Pour la justice, une page Facebook est un média comme un autre
L'élu FN Julien Sanchez a été condamné à 3 000 euros d'amende pour des propos postés par des commentateurs sur sa page Facebook. Francetv info vous explique pourquoi vous êtes responsable du contenu de votre page.
Il écope de 3 000 euros d'amende pour provocation à la discrimination raciale. Le conseiller régional FN du Languedoc-Roussillon, Julien Sanchez, a été condamné en février pour des propos tenus par deux internautes et postés sur sa page Facebook en octobre 2011. Cette condamnation, confirmée vendredi 18 octobre en appel, met en lumière ce que beaucoup d'internautes ignorent : les réseaux sociaux sont un espace public comme les autres et vous êtes responsable, devant la justice, de ce qui se dit sur votre page personnelle.
Pour vous aider à y voir plus clair, francetv info décrypte cette décision de justice, avec l'aide d'avocats spécialistes des technologies de l'information.
Vous êtes le directeur de la publication de votre page
D'après la copie du jugement en première instance, obtenue par francetv info, les juges ont appliqué le droit de la presse, via la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la loi de 1982 qui adapte la première "au moyen de communication au public par voie électronique". "Lorsque l'accès à la page Facebook n'est pas restreint, la jurisprudence considère qu'il s'agit d'une communication publique, comme la télévision, la presse ou la radio", explique Olivier Iteanu, avocat et auteur du livre Internet et le droit (éd. Eyrolles).
En clair, les juges nîmois considèrent qu'en créant sa page Facebook, en la laissant accessible à tous et en permettant aux internautes d'y poster des commentaires, Julien Sanchez a mis en ligne un média. Ils estiment donc que le jeune élu frontiste est le directeur de publication de ce média et qu'il doit répondre de son contenu. Il a été condamné comme "auteur principal", avec pour "complice" les deux internautes qui avaient posté les messages.
Vous devez la modérer...
En tant que directeur de publication de ce média, Julien Sanchez aurait dû supprimer ces commentaires. "Vous pouvez avoir une page publique. Mais il faut la consulter régulièrement et supprimer tous les contenus juridiquement répréhensibles", rappelle Eric Caprioli, avocat à la cour de Paris. Sans aller jusqu'au contenu raciste, la moindre insulte, le moindre dénigrement peuvent faire l'objet de poursuites.
Lors du procès, Julien Sanchez s'est défendu en expliquant qu'il n'avait pas le temps, à l'époque, en pleine campagne présidentielle, de modérer les commentaires postés sur sa page et qu'il n'avait pas vu les commentaires incriminés. "J'en avais 150 à 200 par jour", a-t-il expliqué. Ce cas de figure est prévu par la loi. L'article 93-3 du 29 juillet 1982, qui stipule que "le directeur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait effectivement pas connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message".
Dans cette affaire, la justice estime que Julien Sanchez n'a pas rempli ces conditions. Il a en effet reconnu avoir été informé d'un échange houleux entre l'un des auteurs et la plaignante, visée nommément dans ce commentaire. "Il ne peut soutenir ne pas s'être intéressé au contenu des échanges qui motivaient la colère de celle-ci", écrit le juge.
... ou vous devez la rendre privée
Cette jurisprudence peut poser problème pour une personnalité publique qui communique via les réseaux sociaux. "Pour les hommes politiques, ce n'est pas l'idéal. En général, ils payent un webmaster pour faire le travail de modération", explique Eric Caprioli. Après sa mise en cause par la justice, Julien Sanchez a préféré modifier les paramètres de sa page Facebook et en réserver l'accès à ses seuls "amis" sur le réseau social.
Cette solution permet en effet de régler une partie du problème. "Si la page est privée, on n'est plus dans la communication publique", résume Olivier Iteanu. Mais il peut toujours être poursuivi pour injure non-publique ou propos racistes. Ces faits sont cependant passibles d'une simple contravention.
Eric Caprioli se souvient ainsi d'une affaire où une salariée avait appelé, sur sa page privée, à "l'extermination des directrices chieuses" comme la sienne. Comme le rapporte L'Humanité, elle avait été condamnée à 38 euros d'amende. "Aujourd'hui, Facebook est un média comme un autre, sauf que les gens n'en ont pas conscience", résume l'avocat. Vous voilà prévenu.
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