Pourquoi une pénurie de scaphandres spatiaux menace la Nasa
L'Agence spatiale américaine est en retard de plusieurs années dans la mise au point d'une nouvelle génération de scaphandres, malgré d'importantes dépenses.
Rupture de stock à la Nasa ? L'agence spatiale américaine risque de ne pas pouvoir renouveler à temps ses scaphandres spatiaux, portés par les astronautes de la Station spatiale internationale lors de leurs sorties. Un rapport d'audit de l'Inspecteur général de l'agence (PDF, en anglais), publié mercredi 26 avril, explique pourquoi la Nasa pourrait manquer de combinaisons opérationnelles.
Les combinaisons actuelles usées
Les astronautes dans la Station spatiale internationale (ISS) se servent aujourd'hui de gros scaphandres semi-rigides conçus il y a plus de quarante ans pour leurs sorties spatiales. Ces imposantes combinaisons nommées Extravehicular Mobility Unit (EMU), présentée pour première fois en 1981, ont ensuite été améliorées et renforcées en 1998.
Leur vieillissement n'a pas échappé aux astronautes qui les portent. Cités par le rapport d'audit, certains déplorent plusieurs incidents survenus à partir des années 2000. Plusieurs indiquent avoir ressenti des sensations de brûlure aux yeux lors de sorties, d’autres signalent que les gants s’abîment trop facilement ou évoquent des températures inconfortables, voire des niveaux de dioxyde de carbone trop élevés. Au total 27 incidents ont été relevés au cours de 204 sorties spatiales. Le plus remarquable est survenu en 2013, lorsque l'Italien Luca Parmitano a failli se noyer dans son scaphandre : le système de refroidissement situé dans son sac à dos avait inondé son casque.
En outre, seuls 11 des 18 scaphandres spatiaux dont disposait la Nasa initialement sont encore en état de marche, un nombre assez faible qui pourrait poser problème car l'ISS doit normalement encore fonctionner au moins jusqu'en 2024, avec encore de nombreuses sorties spatiales prévues (au moins trois en 2018, six en 2019, et six en 2020).
Des millions de dollars gaspillés
Tout en entretenant la flotte actuelle de ces scaphandres, la Nasa a également dépensé près de 200 millions de dollars pour fabriquer trois nouveaux types de combinaisons. Mais l'une d'elles, prévue pour des missions lunaires, ne sera peut-être jamais utilisée.
En 2004, en effet, George W. Bush lançait le programme Constellation, pour envoyer de nouveaux Américains sur la Lune. Dans ce cadre, la Nasa confiait, en 2009, à l’entreprise Oceaneering International, le développement des combinaisons spatiales, pour un total de 148 millions de dollars (136 millions d'euros). Un an plus tard, l’administration Obama mettait un terme au programme Constellation.
Mais le contrat avec la Nasa n'a pas été annulé avant 2016. L'agence spatiale a continué à verser 80,6 millions de dollars à cette société, pour rien. "La poursuite de ce contrat n’a pas servi les meilleurs intérêts des efforts technologiques de développement des combinaisons spatiales de l’Agence", souligne le rapport d'audit. La Nasa affirme avoir maintenu le contrat pour que l'industrie poursuive la recherche dans ce domaine. Un véritable gaspillage, sachant que l'agence spatiale développait, dans le même temps, en interne, deux combinaisons nettement plus avancées et moins coûteuses.
Une feuille de route floue
Malgré les sommes dépensées pour leur conception, la Nasa "reste à des années d'avoir à sa disposition des combinaisons opérationnelles capables de remplacer l'EMU ou adaptées aux futures missions d'exploration", écrit l'Inspecteur général de l'agence. "Il existe un risque important que le prototype de combinaison spatiale de la prochaine génération ne soit pas suffisamment mature à temps pour le tester sur l’ISS avant 2024", poursuit le rapport.
Il estime que l'absence d'un programme clair en vue d'une mission vers des destinations spécifiques d'exploration complique la tâche de la Nasa pour mettre au point un nouveau scaphandre spatial. De plus, la Nasa a réduit le budget consacré à ce programme en faveur d'autres priorités, comme l'habitat dans l'espace, en vue des futures missions vers Mars.
Le rapport estime aussi que la date de livraison prévue de la combinaison spatiale de survie destinée aux futurs équipages de la capsule Orion, sur laquelle la Nasa travaille, à savoir mars 2021, laisse peu de marge de manœuvre. En effet, le premier lancement du vaisseau est programmé seulement cinq mois plus tard, en août 2021. S'il n'est pas encore reporté.
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