Cet article date de plus de deux ans.

Sida : "L'épidémie de Covid-19 éclipsé l'épidémie de VIH", déplore la directrice générale de Sidaction

 La pandémie a provoqué une baisse de 14% des tests de dépistage en 2020, soit  650 000 en moins.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Florence Thune , directrice générale de l'association Sidaction, le 18 mars 2021. (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

Florence Thune, directrice générale de Sidaction, a affirmé vendredi 25 mars sur franceinfo que "l'épidémie de Covid-19 a éclipsé l'épidémie de VIH". Le Sidaction qui commence vendredi est l'occasion de rappeler que cette maladie, née dans les années 80, continue de faire des victimes dans le monde.

franceinfo : le Sidaction commence aujourd'hui. Elle n'a jamais été aussi nécessaire cette collecte ?

Florence Thune : tout à fait. Depuis deux ans, l'épidémie de Covid-19 a effectivement éclipsé l'épidémie de VIH. On a vu les conséquences puisqu'en 2020, on a eu une baisse de l'accès au dépistage avec 650 000 tests en moins par rapport à ce qui était attendu. Une baisse de 14%. Or, on savait, avant même la crise sanitaire, que l'accès au dépistage était un vrai enjeu pour un jour pouvoir espérer contrôler l'épidémie. Donc, effectivement, on a besoin plus que jamais de rattraper le retard.

Le Covid-19 vous a fait perdre du temps ?

Il nous a fait effectivement quelques pas en arrière puisqu'il y a eu moins d'accès au dépistage, moins d'actions de prévention. Dans les lycées, on est censé avoir trois séances d'éducation à la sexualité qui n'étaient pas toujours faites avant la crise et de fait, durant la crise, elles ont été moins faites. On voit le niveau d'information des jeunes sur le VIH qui a baissé. De manière générale, les personnes sont allées moins vers les laboratoires pour aller se faire dépister. C'est aussi un impact sur le nombre de personnes qui découvrent tardivement leur séropositivité et qui arrivent en stade sida dans les soins.

Sur 150 000 Français porteurs du VIH, 30 000 l'ignorent. C'est bien ça ?

Oui, et c'est là vraiment tout l'enjeu, que ce soit en France ou au niveau mondial. Les personnes qui ignorent aujourd'hui leur séropositivité à la fois n'ont pas accès à des traitements qui, pourtant, devraient les maintenir en bonne santé et, en plus, risquent de contaminer d'autres personnes lors de rapports sexuels non protégés. Donc, on a un vrai enjeu, à la fois individuel et en santé publique.

Est-ce que le travail de la recherche a aussi pris du retard ?

Cela a été le cas en 2020 au moment des grands confinements où, effectivement, les chercheurs ne pouvaient pas toujours accéder à leurs laboratoires ou étaient réaffectés sur les questions de Covid-19. Cela a repris en 2021 et fort heureusement. Mais clairement, on a un vrai enjeu aussi sur toutes les recherches qui relèvent un jour de la rémission du VIH puisqu'on essaye d'aller vers cette  rémission. Et puis, bien sûr, de continuer à travailler sur les essais vaccinaux puisque ce virus nous résiste. Moderna est en train de démarrer un essai vaccinal avec l'ARN messager. On est encore en phase 1. Le temps de l'essai vaccinal est très long. C'est un espoir de plus. D'autres essais vaccinaux sont en cours. La recherche du VIH a contribué à la recherche Covid et la recherche du Covid doit contribuer à la recherche sur le VIH.

Les jeunes n'ont pas connu les années sombres en France quand l'épidémie a surgi. Ont-ils conscience du danger du VIH ?

On voit avec le sondage annuel que l'on fait une baisse du sentiment d'information chez les jeunes. Et puis surtout, on a une persistance, voire une augmentation des idées fausses sur les transmissions. Plus de 20% des jeunes pensent qu'on peut être contaminé par le VIH en embrassant une personne séropositive. Et ce n'est pas le cas, bien entendu. Et on a les mêmes indicateurs chez les personnes plus âgées. Parmi les personnes qui découvrent leur séropositivité, 22% ont plus de 50 ans. Même les personnes qui ont connu cette période oublient que le VIH est toujours là.

L'Ukraine, l'un des pays les plus touchés par le sida en Europe de l'Est. Craignez-vous que la guerre fasse progresser la maladie ?

Oui, complètement. L'Ukraine avait fait de gros progrès ces dernières années. Ils avaient réduit leur nombre de nouvelles infections. On sait aujourd'hui que les centres de santé sont dévastés. On craint que les personnes séropositives n'aient plus accès à leur traitement. Elles vont vivre vraiment des heures sombres. Et on craint aussi, évidemment, que la guerre en Ukraine et a un impact dévastateur sur le sida.  

Surtout que les malades du Sida meurent également d'une autre maladie, la tuberculose...

On a une forte inquiétude sur la tuberculose, qui va aussi profiter de ce conflit pour avoir une résurgence. On est effectivement très inquiets et les personnes qui n'auront pas accès aux traitements risquent de mourir effectivement d'autres pathologies.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.