Violences conjugales : faut-il trahir le secret médical ?
Tout commence en 2010. Catherine Coq est sage-femme à la maternité des Bluets à Paris. Aux urgences, elle prend en charge une patiente enceinte de son 3ème enfant. Celle-ci affirme avoir été victime de violences conjugales. Tout laisse à penser qu’elle dit effectivement la vérité.
Deux ans plus tard, lors de sa procédure de divorce, cette patiente demande à la sage-femme d’attester des faits de violence. Ce témoignage doit lui permettre de renforcer son dossier. Catherine Coq accepte sans hésiter. "Dans cette attestation, j’ai dit « j’ai entendu, elle m’a dit que ». C’est tout. Cette attestation a été relue par plusieurs de mes pairs, plusieurs sages-femmes qui étaient plus expérimentées que moi, par des avocats. Je n’ai pas donné un document fait à la légère. Je n’ai jamais travaillé toute seule dans mon coin."
Plainte du mari pour violation du secret médical
Mais, ce document provoque la colère du mari de la patiente. Il accuse Catherine Coq d’acte de complaisance et porte plainte contre elle. Non pas au pénal, mais auprès du conseil de l’ordre des sages-femmes, pour violation du secret médical.
Une procédure disciplinaire s’engage alors. Le 3 décembre 2015, Catherine Coq était à nouveau convoquée par le conseil de l’ordre des sages-femmes. "Forcément, c’est tendu. Qui a raison, qui a tort…" explique-t-elle. Elle saura dans quelques semaines si elle écopera d'une sanction.
Catherine Coq est persuadée d’avoir bien agi. Mais elle craint que cette affaire dissuade d’autres soignants de faire de même. Un paradoxe, alors que le ministère de la Santé incite justement les professions à protéger les femmes battues.
"Ca va faire peur à toute le monde. On avait déjà peur avant… Mais alors là, si quand on fait bien son travail, on a des ennuis... Il faut bien réaliser que la façon dont j’ai travaillé, mon ordre me le demande. Si je n’avais rien fait et qu’il était arrivé quelque chose à cette patiente dans l’heure qui suit, j’aurais été responsable [de] non-assistance à personne en danger."
Nouvelle loi pour mieux protéger pénalement les soignants
Cette affaire intervient alors que la loi vient d’être modifiée pour mieux protéger les soignants. Un texte voté le 5 novembre pose le principe d’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire, du médecin qui effectue un signalement de maltraitance à enfant.
Ce principe d’immunité est étendu aux membres des professions médicales (dont font partie les sages-femmes) et aux auxiliaires médicaux (comme les infirmiers, les aides-soignants). Mais les ordres ne sont pas concernés par cette loi, et doivent donc aller au bout de la procédure disciplinaire. Pour charger les choses, c’est donc à eux de décider de modifier leur règlement.
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