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Homéopathie : cinq questions sur le projet d'avis de déremboursement de la Haute Autorité de santé

Les préparations homéopathiques, dont certaines sont remboursées à hauteur de 30% par l'assurance-maladie, offrent "un service médical rendu insuffisant", selon la HAS. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La Haute Autorité de santé préconise le déremboursement de l'homéopathie, dans un projet d'avis envoyé à trois laboratoires, selon les informations de franceinfo le 16 mai 2019.  (PASCAL DELOCHE / AFP)

Les granules et autres gouttes homéopathiques, que beaucoup de Français utilisent mais dont l'efficacité n'est pas prouvée, vont-ils bientôt être totalement déremboursés par la Sécurité sociale ? C'est en tout cas ce que recommande la Haute Autorité de santé (HAS) dans un projet d'avis envoyé aux laboratoires fabriquant ces produits, selon les informations de franceinfo jeudi 16 mai, quelques semaines avant de publier un avis définitif sur le sujet. 

Actuellement, certaines préparations homéopathiques sont remboursées à hauteur de 30% par l'assurance-maladie. Que signifie cette recommandation de la HAS, et quelles sont ses implications ? Franceinfo fait le point. 

1Quelle est la consommation d'homéopathie en France ? 

Les Français sont friands d'homéopathie. Même si son efficacité n'est pas prouvée scientifiquement, c'est une technique appréciée : 72% "croient en ses bienfaits", selon un sondage Odoxa (Baromètre santé 360) publié en janvier. Plus de la moitié des personnes interrogées (58%) a déjà utilisé "plusieurs fois" des produits homéopathiques, précise aussi un sondage Ipsos réalisé en octobre 2018 pour le compte de trois laboratoires homéopathiques.

En 2017, les ventes totales d'homéopathie s'élevaient à près de 620 millions d'euros en France, dont 340 millions sur prescription médicale ouvrant droit au remboursement, selon des données du cabinet OpenHealth. Cette année-là, le remboursement de l'homéopathie a représenté 129,6 millions d'euros, sur un total de 19,9 milliards pour l'ensemble des médicaments remboursés, selon l'assurance-maladie.  

2Pourquoi le remboursement de l'homéopathie est-il controversé ? 

Les autorisations de mise sur le marché pour l'homéopathie ne répondent pas aux mêmes exigences que pour les médicaments : pas besoin de fournir de données sur l'efficacité des produits. Ils doivent simplement être suffisamment dilués pour garantir leur innocuité.

L'association des Académies des sciences européennes (EASAC) a estimé en septembre 2017 qu'il n'existait "aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l'efficacité des produits homéopathiques, même s'il y a parfois un effet placebo". L'homéopathie peut même "avoir un effet nocif en retardant la consultation d'un médecin", estimait alors l'EASAC.

En France, la polémique autour de l'homéopathie s'est embrasée en mars 2018 lors de la publication dans Le Figaro d'une tribune signée par un collectif de 124 médecins dénonçant "de fausses thérapies à l'efficacité illusoire" pratiquées "par des charlatans".

En août 2018, le ministère de la Santé a sollicité la Haute Autorité de santé pour qu'elle donne son avis sur le bien-fondé du remboursement de ces produits.

3Quelles sont les conclusions de la Haute Autorité de santé ? 

Après avoir étudié 1 200 produits homéopathiques, la HAS estime que ces derniers offrent un "service médical rendu insuffisant". Elle demande donc qu'ils ne soient désormais plus du tout remboursés.

En juin 2018, la Commission de transparence de la HAS s'était déjà penchée sur trois préparations des laboratoires Boiron. "La Commission s'étonne du maintien du taux de remboursement à 30% des médicaments homéopathiques (...) compte tenu du taux de remboursement à 30% voire 15% de médicaments ayant fait la preuve de leur efficacité", avait-elle alors indiqué.

4Comment Boiron réagit-il ? 

Cet avis de la HAS est un coup dur pour Boiron : deux tiers de ses ventes dans l'Hexagone dépendent de produits remboursables. Le géant français de l'homéopathie a déjà subi une chute de 10,1% de ses ventes au premier trimestre, principalement en raison de la remise en cause de cette pratique en France. 

Boiron a suspendu jeudi son cours en Bourse, dénonçant une "violation du secret" après que des médias ont été informés de la teneur de l'avis préliminaire de la HAS. Le leader mondial du secteur, basé à Lyon, argue que si l'homéopathie n'était plus remboursée, 1 000 emplois seraient directement menacés. Il a confirmé vendredi que la HAS avait émis un avis "défavorable" au remboursement.

5Quelles sont les autres étapes avant un déremboursement complet ? 

Le projet d'avis "n'est qu'une étape", a précisé la HAS. Selon la procédure, cet avis est transmis aux trois laboratoires concernés (Boiron, Lehning et Weleda) pour qu'ils puissent faire valoir leurs arguments durant une "phase contradictoire".

Ce n'est qu'à l'issue de cette phase contradictoire que sera rendu l'avis définitif de la HAS, prévu en juin, et sur lequel le gouvernement s'appuiera pour décider ou non de dérembourser l'homéopathie. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a d'ores et déjà annoncé qu'elle se rangerait derrière l'avis de la Haute Autorité de santé.

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