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Témoignage "Plus on va vite, mieux on est payé" : un ambulancier raconte la concurrence acharnée entre certaines sociétés d'ambulances à Lyon

La Direction du travail a ouvert une enquête sur des pratiques dénoncées par cinq sociétés d'ambulances lyonnaises. Selon elles, des primes à la course sont notamment proposées aux chauffeurs, les poussant à accélérer toujours plus la cadence.
Article rédigé par Christophe Vincent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une ambulance dans les rues de Lyon, en avril 2020. (JEFF PACHOUD / AFP)

"On ne compte pas nos heures, on est tous éreintés, on se sacrifie et cette affaire va encore salir la profession", lâche en colère la patronne d'une société d'ambulance qui dit respecter les règles et ne trouve plus de chauffeurs. En cause : la pénurie de main-d'œuvre dans ce secteur face à des conducteurs pas intéressés ou trop gourmands en termes de salaire. Alors, pour les attirer, certaines entreprises sortent des clous et proposent des primes à la course ou un pourcentage sur le chiffre d'affaires journalier.

>> "On ne trouve personne" : malgré 15 000 postes à pourvoir, les ambulanciers rencontrent de grandes difficultés pour recruter du personnel

Ces pratiques, révélées par cinq entrepreneurs du secteur installés dans le Rhône, ont poussé la Direccte (direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) d'Auvergne-Rhône-Alpes à lancer une enquête. Dans un courrier envoyé à l'Agence régionale de santé, ces sociétés parlent de "concurrence déloyale".

Deux patients dans la même ambulance

Grâce à ces primes, les ambulanciers voient leurs revenus grimper de 15 à 20 %. Mais cela les oblige à accélérer le rythme et à dépasser souvent les 12 heures journalières légales. Une dégradation des conditions de travail dont témoigne Jean-Pierre*, qui a 20 ans de métier : "Aujourd'hui, c'est le rendement qui prime sur la qualité. Plus on va vite, mieux on est payé", dénonce-t-il.

"On peut gagner du temps de travail sur la route en allant très, très vite, en déposant les patients très rapidement sans se soucier de leur état, en prenant deux patients dans la même ambulance".

Jean-Pierre, ambulancier à Lyon depuis 20 ans

à franceinfo

"Un patient qui devrait être allongé, s'il marche un petit peu, on le prendra et on le mettra assis, ajoute l'ambulancier. Ce sont des primes d'assiduité, des primes de rentabilité, des primes de repas un peu maquillées. Et, aujourd'hui, des sociétés sérieuses qui respectent le Code de la route, elles ne trouvent pas de salariés", précise Jean-Pierre.

Des contrôles "compliqués" à réaliser

Inspectrice du travail, Julie Nardin parle elle aussi d'une concurrence "acharnée" qui s'est accentuée avec le secteur privé qui a récupéré une partie des transports d'urgence. "Ces primes-là, si elles existent, et bien elles sont interdites. Et il est obligatoire pour les inspecteurs du travail d'aller d'abord vérifier l'existence des décomptes de la durée du travail, et puis de regarder ce qu'il y a sur les bulletins de paie. S'il n'y a ni l'un ni l'autre, forcément, c'est plus compliqué. Cela veut dire que ce sont des paiements à la main, à la main... Et là, ce sont des contrôles qui sont forcément plus difficiles puisqu'il faut aller contrôler le travail illégal, voire essayer d'établir en arrêtant les ambulanciers sur la route, si par hasard, il y a ce type de rémunération qui leur est donnée de la main à la main".

À Lyon, personne n'a oublié la mort récente de deux ados à trottinette et d'un motard percuté par des ambulances.

*Le prénom a été modifié

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