Un dentiste de Cherbourg suspendu pour manquements graves : quelles sont les règles de stérilisation ?

La stérilisation du matériel médical permet de se prémunir des risques de contamination, affirme Christophe Lambert, pharmacien et président honoraire de la Société française de la science de la stérilisation (SF2S).
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
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Un personnel de santé ouvre un emballage stérile, photo d'illustration (ODILON DIMIER
 / MAXPPP)

Un défaut de stérilisation sur le matériel d'un chirurgien-dentiste de Cherbourg, dans la Manche, est à l'origine du dépistage de plus d'un millier de personnes. Ces patients sont exposés à un risque faible de transmission des hépatites B, C, ainsi que du VIH. En octobre dernier, 5 000 patients de l'hôpital de Tarbes-Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées, avaient également été invités à se faire dépister après un défaut de stérilisation dentaire. "Quand les mesures de retraitement et les pratiques d'hygiène mises en œuvre lors du soin sont conformes aux recommandations, on peut tout à fait se prémunir du risque d'infection", estime Christophe Lambert, pharmacien, responsable de la stérilisation centrale à l'hôpital de Chambéry en Savoie et président honoraire de la Société française de la science de la stérilisation (SF2S). Avec lui, franceinfo revient sur l'importance de la stérilisation du matériel médical pour éviter les contaminations.

La stérilisation du matériel médical réglementée par plusieurs textes

En France, le retraitement des dispositifs médicaux réutilisables, c'est-à-dire la stérilisation du matériel médical afin qu'il puisse être réutilisé, est réglementé. L'arrêté du 22 juin 2001 énonce "les bonnes pratiques de pharmacie hospitalière" et "est applicable en établissement de santé, qu'il soit public ou privé", rappelle Christophe Lambert. Les professionnels de santé peuvent aussi se référer au guide des bonnes pratiques de stérilisation qui est édité par la SF2S. "Il y a des spécificités selon le domaine d'activité, souligne Christophe Lambert. Si ces textes sont scrupuleusement respectés, le risque de contamination est fortement minimisé, même s'il n'y a jamais l'absence de risque total."

Une stérilisation à la vapeur d'eau pendant 18 minutes minimum

Les dispositifs médicaux qu'on appelle "invasifs" ou "critiques" sont soumis à la stérilisation. Il s'agit de tout instrument ou équipement médical qui "va pénétrer une cavité qui n'est pas stérile, comme la bouche, ou qui va créer une effraction, c’est-à-dire traverser la peau", explique Christophe Lambert. Chez le dentiste par exemple, "le miroir, la fraise, la sonde vont devoir être stérilisés entre deux patients".

"Le matériel peut donc être utilisé, ou réutilisé, à condition qu'il subisse toutes les étapes du retraitement", poursuit Christophe Lambert. Ces étapes sont d'abord "le prétraitement qui permet d'éviter que les souillures, comme le sang ou le mucus, sèchent sur les instruments". Les instruments sont ensuite lavés, "soit de façon manuelle, soit dans une sorte de machine à laver qu'on appelle un 'laveur désinfecteur'. Une fois lavé, on va mettre le matériel propre dans un emballage que l'on va stériliser à la vapeur d'eau à 134 degrés pendant 18 minutes minimum , ce sont les paramètres obligatoires en France." Le matériel est ensuite conservé dans son emballage stérile jusqu’à sa prochaine utilisation.

Un risque de "contaminations croisées" en cas de mauvaise stérilisation

L'enjeu de bien stériliser le matériel médical est surtout d'éviter ce qu'on appelle des "contaminations croisées" c’est-à-dire éviter que des microbes soient transférés involontairement d'un patient A à un patient B. "Ces risques de transmission sont spécifiques au type de chirurgie, souligne Christophe Lambert. Dans le cadre de soins dentaires, le risque de transmission du virus de l'hépatite B est prédominant." C'est pourquoi les patients du dentiste de Cherbourg doivent se faire dépister de cette maladie notamment.

À l'hôpital, il existe aussi des infections nosocomiales. Les risques de transmission sont différents selon une opération de l'appendicite, un acte gynécologique ou une chirurgie de la cataracte, énumère Christophe Lambert, qui expose : "Lorsqu'on est opéré pour une prothèse de hanche, le risque est plus grand d'être infecté par un staphylocoque doré qui va se développer sur la prothèse."

La stérilisation peu contrôlée en France

Dans le milieu hospitalier, les infections nosocomiales sont bien suivies, selon Christophe Lambert. Mais pour la médecine libérale, "la démarche est beaucoup plus compliquée", estime le pharmacien. En cas d'infection, un patient peut saisir l'agence régionale de santé (ARS) qui a des services d'inspection qui auditent les praticiens concernés. Les ARS effectuent aussi des contrôles aléatoires. Mais "il y en a très peu en France, par rapport à la Suisse, par exemple, souligne Christophe Lambert, où tous les cabinets dentaires font l'objet d'examen par les services de santé."

C'est après une inspection menée par l'ARS Normandie que le dentiste exerçant à Cherbourg a été suspendu de son droit d'exercer, et que plus de 1100 patients de son cabinet sont encouragés à se faire dépister pour l'hépatite B et C ainsi que le VIH .

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