Climat délétère à Montreuil après des rumeurs de pédophilie dans une école maternelle
Des parents affirment que leur enfant de 4 ans a été agressé à l'école Jules-Ferry. Ils accusent l'établissement d'avoir dissimulé l'affaire. Si leur plainte a été classée sans suite, la tension ne retombe pas pour autant.
C'est l'histoire d'un incroyable emballement. Tout commence le 21 juin, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), quand un enfant de 4 ans, scolarisé à l'école maternelle Jules-Ferry, se plaint de douleurs aux fesses auprès de sa mère. "Il nous a dit qu’il avait été seul dans une pièce et que trois enfants avaient rentré un jouet dans ses fesses. Il a dit qu’il a eu plusieurs pénétrations en faisant le signe de 4 avec ses doigts et des claques sur les fesses", raconte le père de l'enfant à BuzzFeed.
Cet homme ajoute être "persuadé que des animateurs étaient aussi présents". Il accuse l'établissement d'avoir dissimulé une agression sexuelle sur un enfant, alors que les faits se seraient produits au sein du centre périscolaire de l'école Jules-Ferry. L'enfant est alors examiné à l'hôpital Robert-Debré, à Paris, où les médecins décèlent une fissure anale. La mère fait également état de slips de l'enfant avec "des traces blanches suspectes".
Une enquête ouverte
Le 23 juin, les parents sont auditionnés au commissariat de Montreuil et à la brigade des mineurs. Une plainte contre X est déposée. L'enfant est entendu par les enquêteurs, il est aussi examiné par l’unité médico-légale de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy.
L'unité estime que la "déchirure anale" peut avoir été causée par l'introduction d'un jouet ou par une constipation. Une source proche de l'enquête évoque aussi auprès de L'Express des "jeux très bizarres entre enfants" et des petites voitures "dans les fesses". Le petit garçon aurait cité des "noms", parmi lesquels ne figure "aucun adulte".
Des soutiens controversés
Pendant ce temps, la famille se mobilise et reçoit le soutien du groupe Unité dignité courage (UDC), un mouvement controversé qui lutte contre "la suprématie et l’infériorité raciale". Les parents témoignent dans une vidéo sur Facebook, dans laquelle ils dénoncent l'omerta de l'école et de la mairie. La vidéo a été vue plus de 500 000 fois.
Depuis, le père de l'enfant se présente devant l'école quasi quotidiennement, accompagné de membres du groupe UDC. Le mercredi 29 juin, "avec un mégaphone, ils dénonçaient un 'camp de concentration pédophile', le 'terrorisme sexuel'. C'était très violent", raconte à francetv info Céline, maman d'une petite fille de 4 ans, scolarisée à l'école Jules-Ferry. "Le ton est monté avec les parents présents et les forces de l'ordre ont dû intervenir", poursuit-elle.
Vendredi 1er juillet, un groupe d'hommes investit les locaux de l'école en proférant des accusations de racisme et de pédophilie, "devant les élèves et les parents atterrés", précise la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) dans un communiqué.
L'erreur de communication de la mairie
Pour ne pas faire monter la pression autour de l'école, la mairie ne communique pas ou peu : elle organise une réunion à l'école, sans prévenir les parents au préalable. L'effet est ravageur. Les rumeurs de pédophilie au sein de l'école Jules-Ferry se répandent dans le quartier puis dans toute la ville, déplore Nathalie Baneux, la présidente de la FCPE à Montreuil. "Et le déferlement de haine s'est décuplé sur les réseaux sociaux", témoigne-t-elle auprès de francetv info.
Lundi 4 juillet, une réunion est organisée par la mairie, cette fois avec les parents d'élèves, les équipes pédagogiques et une psychologue. Le même jour, la mairie de Montreuil publie un communiqué expliquant que l'enquête a été classée sans suite par la procureure de la République.
L’enquête diligentée à ma demande par la brigade des mineurs de la sûreté territoriale n’établissant aucune infraction pénale caractérisée à l’encontre de quiconque, fait l’objet d’un classement sans suite.
La mairie de Montreuil précise toutefois qu'elle va porter plainte pour diffamation après des accusations "violentes" à l’encontre d’agents de l’Education nationale et de la ville.
Menaces et récupération
Mais l'affaire n'en reste pas là. "Il y a eu des menaces de mort à l'encontre de membres de l'équipe pédagogique. Le procureur est accusé d'étouffer l'affaire, la mairie aussi. Selon [les parents de l'enfant et les membres d'UDC], les médecins seraient complices. Et les parents d'élèves s'en ficheraient parce que nous sommes blancs et que l'enfant est noir", résume Céline, dépitée. Elle pense "au pauvre enfant dont le nom a été cité partout alors qu'il n'a que 4 ans".
La jeune mère de famille ne "nie pas l'inquiètude sincère des parents" mais elle dénonce "la récupération et le buzz, avec une instrumentalisation de la communauté noire autour du racisme, le tout pour lancer des appels à la haine". "Comment peut-on s'imaginer que nous tolérerions qu'on agresse sexuellement un enfant de 4 ans sous prétexte qu'il serait noir ? Si j'avais eu le moindre le doute, je ne me poserais pas la question de la couleur de la peau du môme. C'est humiliant et révoltant", s'indigne Céline. "Les parents sont terrorisés face à la récupération de cette affaire."
Une équipe pédagogique "démolie" par la rumeur
La FCPE de Montreuil dénonce des "actions virulentes et régulières" de la part du collectif qui soutient les parents du petit garçon et des "actes d’intimidation" ainsi que des "accusations". D'autant que "l'équipe pédagogique est démolie", explique l'association de parents d'élèves.
Depuis mercredi 6 juin, l'école maternelle accueille un centre aéré municipal pour la durée des vacances scolaires. Mais seule la moitié des enfants est présente, en raison du climat de psychose qui règne à l'école Jules-Ferry. La fille de Céline est, elle, présente : "Si j'avais le moindre doute, pensez-vous que je laisserais ma môme risquer d'être agressée ?"
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