Don du sang par les homosexuels : "Il y a une pénurie et on ferme la porte à toute une catégorie de population"
Alors que l'Etablissement français du sang a un besoin urgent de dons, les hommes homosexuels sont soumis à des conditions très restreintes pour le faire. Des mesures justifiées par des raisons de sécurité, mais qui pourraient être amenées à évoluer.
"En donnant votre sang, vous pouvez sauver des vies. Don de sang, maintenant c'est urgent." Le spot publicitaire de l'Etablissement français du sang (EFS) tourne sur les chaînes de télévision et les stations de radio depuis le 1er juillet. "La France ne dispose actuellement que de 80 000 poches de sang quand il en faudrait 100 000 pour assurer les besoins des malades", explique l’ESF à franceinfo. L’épisode caniculaire, qui a touché la France les dernières semaines de juin, aurait ralenti les dons, selon l'établissement.
Mais alors qu'un manque de volontaires est constaté, la collecte n'est pas ouverte à tous : les hommes homosexuels font face à des contraintes drastiques s'ils souhaitent donner leur sang. L'ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, affirmait au Monde, en 2015, que le don leur serait ouvert de façon progressive. Deux ans plus tard, les associations déplorent toujours le manque d'avancées sur le sujet.
Environ 21 000 donneurs potentiels par an
"C’est une situation très hypocrite, s’emporte Joël Deumier, le président de l’association SOS homophobie, il y a une pénurie de sang et on ferme la porte à toute une catégorie de population qui aimerait en donner." L'EFS estime que les hommes homosexuels représentent 21 000 donneurs potentiels en France chaque année. Pour mémoire, en 2015, le nombre de donneurs (femmes et hommes) était de 1,64 million dans le pays.
Les hommes qui ont eu des relations sexuelles avec d’autres hommes peuvent donner leur sang uniquement s'ils sont abstinents depuis au moins douze mois. Une ouverture partielle permise par un arrêté publié le 11 juillet 2016. Avant cela, ils étaient frappés d'une "exclusion permanente".
"Je ne connais personne qui a donné son sang après s’être abstenu douze mois", ironise Joël Deumier. Au vu des conditions drastiques imposées par l'EFS, il juge une hausse des donneurs depuis l'ouverture partielle "impensable et irréaliste". Même son de cloche du côté de la Fédération LGBT. "On incite les personnes homosexuelles qui correspondent aux critères à le faire tout de même pour montrer que nous sommes comme les autres", explique Stéphanie Nicot, la présidente de la fédération.
"Cette interdiction partielle est discriminatoire"
Pour atteindre une hausse significative des donneurs, il faudrait ouvrir le don du sang à tous les homosexuels, selon les associations. "On veut que les hommes gays puissent donner leur sang comme les autres”, explique Joël Deumier. Pour lui, le message est clair, il faut se concentrer sur les comportements à risques et non les populations. "Cette interdiction partielle est discriminatoire : on se cache derrière le fait que le taux de personnes infectées par le VIH est supérieur chez les hommes homosexuels, mais ce n'est pas parce qu'on est gay qu'on est automatiquement infecté."
Pour l'EFS, une ouverture totale est impossible pour des raisons de sécurité : "Selon des études, le taux de séropositivité chez les homosexuels est 60 fois supérieur à la prévalence, c’est-à-dire le nombre de cas de l’ensemble de la population, explique le docteur François Charpentier, directeur de collecte et de production à l’EFS. Pour les nouvelles contaminations, le taux est 200 fois supérieur à la prévalence." Si toutes les poches de sang sont testées pour le VIH ou d’autres maladies comme l’hépatite A, il existe une "fenêtre sérologique" où l’infection existe, mais est encore impossible à détecter. Dans le cas du VIH, elle est de douze jours. "Il est difficile de comprendre pourquoi, dans ce cas, le délai d'abstinence est porté à douze mois uniquement pour les hommes homosexuels", reprend Joël Deumier. C'est un délai totalement arbitraire."
Selon François Charpentier, des études sont en cours et pourraient faire évoluer cette législation, mais la prudence est de mise. "Donner son sang n’est pas un droit, tandis que les malades, eux, ont droit à la sécurité", estime-t-il. Ce que la Fédération LGBT comprend : "Nous avons donné notre aval à ce que ce droit soit restreint sur une courte période pendant laquelle des vérifications scientifiques permettent de garantir la sécurité", explique Stéphanie Nicot. Ce qui n'est pas encore le cas pour le moment, assure l'ESF. Contacté par franceinfo, le cabinet de la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, indique que toute prise de position est prématurée.
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