Vrai ou faux Les protections périodiques réutilisables sont-elles remboursées pour toutes les femmes de moins de 26 ans, comme l'avait promis Elisabeth Borne ?

Article rédigé par Léa Deseille
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des serviettes lavables et une coupe menstruelle. (TANJA IVANOVA / MOMENT RF / GETTY IMAGES)
La mesure, annoncée en mars par l'ex-Première ministre, figure dans la loi de financement de la Sécurité sociale adoptée le 26 décembre.

Un moyen de lutter contre la précarité menstruelle, qui désigne l'incapacité pouvoir se procurer des protections hygiéniques faute de moyens. A la veille de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2023, Elisabeth Borne avait annoncé la mise en place du "remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables à partir de l'an prochain " pour "toutes les femmes de 25 ans et moins".

Dénonçant une "injustice du quotidien", l'ex-Première ministre expliquait qu'il suffirait de se rendre en pharmacie "sans ordonnance" pour se procurer culottes, coupes menstruelles ou serviettes hygiéniques lavables. La précarité menstruelle touche près de 31% des femmes menstruées de 18 à 50 ans, en particulier les 18-24 ans (44%), selon une enquête OpinionWay de 2023 citée par le gouvernement. Dix mois plus tard, la Première ministre a-t-elle tenu sa promesse ?

Les non-assurées exclues

La loi de financement de la Sécurité sociale, adoptée mardi 26 décembre à l'aide de l'article 49.3, précise bien les contours de la mesure. L'article 40 du texte prévoit effectivement "la couverture des frais relatifs aux différentes catégories de protections périodiques réutilisables (…) pour les personnes assurées ayant leurs menstruations âgées de moins de 26 ans ou bénéficiaires de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article L. 861-1" du Code de la Sécurité sociale.

En clair, le remboursement doit concerner deux catégories de personnes. D'abord, les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (prévue à l'article L 861-1), une aide au paiement des dépenses de santé pour les 6,9 millions de personnes aux revenus les plus modestes. Les femmes concernées, même âgées de plus de 26 ans, doivent bénéficier du remboursement à 100% des protections périodiques réutilisables par la Sécurité sociale. Ce sont les seules dans ce cas.

Selon la loi, les autres bénéficiaires sont les personnes menstruées de moins de 26 ans. Elles sont remboursées à hauteur de 60% par la Sécurité sociale. Le reste sera, "dans la majorité des cas, compensé par les organismes complémentaires", dispose la loi. Ce n'est donc pas seulement la Sécurité sociale qui prendra en charge le remboursement, contrairement à ce qu'avait annoncé la Première ministre, mais bien les mutuelles.

Or, "près de 5% des 15 à 24 ans n'ont pas de mutuelle", explique Maud Leblon, directrice de l'association Règles élémentaires, qui lutte contre la précarité menstruelle. Un chiffre confirmé par une étude publiée en 2022 (document PDF) de l'Institut de recherche et documentation en économie de la Santé et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. "La mesure exclut les non-assurées qui sont, elles aussi, victimes de précarité menstruelle" , précise la responsable associative. Sur le fond, la promesse de l'ex-Première ministre sur le remboursement n'est donc pas totalement tenue.

Une mesure pas encore appliquée

Si Elisabeth Borne avait annoncé une mise en place de cette mesure "à partir de 2024", à ce jour, les protections ne sont pas encore remboursées. Il reste de ce fait onze mois au gouvernement pour tenir sa promesse. Pour l'instant, aucun calendrier n'a été partagé, mais selon Maud Leblon et Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission métier pharmacien de la Fédération des pharmaciens d'officine, la mesure devrait entrer en vigueur au 1er septembre 2024.

A quelques mois de sa mise en place, beaucoup de détails restent à régler. Les marques et modèles des protections concernées par le remboursement restent notamment inconnus. Les fabricants intéressés doivent se manifester auprès du ministère de la Santé, qui doit ensuite dresser une liste de produits éligibles. Contacté à ce sujet, le ministère n'a pas répondu à nos sollicitations.

D'autres questions demeurent en suspens, observent Maud Leblon et Lucie Bourdy-Dubois. Une avance de frais sera-t-elle imposée aux personnes concernées ? Les protections réutilisables ont un coût moyen d'environ 17 euros, d'après une étude du comparateur Réassurez-moi.

"Certaines ne pourront pas dépenser ce montant."

Maud Leblon, directrice de l'association Règles élémentaires

à franceinfo

Par ailleurs, plusieurs serviettes lavables et culottes menstruelles sont nécessaires, afin de pouvoir en utiliser d'autres pendant le nettoyage. "Nous n'avons pas eu d'information [sur ce point], mais l'objectif est que personne n'ait à avancer de frais", commente Lucie Bourdy-Dubois.

En prévoyant le remboursement des protections réutilisables uniquement, la loi de financement de la Sécurité sociale intègre un enjeu environnemental à sa politique. "A première vue, c'est une bonne chose, commente Maud Leblon, mais ces protections sont encore trop méconnues et peu utilisées." Selon son association, seulement 7% des personnes menstruées utilisent ce type de protection.


Contacté par franceinfo, le ministère de la Santé a répondu, jeudi 11 janvier, après la publication de cet article. "L'objectif est une entrée en vigueur de la mesure au 1er septembre 2024", confirme-t-il, assurant que la prise en charge des protections par l'Assurance maladie serait bien de 60%. "Afin de s'assurer de la qualité des produits pris en charge, une procédure de référencement s'appuyant sur un cahier des charges précis sera mise en œuvre, détaille encore le ministère. La construction de ce cahier des charges est en cours, et des échanges à ce sujet ont lieu avec différents acteurs, dont des fabricants depuis fin 2023."

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