"Nous sommes portées par l'inspiration de Simone Veil" : émotion et reconnaissance au Planning familial à Paris
En faisant adopter la loi dépénalisant l'IVG, en 1974, Simone Veil, disparue vendredi, fait figure de référence en matière de lutte pour les droits des femmes. Au Planning familial, à Paris, les bénévoles, les salariés et ceux qui viennent consulter ou se faire avorter lui rendent hommage.
Simone Veil est morte, vendredi 30 juillet, à l'âge de 89 ans. Déportée à 16 ans et rescapée de la Shoah, cette grande figure de la vie politique française et européenne a également été une référence incontestée en matière de lutte pour les droits des femmes. En 1974, alors ministre de la Santé, elle fait adopter par l'Assemblée nationale le texte dépénalisant l'IVG. La loi entre en vigueur le 17 janvier 1975. Sa disparition vendredi, émeut donc tout particulièrement les membres du Planning familial.
Dans le 13e arrondissement de Paris, 4 000 personnes se rendent chaque année dans le centre du Planning familial. Au premier étage, l'entrée est discrète. Eva vient pour une IVG. Ce qu'elle aimerait dire à Simone Veil ? "Merci beaucoup. Merci au nom de toutes les filles, répond spontanément la jeune femme de 17 ans. C'est quelqu'un d'important. Même après sa mort, on doit continuer à suivre son chemin, son rythme. On ne doit pas tout arrêter maintenant. Pour certaines personnes en plus, [le droit à l'avortement] n'est pas totalement acquis, elles ne l'acceptent pas. C'est bête parce que chacun a le droit de faire ce qu'il veut de son corps, de garder un enfant comme de ne pas le garder."
"S'il n'y avait pas eu Simone Veil, il n'y aurait pas eu de Planning familial"
C'est le père d'Eva, Johm, qui a emmené sa fille au Planning familial ce jour-là. Il a beaucoup parlé de Simone Veil à sa fille alors, l'annonce de sa disparition, l'a "beaucoup choqué", dit-il. "La première réaction que j'ai eue [a été] de me dire que s'il n'y avait pas eu Simone Veil, il n'y aurait pas eu d'existence du planning familial", explique Johm. Pour ce père de famille, Simone Veil était "une femme très courageuse déjà de par ce qu'elle a vécu, parce qu'elle a survécu à la Shoah."
C'était une guerrière. Une guerrière verbale mais une guerrière quand même. Une combattante. Parce que, mener tout cela contre les hommes, ce n'était pas gagné.
Johm, père d'une jeune femme venue pour une IVGà franceinfo
À l'heure de la pause, dans la salle de repos - une petite cuisine réservée aux bénévoles et aux salariées - Cécile Guerpillon, 30 ans, évoque avec beaucoup de respect la disparition de Simone Veil. Quand la loi a été adoptée, cette conseillère au Planning familial de Paris, avait "moins 12 ans", dit-elle dans un sourire. "C'est triste de perdre une personne qui a fait autant de choses pour notre société, confie la jeune femme. Ce qui a changé [avec Simone Veil] c'est qu'à partir du moment où un acte devient légal, il sort de la morale. Elle a placé l'avortement dans une perspective de santé publique."
"Il y a encore beaucoup de choses à faire"
L'ex-ministre est une inspiration pour Cécile Guerpillon : "Ça donne confiance. Avec l'exemple de Simone Veil on sait qu'en portant la parole des femmes, on peut faire avancer les choses. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire. Il en faudrait encore quelque unes [des femmes comme elle]. J'espère pas des tonnes mais il en faudra quelques unes au moins."
Même admiration chez Héloïse Galili. Cette animatrice-conseillère conjugale au Planning familial, anime des groupes, au sein de l'association, sur la contraception, l'avortement, les questions de sexualités, les infections sexuellement transmissibles (IST) et les violences. L'image qu'elle garde de Simone Veil ? "Une stratège et une femme très intelligente, indique-t-elle. Même si, avec le recul, ce n'était pas la loi dont les féministes rêvaient mais heureusement les luttes ont continué et, mainternant, la loi est davantage en phase avec les revendications d'égalité entre les femmes et les hommes."
Pourtant, aujourd'hui, "il y a encore beaucoup de manquements sur la question des délais, déplore Héloïse Galili. On reste en retard par rapport à nos voisins européens. On s'arrête à trois mois de grossesse pour avorter."
6 000 femmes en France partent encore à l'étranger pour avorter car elles sont hors délai. Le combat continue, nous sommes portées par l'inspiration de Simone Veil.
Héloïse Galili, animatrice-conseillère conjugale au Planning familialà franceinfo
Un peu plus loin, Jérémy attend sa compagne. "Je suis là parce que ma compagne a eu un test de grossesse positif et on n'a pas les moyens, pour l'instant, d'avoir un enfant", explique le jeune homme de 29 ans. Être ici, le jour de la disparition de Simone Veil, est lourd de sens pour lui : "Il y a une certaine reconnaissance, elle a donné un droit, elle a permis à des femmes de posséder pleinement leur corps. C'est une femme qui restera éternellement au Panthéon. Au Panthéon des grands hommes."
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