Journée nationale de l'autisme : "On manque énormément de structure et d'accompagnants bien formés", déplore une enseignante spécialisée
Tiphaine Benoit regrette que les progrès réalisés par les enfants en maternelle, notamment en terme de communication, ne puissent pas se poursuivre faute de moyens suffisants.
Pour accueillir à l'école les enfants atteints de troubles autistiques, la France "manque énormément de structure et d'accompagnants bien formés", a expliqué samedi 2 avril sur franceinfo Tiphaine Benoit, enseignante en classe ULIS (unités localisées d'inclusions scolaires) dans des écoles maternelles en Île-de-France, à l'occasion de la journée mondiale de l'autisme.
franceinfo : l'arrivée en maternelle est-elle difficile pour les enfants atteints de troubles autistiques ?
Tiphaine Benoit : Quand ils arrivent dans ma classe ils n'ont aucun moyen de communication mis en place parce qu'on nous les envoie juste après le diagnostic. Ce qui prime, c'est donc de mettre une communication en place pour qu'ils puissent nous dire quand ça va, quand ça ne va pas, faire des demandes. C'est ce manque en communication qui va générer des troubles. Cela peut être des cris, des jets d'objets, des griffures, des morsures, cela peut être assez violent pour l'enfant et pour l'adulte. Donc, très vite on va lui apprendre à demander et à dire ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas.
Comment se passe les journées avec les enfants ?
Les enfants ont besoin de rythme bien à eux, j'ai la chance d'avoir un adulte pour un enfant dans ma classe. J'ai six élèves entre 2 et 5 ans. Ce sont des petits qui n'ont pas l'habitude, pour l'instant, de vivre avec d'autres enfants. Donc, on va bousculer un peu leurs habitudes et il faut doublement les entourer. On a un rythme très régulier avec des moments en face à face entre l'enfant et son référent et des moments où je fais la classe comme dans n'importe quelle classe de maternelle pour donner un rythme scolaire à ces enfants et des repères pour que plus tard ils puissent aller dans des classes ordinaires à certains moments de la journée.
Chaque enfant est particulier. Comment faites-vous ?
J'ai une psychologue qui supervise tous les enfants de la classe. On crée un projet éducatif pour l'enfant avec des objectifs de communication, de comportement et académiques pour chaque enfant et sur l'année. Ensuite, on découpe l'année en plusieurs périodes pour être au plus près des besoins de chaque enfant et en fonction de leur profil.
L'interaction est importante à la maternelle. Comment faites-vous pour que ces enfants arrivent à s'intégrer sans trop de difficultés ?
On a mis en place une méthode américaine pour que ces enfants puissent apprendre à jouer avec les enfants de leur âge. On forme les enfants des autres classes de maternelle pour qu'ils apprennent à mes élèves à jouer et à avoir des comportements adaptés. C'est une méthode fantastique, qui donne de très bons résultats. Cela s'appelle les super copains et les enfants des maternelles se battent pour devenir les super copains de ma classe.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?
Ce sont les sorties de ma classe. Je les garde trois ans et une fois qu'ils sortent de maternelles il y a très peu de classes adaptées pour eux. Il y a des ULIS qui sont pour tout handicap confondu, mais c'est vrai que l'autisme a besoin d'un suivi très particulier et on manque de classes spécialisées pour les troubles du spectre autistique. Plus on avance en âge moins il y a de structures adaptées. Si on avance sur le nombre de classes adaptées il faut aussi avancer sur le nombre d'accompagnant des élèves en situation de handicap qui vont les accompagner en classe ordinaire ou en classe adaptée. Donc, le gros manque c'est le nombre de structures adaptées et le nombre et la formation des accompagnants spécifique. On est très en retard par rapport à d'autres pays comme le Canada.
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