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Ce que va changer pour vous le supercalculateur de Météo France

Les prévisionnistes et les météorologues attendent beaucoup de cet ordinateur géant, qui vient d'être mis en service à Toulouse. Explications.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le nouveau supercalculateur de Météo France à Toulouse (Haute-Garonne), le 4 mars 2014. (  MAXPPP)

La douceur va-t-elle durer tout l'hiver ? Est-ce le printemps avant l'heure ? Pourquoi subit-on ces tempêtes multiples et ces températures record ? On en demande toujours plus aux prévisionnistes, aux météorologues et aux chercheurs travaillant sur le climat. Mardi 4 mars, Météo France a présenté à la presse une nouvelle version d'un outil, devenu indispensable à la réalisation des prévisions météo : le supercalculateur. Francetv info vous livre ses secrets.

C'est quoi, ce supercalculateur ?

C'est une version bodybuildée de votre ordinateur. Il occupe donc 25 armoires. Le nouveau système comprend en fait deux superordinateurs. Le premier a été mis en service mi-janvier au Météopole de Toulouse (Haute-Garonne). Le second sera opérationnel en avril dans la zone scientifique de Montaudran, à l'autre bout de la ville.

Comme son nom l’indique, il est superpuissant : 100 000 fois plus qu'un ordinateur standard, évalue Météo France dans une infographie. Sa puissance de calcul représente un pétaflops, soit un million de milliards d'opérations réalisées en une seconde. Et elle pourrait encore être doublée à l'horizon 2016.

De quoi digérer 20 millions d'observations météo par jour, 5 fois plus que précédemment, et enregistrer 5 à 10 fois plus de données satellites, selon Météo France. Les supercalculateurs de ce type "décomposent les tâches à effectuer en milliers de sous-tâches qu’ils traitent de manière simultanée", explique Le Journal du Geek. "Une prévision à 24 heures" est ainsi "exécutée en une demi-heure".  

Cette puissance a un prix. L'établissement public a signé un contrat d'installation et d'exploitation avec Bull qui lui coûtera 30,5 millions d'euros sur cinq ans. Il n’est en effet pas propriétaire du système, baptisé "Bullx". 

Comment fonctionne-t-il ?

Le supercalculateur reçoit l'ensemble des données recueillies par les différents moyens d'observation : pression atmosphérique, force du vent, température, humidité, etc. Des mesures fournies par les satellites météorologiques, les stations au sol, les ballons-sondes, les capteurs embarqués sur des avions de ligne et des navires de commerce ou installés sur des bouées ancrées et dérivantes. Le supercalculateur établit alors une carte du ciel, quadrillé en trois dimensions.

A partir de cette image figée, il calcule des simulations de l’évolution du temps. Pour cela, il exploite des modèles numériques de prévision. Des formules mathématiques établies à partir des lois de la physique : celles de la mécanique des fluides ou celles qui régissent les changements d'état de l'eau, entre autres. 

Météo France exploite trois modèles, de plus en plus fins. Arpège, avec un maillage de 16 km, utilisé pour la prévision jusqu'à trois jours à l'échelle de la France ; Aladin, avec une maille de 7,5 km, pour affiner les prévisions jusqu'à deux jours et demi sur une région ; et Arome, avec un maillage de 2,5 km, afin de zoomer un peu plus sur l'Hexagone.

Mais ces scénarios ne sont pas encore des prévisions. C’est le travail d’analyse des prévisionnistes qui affine ces simulations. Ils choisissent parmi les différents scénarios celui qui apparaît comme le plus probable et le traduisent en cartes et en bulletins compréhensibles pour le grand public. Un processus décrit par Météo France

Qu’est-ce qu'il va changer ?

La météo au kilomètre près. Le nouveau système va permettre un "maillage beaucoup plus fin". Il donnera en 2016 un point de calcul tous les 1,3 km, contre 2,5 actuellement, à l'échelle de la France, a indiqué mardi le directeur de la prévision, Jean-Marie Carrière.

Météo France expérimente en outre déjà des "zooms de prévision" à 500 mètres près sur l'agglomération parisienne et sur l'aéroport Charles-de-Gaulle par exemple. Le calculateur permettrait même de prévoir l'emplacement des nappes de brouillard sur telle ou telle piste, selon Jean-Marie Carrière.

"Il va nous permettre de mieux prévoir les phénomènes dangereux, en particulier de petite échelle, les orages, les inondations soudaines", a expliqué le directeur de la prévision.

Des prévisions précises à quatre jours. "Le nouveau calculateur va nous donner la possibilité de prévoir le temps aussi bien à quatre jours d'échéance qu'à trois jours aujourd'hui", a assuré à la presse le directeur de la prévision.

Une actualisation heure par heure. Actuellement, les calculs de prévisions sont effectués quatre fois par jour. "Grâce à cette machine, on est en train de passer à huit fois par jour et on espère avant 2016 être capables de recalculer les prévisions toutes les heures", a déclaré Jean-Marie Carrière.

"Sur des phénomènes évoluant très rapidement, passant de 50 litres d'eau à 200 litres d'eau au mètre carré par exemple, c'est très important de pouvoir ajuster et donner les informations précises aux pouvoirs publics qui doivent gérer des secours", a-t-il fait valoir.

Une meilleure analyse du changement climatique. Météo France compte sur l'augmentation de la puissance de calcul pour pouvoir enrichir son travail sur le changement climatique

Les interactions entre le climat et la composition chimique de l'atmosphère, les calottes glaciaires et le cycle du carbone seront mieux représentées. Et un nouvel outil maillant des points tous les 2,5 km sera déployé. Il permettra d'affiner l'étude des impacts régionaux du changement climatique.

Qu’est-ce qui reste hors de portée ?

La science de la prévision météo a deux limites, explique Météo France : plus l'échéance visée est lointaine, moins la prévision est détaillée, et plus le phénomène météo est petit, moins il peut être possible de le prévoir à l'avance.

La prévision à l'heure près de mini-tornades qui ravagent parfois un village sur quelques centaines de mètres restera "hors de portée", mais avec ce nouveau supercalculateur, Météo France sera capable "de prévoir un risque de phénomène de ce type à l'intérieur d'un département", a illustré le directeur de la prévision.

Aujourd'hui, les prévisionnistes peuvent élaborer des prévisions détaillées jusqu'à dix jours. Passé cette dizaine de jours et jusqu'à un mois, les météorologues peuvent prévoir des conditions moyennes de température et de précipitations. Un temps stable ou perturbé ou des pluies plus ou moins importantes que la normale saisonnière, par exemple. Des indications "généralement fiables" sur l'Europe jusqu'à deux semaines, assure le service météo.

Au-delà, Météo France ne peut que faire des prévisions saisonnières sur les mois à venir, à l'échelle d'une zone comme l'Europe de l'Ouest. Et leurs performances "sont très variables". Elles sont ainsi "meilleures pour la température que pour les précipitations ; et pour la température, meilleures en hiver qu'en été", précise l'institut météo. 

Sur les trente dernières années, la qualité des prévisions du modèle Arpège de Météo France a gagné un jour tous les dix ans. Patience, donc.

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