiendront les détails pratiques permettant d'appliquer le texte. Il faudra aussi regarder du côté de la Haute Autorité de santé, à qui il appartiendra de définir les substances létales qui pourront être utilisées pour l'aide à mourir.

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