Rapport sur la panne des numéros d’urgence: "Il est peut-être temps de repenser la structure des systèmes d'urgence de notre pays", affirme Sébastien Crozier, de la CFE-CGC d'Orange
Face à la "multiplication des technologies et des intervenants", Sébastien Crozier plaide pour une "simplification" qui serait "source de robustesse".
"Il est peut-être temps de repenser la structure des systèmes d'urgence de notre pays", a estimé vendredi 11 juin sur franceinfo Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC chez Orange, alors que l'opérateur a rendu publiques les conclusions de son enquête interne après la panne des numéros d'urgence du 2 juin.
franceinfo : Est-ce que l'audit d'Orange sur la panne des numéros d'urgence vous satisfait ?
Sébastien Crozier : Il est difficile d'être satisfait du résultat de cet audit dans la mesure où un fournisseur a été défaillant. Il a provoqué un dysfonctionnement majeur dans un service essentiel à la nation. Et les enquêtes ultérieures démontreront si cela a provoqué des pertes de chance pour nos concitoyens. Pour autant, la structure et les efforts que nous déployons tous les jours pour maintenir un réseau de qualité ne sont pas fondamentalement mis en cause.
D'autres syndicats font le lien entre les dysfonctionnements et l'ouverture à la concurrence d'Orange. Est-ce que c'est aussi votre analyse ?
Au-delà de l'ouverture à la concurrence, il faut comprendre que nous rentrons dans un monde dont la complexité est croissante : multiplication des technologies pour communiquer, multiplication des intervenants sur ce secteur, et donc plateformes qui doivent s'interconnecter avec beaucoup d'acteurs, beaucoup de paramètres. Tous ces éléments de complexité sont des facteurs de fragilisation de notre économie numérique. Et on le voit quand une panne Internet a atteint les Etats-Unis ou le gouvernement anglais qui n'avait plus de site Internet. Donc la multiplication des acteurs, la dépendance que nous entretenons à notre économie numérique, nous fragilise. Il est peut-être temps de repenser la structure des systèmes d'urgence, d'alerte de notre pays. C'est un système qui est assez proche de celui que l'opérateur historique que nous étions a développé dans les années 1980. Au bout de quarante, est-ce qu'on continue à évoluer de la même façon ? La réponse est sans doute non. Peut-être qu'il faut moderniser nos modes d'alerte. Ce qui est très surprenant, c'est qu'alors que notre réseau était dans l'incapacité d'acheminer 100% des appels, que la puissance publique le savait, elle n'a pas envoyé des SMS, mais a communiqué un nombre de numéros totalement impressionnant pour essayer de joindre les services d'urgence. Le débat qu'il y a eu sur la fusion des numéros d'urgence montre à quel point aussi ces questions-là doivent être posées. La simplification est source de robustesse.
Qu'est-ce que vous attendez de l'enquête menée par l'Agence nationale de sécurité informatique (ANSSI), à la demande des pouvoirs publics, et dont les conclusions sont attendues dans deux mois ?
Ce qui est rassurant, c'est de voir que cette panne n'est en aucun cas liée à une cyberattaque. Le monde numérique dans lequel nous vivons est très violemment secoué par des cyberattaques. Il est régulièrement fait état de fichiers, de mots de passe qui sont divulgués, de serveurs qui tombent en panne. On a parlé d'hôpitaux qui avaient été rançonnés. On est dans un monde numérique extrêmement violent. Donc évidemment, l'ANSSI est un garant de notre souveraineté numérique. L'Etat va sans doute matérialiser de façon plus importante la responsabilité du fabricant. Et c'est à l'État, dans sa toute-puissance régalienne, de savoir comment il organise le dispositif d'alerte pour que nos concitoyens soient en sûreté à tout moment et que, en cas de défaillance d'une des composantes numériques, ils puissent quand même trouver les ressources pour appeler à l'aide, appeler au secours. Et ça, c'est à la puissance publique d'organiser l'ensemble des dispositifs.
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