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Six questions sur l'appendice, cet organe lié à la longévité selon une étude de l'Inserm

Cette partie de chair qui prolonge le colon n'est pas si inutile que cela selon l'Inserm. La présence de l'appendice chez l'être humain serait même corrélée à une plus grande longévité de l'espèce. 

Article rédigé par franceinfo
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Illustration de la coupe d'un colon se terminant par l'appendice identifié en rouge. (ERICSPHOTOGRAPHY / E+)

Au mieux, il est jugé inutile. Au pire, il peut être dangereux s'il provoque une inflammation et une infection. L'appendice, cette excroissance d'une dizaine de centimètres de l'abdomen, suspendue à notre côlon, aurait-il une raison d'être ? Selon une récente étude scientifique menée par des chercheurs de l'Inserm et du Muséum national d'histoire naturelle, publiée dans la revue Journal of Anatomy (article en anglais), sa présence dans notre corps serait corrélée à un allongement de la durée de vie. Franceinfo revient en six questions sur cet appendice soudainement réhabilité par la science.

1Sommes-nous les seuls à le posséder ?

Non. Apparu pour la première fois il y a 80 millions d'années, l'appendice se serait, depuis, formé seize fois au cours de l'histoire évolutive des mammifères, selon l'Inserm. 

Aujourd'hui, nous le partageons avec d'autres mammifères tels que l'orang-outan, le koala, le lamantin ou encore le castor. Mais ce facteur commun n'a pas de lien évident avec le régime alimentaire, la vie sociale ou encore l’environnement.

2A quoi sert-il ?

Mystère. Enfin presque. Cet appendice intrigue depuis longtemps la communauté scientifique qui n'est pas encore parvenue à une conclusion définitive quant à la finalité de sa présence dans notre corps. Charles Darwin l'avait jugé inutile, en 1871, le qualifiant de vestige anatomique, résidu de la façon dont le tube digestif a évolué. Deux siècles plus tard, en 2021, l'étude de l’Inserm et du Muséum national d’histoire naturelle suggère que la présence de l’appendice est en fait corrélée à l’allongement de la longévité d'une espèce. 

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs Eric Ogier-Denis, de l'Inserm, et Michel Laurin, du Muséum national d'histoire naturelle, ont analysé les données de 258 espèces de mammifères dont 39 avec et 219 sans appendice. Ils se sont notamment intéressés à la longévité maximale théorique (la durée de vie théorique des mammifères, établie en fonction de leur poids) et à la longévité maximale réelle des différentes espèces considérées. Résultat : une espèce de mammifères qui présente cette structure anatomique a une durée de vie plus longue qu'une espèce de mammifères de même poids ne possédant pas d’appendice.

"Il s'agit de la première démonstration de l’existence d'une corrélation entre la présence de l’appendice et un trait de l’histoire de vie des mammifères", souligne Eric Ogier-Denis.

3Qu'est-ce qui explique cet allongement de la longévité ?

La réponse se trouve dans l'anatomie de l'appendice. Celle-ci permettrait la constitution d'un véritable "sanctuaire bactérien" sélectif. Ainsi cette réserve de bactéries bénéfiques au système digestif faciliterait une recolonisation rapide de ces espèces bactériennes essentielles et participerait ainsi à la diminution de la mortalité par diarrhée infectieuse, qui est la deuxième cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). 

D'autres études de terrain sur différentes espèces de mammifères, prévues dans les mois à venir, doivent confirmer ce lien entre appendice et longévité.

4Pourquoi l'appendice est-il parfois enlevé ?

L'appendicectomie, ou ablation de l'appendice, est réalisée lorsqu'il y a une inflammation aiguë de l'appendice. Cette opération est très courante dans les pays développés. Bien que le nombre d'appendicites diminue avec les années, 75 000 appendicectomies ont été réalisées en 2017 en France, ce qui en fait l'opération chirurgicale digestive la plus fréquente, note la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE).

Si les raisons d'une appendicite aiguë sont encore inconnues, personne n'est à l'abri d'une inflammation : près d'une personne sur dix subit une appendicite au cours de sa vie, selon la SNFGE. La majorité des cas survient à l'adolescence et chez le jeune adulte âgé entre 20 et 30 ans, avec une prédominance chez les hommes. Parfois l'appendice s'infecte et l'appendicite se transforme en péritonite qui peut, si elle n'est pas prise à temps, entraîner la mort du patient.

5Y a t-il des conséquences liées à l'appendicite ?

Si vous avez été opéré d'une appendicite "avérée" avant l'âge de vos 20 ans, cette opération a des effets protecteurs contre la rectocolite hémorragique, qui est une forme spécifique d'inflammation chronique du côlon et du rectum, précise l'Inserm sur son site.

Mais l'institut alerte sur les risques d'une ablation "préventive" pour les personnes atteintes de cette maladie inflammatoire chronique. Dans ce cas, l'appendicectomie augmenterait "d’environ 17 fois le risque du cancer du côlon chez les patients atteints de rectocolite hémorragique. Ce qui en ferait le facteur de risque le plus important pour ce cancer." 

6Mais alors, son ablation diminue-t-elle notre durée de vie ?

Les auteurs de l'étude précisent que l'ablation de l'appendice chez l'humain ne modifie pas sa durée de vie, en tout cas lorsqu'elle est pratiquée lors d'une appendicite avérée. "En effet, l’appendicite dans le jeune âge est certainement bénéfique en exacerbant l’éducation du système immunitaire et en lui permettant de lutter plus efficacement en cas d’infection ultérieure, précise Eric Ogier Denis. Le traitement de l’appendicite reste l’appendicectomie et ce travail n’apporte aucun argument suggérant de modifier cette attitude thérapeutique."

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