Mobilisation des infirmières : "Une pression de dingue et un épuisement total"
Lise Vincot, une infirmière qui a démissionné de l'hôpital, réagit aux nombreuses manifestations organisées mardi en France.
Les infirmiers et les infirmières manifestent, mardi 20 novembre, à l’appel des syndicats. Vingt-trois rassemblements sont prévus dans toute la France. Ces professionnels estiment être les grands oubliés de la réforme de la santé, lancée officiellement lundi par le gouvernement. Le quotidien des blouses blanches dans les hôpitaux "n'est plus humain", explique sur franceinfo Lise Vincot, une infirmière qui a décidé de quitter l'hôpital pour se reconvertir dans le libéral.
franceinfo : Vous sentez-vous réellement oubliée ?
Lise Vincot : Oui totalement. Je viens du milieu hospitalier et je suis diplômée depuis 2009 donc ça va faire neuf ans que j’exerce mon métier. Un métier que j’adore pour plein de raisons. Mais on ne nous aide pas à l'exercer correctement. J’en étais venue à un point où j’étais presque à chercher une reconversion professionnelle, puisque je n’étais plus du tout heureuse et épanouie dans mon travail, car je ne l’exerçais pas selon mes valeurs et ce pourquoi je l’avais choisi.
Vous étiez infirmière dans un établissement hospitalier. Vous avez donc démissionné, pour quelles raisons ?
À la base, j’ai choisi ce métier pour soigner les gens grâce à mes connaissances médicales, mais aussi pour leur apporter du réconfort, de la chaleur humaine, du relationnel, les aider moralement aussi car selon moi cela fait partie intégrante de la guérison. Ce n’est pas possible de zapper l’humain, c’est indispensable. Mais je n’arrivais plus à exercer correctement, car on en demande toujours plus. On passe des journées entières à courir dans les couloirs pour mettre les perfusions, faire des injections, faire face aux familles qui vous posent des questions. Finalement, le patient, j’arrivais à peine à lui adresser la parole deux minutes par jour car j’étais sans arrêt interrompue par un intervenant extérieur. Et puis on nous met une pression de dingue, ce n’est juste plus humain. J’en suis arrivée à un épuisement total. Je rentrais de ma journée et je n’étais pas bien car je n’étais plus du tout en adéquation avec mes convictions et ce pour quoi j’ai commencé à exercer ce métier.
Vous avez donc quitté l’hôpital pour vous installer en libéral. Vous retrouvez-vous davantage aujourd’hui ?
Pour le côté humain et relationnel, cela me fait beaucoup de bien puisque désormais, quand je suis chez mon patient, je suis avec lui. J’ai vraiment une relation privilégiée et ça me fait beaucoup de bien. Évidemment, je soutiens totalement le mouvement de grève. Je pense beaucoup à mes collègues du monde hospitalier. J’ai pu quitter ce travail mais il y en a plein qui ne le peuvent pas. C’est quand même un risque de le faire, puisqu'en libéral, le salaire est aléatoire, on ne sait pas toujours combien on va gagner à la fin du mois. Du coup, beaucoup d’infirmières sont enchaînées à leur travail alors qu’elles aimeraient ne plus y être.
Cependant, dans le milieu libéral il y aussi des choses à améliorer. Nous aussi nous avons été complètement zappés du plan santé 2022, puisqu’il évoque la création de postes d’assistants médicaux pour les médecins alors que c’est ce que nous faisons déjà dans le libéral. C’est ce qu’on appelle du travail invisible, gratuit en fait, et nous le faisons quand même. Donc pourquoi ne pas revaloriser notre métier, notre profession, plutôt que de créer d’autres postes ?
C’est ce que vous demandez, de la reconnaissance ?
Complètement. J’avais l’impression à l’hôpital d’être une exécutante pure et dure aux yeux de la direction. Ce qui comptait, c’était le nombre d’injections réalisées, le nombre de prises de sang. L’hôpital gagne des sous comme ça depuis qu’il y a de la tarification à l’acte. Sauf que tout ce qu'il y autour, toute la gestion, la logistique, le lien entre le patient et le médecin, tout ça c’est du travail invisible qui n’est pas reconnu.
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