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Affaire Vincent Lambert : comment les milieux catholiques traditionalistes se sont mobilisés

Farouchement opposés à l'euthanasie, les parents de cet homme tétraplégique en état végétatif militent pour le maintien en vie de leur fils. Derrière eux, la mouvance catholique intégriste agit activement.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Vincent Lambert, 38 ans, en état de conscience minimale depuis cinq ans, au CHU de Reims (Marne), le 25 juillet 2013. (MAXPPP)

La bataille pour ou contre le maintien en vie de Vincent Lambert déchire la famille de cet homme tétraplégique en état végétatif chronique. Et embarrasse le Conseil d'Etat. Le juge de la haute juridiction chargé de se prononcer sur l'affaire a décidé, jeudi 6 février, de renvoyer le sort de Vincent Lambert, en état de conscience minimale depuis plus de cinq ans, devant une formation collégiale qui doit se réunir la semaine suivante. La date doit être précisée vendredi.

L'affaire oppose deux camps. D'un côté, les médecins, l'épouse et une partie de la famille de Vincent Lambert (des frères et sœurs, ainsi qu'un neveu) ont donné leur accord à l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles du patient en concertation avec l'équipe médicale du CHU. "Vincent avait dit clairement qu'il n'aurait pas voulu vivre comme ça", a déclaré sa femme, estimant que le "laisser partir" constituait "un acte d'amour". De l'autre côté, les parents de Vincent Lambert. Ces derniers, catholiques et opposés à toute forme d'euthanasie, luttent contre "la mort programmée" de leur fils. Au delà de ce désaccord familial, l'affaire mobilise les réseaux catholiques traditionalistes.

"Ils utilisent la douleur de la mère de Vincent"

La mère de Vincent Lambert est proche de la fraternité Saint-Pie X, un mouvement catholique intégriste en rupture avec le Vatican. Une branche du catholicisme "farouchement opposée à l'abrègement de toute vie, au motif du sacro-saint 'Tu ne tueras point'", note Le Parisien (article payant). Le père, gynécologue, est un opposant actif à l'interruption volontaire de grossesse. Il a notamment dirigé l'association Laissez-les vivre dans l'Indre. Ensemble, ils appellent "les réseaux catholiques les plus sectaires 'à ne pas laisser faire cette mise à mort'", écrit Libération.

Pour le neveu de Vincent Lambert, François Lambert, "les catholiques traditionalistes utilisent la douleur de la mère de Vincent pour en faire un combat politique". "Ils ont choisi des avocats proches de ce milieu, qui ont incité Viviane Lambert à faire un signalement au procureur pour tentative d'assassinat, lorsque le CHU de Reims a décidé d'interrompre les traitements, témoigne-t-il auprès du Parisien. L'épouse de Vincent a dû être entendue par la police, alors qu'elle a toujours été aux côtés de son mari depuis cinq ans dans cette épreuve." François Lambert précise que Vincent "avait pris de la distance avec [ce] milieu". Il témoigne aussi de la présence "d'une trentaine de militants intimidants" lors du procès à Châlons-en-Champagne, qui se seraient rendus par la suite au chevet de Vincent à l'hôpital pour "prier" pour lui.

Un avocat proche des milieux intégristes

Jérôme Triomphe, l'avocat des parents de Vincent Lambert, est bien connu des milieux intégristes. Il a défendu de nombreux militants de la Manif pour tous. Il représente aussi l'institut Civitas, mouvement catholique intégriste qui se dit "engagé dans l’instauration de la royauté sociale du Christ". Civitas s'est notamment illustré pendant l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Jérôme Triomphe a également été le conseil du magazine d'extrême droite Rivarol face au Front national, relève Metronews. Et l'avocat participe à des conférences organisées par l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (Agrif), un mouvement proche de l'extrême droite. Intitulé de son discours le 7 septembre 2013 : "Face à la persécution du totalitarisme socialiste et à la répression policière, le combat de l’Agrif pour les libertés". "L'avocat a alors partagé la scène avec Carl Lang et Martial Bild, des anciens du Front national, actuellement au Parti de France", indique Metronews.

D'ailleurs, c'est Jérôme Triomphe qui a évoqué le premier le cas de Vincent Lambert. C'était sur Radio Courtoisie, en mai 2013. Les sites et blogs radicaux, proches la mouvance traditionaliste, ont ensuite relayé l'information. Parmi lesquels "Riposte catholique, Salon beige ou sur le blog pro-life de Jeanne Smits, journaliste à Présent", relève Le Monde (article payant) pour qui l'affaire "prend de fait une tournure politique et religieuse". Le 16 janvier, alors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se prononce contre l'euthanasie passive de Vincent Lambert, le président de l'Agrif (et ancien frontiste), Bernard Antony, a salué "avec émotion" cette décision. Et l'Agrif s'est félicitée "de ce que cette manœuvre de promotion de l’euthanasie par omission n’ait pu aboutir".

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