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Précarité menstruelle : quatre questions sur le remboursement des protections hygiéniques réutilisables pour les 25 ans et moins

Cette mesure entrera en vigueur l'an prochain. Pour bénéficier de ces protections périodiques réutilisables, il faudra se rendre en pharmacie, "sans ordonnance", afin d'être remboursée par la Sécurité sociale.
Article rédigé par franceinfo
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La Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le 6 mars 2023 le remboursement des protections périodiques réutilisables par la Sécurité sociale, pour toutes les jeunes femmes et de 25 ans et moins à partir de 2024. (FRANK MAY / PICTURE ALLIANCE / AFP)

Une déclaration importante, à l'approche de la Journée internationale des droits des femmes. Sur le plateau de l'émission "C à vous", lundi 6 mars sur France 5, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé "le remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables à partir de l'an prochain". Une mesure destinée à "toutes les jeunes femmes de moins de 25 ans" en France. 

Cette initiative doit répondre en partie au problème de la précarité menstruelle, qui touche de plus en plus de Françaises et notamment de jeunes, selon une étude d'OpinionWay pour l'association Règles élémentaires (document PDF) rendue publique lundi. Quelle est l'ampleur de ce problème en France ? En quoi consiste précisément la proposition de la cheffe du gouvernement, et quelles étaient les mesures déjà en vigueur ? Eléments de réponse. 

1 Qu'a annoncé Elisabeth Borne au sujet des protections périodiques ? 

"Je trouve que c'est impensable que les femmes ne puissent pas avoir les protections dont elles ont besoin", a déclaré la Première ministre sur le plateau de "C à vous", lundi soir. "Donc je vous annonce que nous allons mettre en place un remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables, à partir de l'an prochain." Il s'agit par exemple de coupes menstruelles, de serviettes hygiéniques lavables ou encore de culottes menstruelles. 

Cette mesure concernera toutes les jeunes femmes âgées de 25 ans et moins, a précisé la Première ministre. Elle entrera en vigueur "courant 2024", selon le site du gouvernement

Pour bénéficier de ces protections périodiques réutilisables, il faudra se rendre en pharmacie, "sans ordonnance", afin d'être remboursée par la Sécurité sociale. "La précarité menstruelle est une réalité qui touche trop de femmes. C'est une injustice du quotidien", a poursuivi Elisabeth Borne sur Twitter lundi soir. 

Selon Matignon, le coût de cette mesure est à ce stade évalué entre 30 et 50 millions d'euros par an. Le gouvernement précisera ultérieurement les modalités de cette initiative, mais Matignon assure que des échanges vont être lancés prochainement avec les fabricants de ces produits. Enfin, les services de la Première ministre évoquent une "dimension écologique" de cette politique, qui porte sur des produits réutilisables. 

Mardi matin, le gouvernement a ajouté, sur son site, qu'il aiderait par ailleurs "les collectivités et les établissements à installer des distributeurs de protections périodiques", notamment dans les collèges et lycées. L'exécutif assure aussi qu'il "doublera les crédits aux associations d'ici [à] 2027, pour qu'elles puissent acheter et distribuer 30 à 40% de protections périodiques réutilisables pour les femmes en précarité". 

2 Quelles étaient les mesures déjà en vigueur en France ? 

En 2021, la ministre de l'Enseignement supérieur de l'époque, Frédérique Vidal, avait annoncé la distribution gratuite de protections périodiques "respectueuses de l'environnement" dans les universités et les résidences des Crous en France. "On vise 1 500 distributeurs et une gratuité complète à la rentrée" 2021, avait-elle alors ajouté.

En septembre 2021, lors de la rentrée étudiante, quelque 500 distributeurs de protections périodiques avaient été installés, selon la nouvelle équipe du ministère de l'Enseignement supérieur interrogée par franceinfo. Celle-ci affirmait que l'installation de ces distributeurs se poursuivait, mais que l'objectif initial de 1 500 machines implantées n'était pas encore atteint fin mai 2022. D'après Matignon, 1 000 distributeurs ont été installés à ce stade dans les résidences universitaires. Le gouvernement souhaite réaliser une cartographie de ces distributeurs pour faciliter l'accès des étudiantes à ces produits. 

3 Quelle est l'ampleur du problème de la précarité menstruelle dans le pays ?

L'association Règles élémentaires, qui lutte contre la précarité menstruelle, a publié lundi une enquête à ce sujet, réalisée par Opinion Way. "En 2021, on estimait que 2 millions de femmes étaient en situation de précarité menstruelle. En 2023, (...) le constat est sans appel : en deux ans, le nombre de femmes confrontées à la précarité menstruelle a doublé", alerte l'association. 

Dans le détail, un peu plus de 3,8 millions de femmes âgées de 18 à 50 ans en France déclarent vivre une situation de précarité menstruelle. Cela représente 31% des femmes menstruées ayant entre 18 à 50 ans. Environ 2,5 millions de personnes ont récemment dû se priver au moins une fois de protections périodiques du fait de difficultés financières, et 1,2 million de femmes ont dû "renoncer à d'autres biens essentiels" pour pouvoir acheter des protections. 

Les jeunes, ainsi que les mères célibataires, "sont en première ligne", alerte Règles élémentaires. D'après l'étude, 30% des jeunes femmes de 18 à 24 ans ont déjà dû se priver de protections périodiques par manque d'argent, et 14% "sont fréquemment dans l’impossibilité financière d’accéder à des protections périodiques". Selon l'enquête de l'association, le problème de la précarité menstruelle affecte au total près de la moitié des Françaises ayant entre 18 et 24 ans. 

4 D'autres solutions ont-elles émergé à l'étranger ? 

Depuis août 2022, les protections périodiques sont disponibles gratuitement pour toutes les femmes en Ecosse. Selon la loi contre la précarité menstruelle, votée en 2020 et entrée en vigueur l'été dernier, toutes les collectivités locales, établissements scolaires et universitaires écossais doivent fournir des protections périodiques gratuites à "toute personne qui en a besoin". Une application, PickMyPeriod, permet de trouver les points de distribution les plus proches autour de soi. L'Ecosse est ainsi devenue la première nation au monde à proposer des protections gratuites pour lutter contre la précarité menstruelle, souligne la BBC (article en anglais). Depuis 2018, ces produits étaient déjà proposés dans les écoles et universités. 

Les premiers résultats de l'application de la loi contre la précarité menstruelle, publiés par les autorités écossaises (article en anglais) à la fin de l'année, montrent qu'un peu moins de la moitié des personnes interrogées ont déjà eu accès à ces protections gratuites. Pour 21% d'entre elles, il s'agissait d'une question financière, dans un contexte de forte inflation au Royaume-Uni. Enfin, neuf personnes interrogées sur dix ont déclaré avoir eu accès à suffisamment de protections pour répondre à leurs besoins. 

D'autres pays ont également pris des mesures visant à lutter contre la précarité menstruelle. Il s'agit notamment de la Nouvelle-Zélande, qui propose depuis 2021 (et pour trois ans) des protections gratuites à toutes les élèves. 

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