Don du sang : la CEDH condamne la France pour avoir référencé un candidat comme "homosexuel" sur "de simples spéculations"
Les données collectées et conservées "ne reposaient sur aucune base factuelle avérée" et ont empêché cet homme de donner son sang à plusieurs reprises, considère l'instance judiciaire du Conseil de l'Europe.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné jeudi 8 septembre la France pour violation du droit à la vie privée, après avoir conservé des données sur un Français référencé par l'Etablissement français du sang comme "homosexuel" et dont les dons ont été refusés à plusieurs reprises.
Lors d'une première tentative de don en 2004, Laurent Drelon avait refusé, au cours de l'entretien médical préalable, de répondre quand il lui avait été demandé s'il avait déjà eu un rapport sexuel avec un homme. Il avait alors été référencé comme "homosexuel" sur sa fiche de donneur et par la suite systématiquement exclu du don de sang.
"Une grave discrimination"
Vu le refus de répondre du requérant, "les données collectées, fondées sur de simples spéculations, ne reposaient sur aucune base factuelle avérée", considère la CEDH. En outre, une durée excessive de conservation de ces données "a rendu possible leur utilisation répétée à l'encontre du requérant", ajoute la cour.
Arrêt Drelon c. France - Collecte et conservation des données personnelles du requérant par l’Etablissement français du sang : violation de l’article 8 de la Conventionhttps://t.co/44wzRZSulF#ECHR #CEDH #ECHRpress pic.twitter.com/WLt0oSoznP
— ECHR CEDH (@ECHR_CEDH) September 8, 2022
La décision de la CEDH "est une grande victoire qui, rétrospectivement, démontre la grave discrimination subie pendant des décennies par les personnes supposées homosexuelles qui cherchaient à donner leur sang", a réagi Me Patrice Spinosi, avocat du requérant.
Depuis 1983, il était interdit aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes de donner leur sang en raison de risques de transmission du sida. A partir de 2016, cette interdiction a été levée, mais soumise à la condition notamment d'une abstinence d'un an. Ce délai a été ramené à quatre mois en 2019 puis complètement supprimé en mars 2022 avec l'absence de toute référence à l'orientation sexuelle dans les questionnaires préalables au don.
Si la collecte et la conservation de données personnelles collectées par l'Etablissement français du sang (EFS) dans le cadre de la sélection des candidats au don du sang contribuent "à garantir la sécurité transfusionnelle", "il est particulièrement important que les données sensibles (...) soient exactes, mises à jour, adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités poursuivies, et que leur durée de conservation n'excède pas celle qui est nécessaire", insiste la CEDH dans un communiqué.
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