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L’article à lire pour comprendre notre sommeil (et ses troubles)

Les Français dorment trop peu et plus d'un tiers de la population souffre de troubles du sommeil. Pourtant, il se révèle très important pour la santé.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12 min
Les actifs français dorment en moyenne 6h55 par nuit, selon une étude de l'Institut national du sommeil et de la vigilance publiée en 2012. (GETTY IMAGES)

A 75 ans, nous aurons passé 25 années de notre vie à dormir. Nous passons environ un tiers de notre vie dans les bras de Morphée, estime en effet l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). Pourtant, nous avons tendance à peu nous préoccuper de notre sommeil et accumulons une dette de sommeil.

Mais pourquoi est-ce si important de dormir ? A quels problèmes nous exposons-nous quand nous ne dormons pas assez ? Que peut-on faire pour y remédier ? A l'occasion de la 17e journée du sommeil, organisée vendredi 17 mars, franceinfo répond aux questions que vous adorez vous poser sur vos nuits.

1 Je dors six heures par nuit, est-ce suffisant ?

Un adulte dort en moyenne six heures et 55 minutes en semaine. C'est trop peu, estiment les spécialistes. Une quantité minimum de sommeil est difficile à déterminer, car nous sommes inégaux face à nos besoins de sommeil. Certains appartiennent à la famille des longs dormeurs et devront dormir entre neuf et 10 heures pour se sentir reposés. Les courts dormeurs pourront se contenter de six heures. Mais en règle générale, pour être en forme, un adulte doit dormir entre sept et huit heures.

Le sommeil varie aussi en fonction de l'âge. Un enfant a besoin de dormir 12 heures, un adolescent neuf heures. A partir de 40 ans, le sommeil change et on dort moins bien. Les réveils nocturnes se multiplient chez les personnes âgées.

Mais une chose est sûre : nous dormons moins qu'avant. Au cours des 25 dernières années, nous avons perdu 18 minutes de sommeil par jour, les adolescents 50 minutes, selon une étude de l'Insee publiée en 2012. "On perçoit le sommeil comme une perte de temps. Il faut être efficace au travail, il faut être efficace chez soi, il faut être efficace tout le temps. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour dormir", analyse pour francetv info Joëlle Adrien, spécialiste du sommeil et directrice de recherches à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à Paris.

2 Mais si je ne dors pas assez, est-ce si grave ?

Chez l'adulte. "Le sommeil permet de récupérer toute l’énergie que l'on a dépensée pendant la journée. On recharge les batteries", explique Joëlle Adrien, également auteure de Mieux dormir et vaincre l'insomnie (éd. Larousse). Le corps créé des anticorps. Surtout, le sommeil est crucial pour les fonctions cognitives. "Le cerveau se régénère. Les synapses [jonctions entre les neurones] se renouvellent. Un tri est opéré dans les messages reçus dans la journée. Le cerveau peut ainsi mémoriser et stocker les informations essentielles", poursuit la spécialiste. Le sommeil est donc fondamental pour l'apprentissage.

Chez l'enfant. Plusieurs études ont montré qu'une privation de sommeil chez l'enfant a des conséquences néfastes sur son développement cognitif, peut entraîner de l'hyperactivité et influe sur son comportement. C'est pendant son sommeil qu'un bébé va se préparer à sa vie future, affirme Joëlle Adrien. "Par exemple, le bébé s’exerce à sourire pendant son sommeil, pointe-t-elle. Et à partir de quatre semaines, le bébé va commencer à sourire en interaction avec le visage de la personne qui s’occupe de lui."

A court terme. Le manque de sommeil se ressent aussitôt sur notre attention et nos facultés à nous concentrer. Passer 18 heures consécutives sans dormir équivaut à avoir 0,5 g d'alcool par litre de sang, selon l'INSV. Une journée entière et le taux d'alcoolémie passe à 1 g. Le manque de sommeil provoque donc de la somnolence en journée. C'est, par exemple, la première cause de mortalité sur les autoroutes, d’après une étude de l'Association des sociétés d'autoroutes (PDF), publiée en 2013.
 
A long terme. "C’est une préoccupation pour nous spécialistes du sommeil. Nous devons faire un travail d’éducation auprès du public", confie Joëlle Adrien à franceinfo. "Le manque de sommeil a des conséquences très importantes sur la santé. Il augmente la vulnérabilité au diabète, à l’obésité." C'est pendant le sommeil que l'on sécrète l’hormone de la satiété, appelée la leptine. En dormant moins, elle sera peu présente dans l'organisme, contrairement à l'hormone de la faim, la ghréline sécrétée pendant l'éveil. Notre prise alimentaire va en être bouleversée.
 
Un déficit de sommeil provoque aussi des troubles cardio-vasculaires. Une étude américaine (en anglais) publiée en 2011 a prouvé que des nuits de moins de six heures augmentaient de 48% le risque d'avoir une maladie cardiaque, et de 15% le risque de faire un AVC. En 2012, une équipe hollandaise (en anglais) a également montré qu'une nuit blanche faisait l'effet d'un stress important sur notre organisme et affaiblissait nos défenses immunitaires.

3 Est-ce que je rêve chaque nuit ?

Nous rêvons chaque nuit même si on ne s'en souvient pas toujours le matin. Notre sommeil est constitué de trois à cinq cycles. Chaque cycle dure entre 1h30 et 2 heures. Nous entrons d'abord dans une phase de sommeil lent qui va être de plus en plus profond. C'est pendant cette période que nous récupérons vraiment. L'activité cérébrale est alors au ralenti. Puis, à la fin, nous glissons vers le sommeil paradoxal, le sommeil des rêves. "A ce moment, le cerveau va fonctionner avec une intensité maximale. C’est un peu comme un entraînement à blanc, car le corps ne bouge pas", détaille la spécialiste. Le sommeil paradoxal prend de plus en plus de place au fur et à mesure de la nuit. Le sommeil profond, lui, dure moins longtemps. 

"Pendant le sommeil paradoxal, les rêves ont toujours un scénario, alors que pendant le sommeil lent ce sont plus des impressions, c’est moins scénarisé, il y a moins d’images", poursuit Joëlle Adrien. Selon les spécialistes du sommeil, ces rêves, surtout s'ils sont inquiétants, nous préparent à faire face à une menace, à une échéance importante, en exprimant nos sentiments négatifs. Une jeune mère rêvera souvent qu'il arrive quelque chose à son bébé. Un étudiant rêvera qu'il arrive en retard à un examen. Ces rêves désagréables dominent largement les rêves agréables. Les rêves érotiques, les rêves où l'on vole, par exemple, sont rares mais marquants donc on les mémorise plus facilement. La plupart de nos rêves sont souvent banals. Ils reproduisent des scènes, des images de la journée.

4 Comment faire pour mieux dormir ?

Respecter son horloge biologique. C'est la clé de voûte d'un bon sommeil. "L’horloge est réglée par la nature, avec la lumière la journée, et l’obscurité la nuit. Il faut donc envoyer les bons signaux à notre organisme aux bons moments", explique Joëlle Adrien. Il est essentiel de dormir dans l'obscurité avec des volets fermés ou des rideaux occultants. Les télévisions, ordinateurs et téléphones branchés dans une chambre sont à proscrire. Regarder un écran au lit avant de s'endormir est néfaste aussi : "Quand on s’expose à la lumière des écrans le soir, on bousille notre horloge biologique : elle se dit qu’il faut démarrer alors qu’elle doit au contraire ralentir."

Bien manger au dîner. L'alimentation a un rôle central sur notre sommeil. Manger le soir est indispensable. "La nuit est la période la plus longue de jeûne. Donc au dîner, on doit absorber assez de calories pour tenir jusqu’à la fin de la nuit, sous peine sinon de se réveiller ou d'avoir un sommeil perturbé", constate Joëlle Adrien. Mais le repas doit être léger : il faut éviter les protéines qui ont un effet excitant, comme les viandes rouges, et privilégier les sucres lents comme les féculents. Il faut manger au moins deux heures avant le coucher pour faciliter la digestion. Les excitants comme le café, le thé, l'alcool sont à éviter le soir. Ces boissons altèrent la qualité du sommeil.

Mettre notre corps dans de bonnes dispositions. Une chambre doit être fraîche, à une température moyenne de 18 °C. "Si l'on a chaud la nuit et que l'on transpire, notre corps travaille au lieu de se reposer", justifie Anthony Dubroc, docteur en pharmacie et créateur de MySommeil, une société qui propose des formations pour mieux dormir. Enfin, si une activité physique est vivement conseillée, puisqu'elle favorise un bon sommeil, elle doit être pratiquée au moins deux heures avant le coucher.

5 Faut-il faire la sieste ?

La sieste peut être très bénéfique. Elle permet de compenser le manque de sommeil, mais encore faut-il qu'elle soit utilisée à bon escient. Une sieste doit être courte, d'une durée maximale de 20 minutes. "Si vous dépassez cette durée, vous allez retomber dans un sommeil profond et faire un cycle de sommeil. Le problème, c'est que vous commencez à empiéter sur votre nuit et vous allez avoir des difficultés à vous endormir", affirme Anthony Dubroc. Il est également possible de faire une sieste éclair de cinq minutes. Mais ce type de repos express nécessite de l'entraînement à la relaxation.

Dans tous les cas, pour être efficace, une sieste doit se faire dans le calme et la pénombre. Il faut éteindre son portable et programmer un réveil, conseille Anthony Dubroc. On peut la faire dans un fauteuil, un canapé ou même une chaise au bureau dans la mesure où vous pouvez vous isoler. Si vous faites une sieste sur votre lit, attention à ne pas recréer les conditions d'une nuit. Il vaut mieux rester habillé, ne pas se mettre sous la couette et privilégier un plaid.

6 Pourrons-nous un jour nous passer de dormir ? 

A ce titre, le cas du bruant à gorge blanche intéresse de près des chercheurs américains. L’Agence pour les projets de recherche avancée de défense du Pentagone étudie cet oiseau capable de rester éveillé jusqu’à sept jours d’affilée en période de migration. Ces travaux de recherche ont pour but d'améliorer les capacités physiques des soldats, explique l'essayiste américain Jonathan Crary dans son ouvrage 24/7 : Le capitalisme à l’assaut du sommeil (éd. Zones). "Le soldat sans sommeil apparaît ainsi comme le précurseur du travailleur ou du consommateur sans sommeil", avance-t-il.

En attendant, des expérimentations ont montré que les conséquences d'une privation de sommeil sur l'organisme conduisent à la mort. Dans les années 1980, des chercheurs ont tenu éveillé des rats pendant plusieurs jours et constaté que la majorité des sujets mouraient dans les deux semaines, rapporte le site Maxisciences.

7 Quels sont les principaux troubles du sommeil ?

37% des Français se plaignent de troubles du sommeil, d'après une étude menée par l'INSV et la MGEN en 2014. 19% des personnes interrogées souffrent d'insomnies. "L'insomnie se caractérise par des difficultés à s'endormir, des réveils dans la nuit avec des problèmes pour retrouver le sommeil ou des réveils précoces", explique Anthony Dubroc.

D'autres pathologies liées au sommeil peuvent empoisonner les nuits. 16% des sondés subissent des troubles du rythme du sommeil. Autrement dit, leur horloge biologique est perturbée. C'est le cas de personnes qui travaillent la nuit, qui subissent des décalages horaires ou encore des personnes âgées, souvent sujettes à ces dysfonctionnements.

Il existe aussi l'apnée du sommeil. La respiration est alors interrompue entre 10 et 30 secondes pendant le sommeil et ce des dizaines de fois dans la nuit. Résultat : le sommeil est haché et la personne est épuisée le lendemain. Le ronflement est un des symptômes de l'apnée. Dans tous les cas, un simple ronflement est nuisible pour le conjoint et pour le ronfleur car il ne favorise pas un bon apport en oxygène.

Le syndrome des jambes sans repos touche également 7% de la population. Il s'exprime par des sensations désagréables dans les jambes au repos le soir qui empêchent de dormir. Enfin, d'autres maladies sont identifiées, même si elles restent rares, comme la narcolepsie (l'incapacité de maintenir l'éveil plus d’une à deux heures de suite).

8 Je n'arrive plus du tout à dormir. Qu'est-ce que je peux faire ?

"Si on a des insomnies occasionnelles, liées à un examen, un moment de sa vie particulier, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Quand l’insomnie devient chronique, il faut consulter. Surtout si elle a des répercussions sur sa journée, comme des difficultés à se concentrer, une grande fatigue, une irritation, un sentiment de déprime", assure Joëlle Adrien. Si les troubles surviennent trois nuits ou plus par semaine depuis plus de deux mois, il faut prendre rendez-vous avec un médecin. Il existe en France une cinquantaine de centres du sommeil, souvent rattachés à des CHU. L'Institut national du sommeil et de la vigilance en propose une liste sur son site internet.

Un médecin vous reçoit et selon le diagnostic établi, il vous propose un enregistrement de votre sommeil, soit en laboratoire, soit à domicile. "Nous recevons chaque année 4 000 patients et on enregistre le sommeil de 1 600 patients", détaille à franceinfo Maxime Elbaz, responsable technique du centre du sommeil de l'Hôtel-Dieu à Paris. Le laboratoire est composé de quatre chambres, équipées de capteurs. Certaines sont aussi dotées de dispositifs de luminothérapie, une technique censée favoriser l'endormissement et le réveil. Le sommeil est enregistré en temps réel puis analysé, afin de détecter certaines pathologies.

Maxime Elbaz, responsable technique du centre du sommeil de l'Hôtel-Dieu à Paris, présente la chambre où le sommeil des patients est enregistré, le 23 octobre 2014. (CAROLE BELINGARD / FRANCETV INFO )

Par exemple, une personne qui souffre d'apnées sévères du sommeil devra porter la nuit un masque relié à une machine à pression positive continue, qui permet d'ouvrir les voies respiratoires. Pour les personnes atteintes d'insomnies, des méthodes alternatives aux somnifères peuvent être proposées, comme la phytothérapie, des ateliers de groupe, de la sophrologie, du yoga ou de la méditation.

9 J'ai eu la flemme de tout lire et j'ai scrollé vers le bas. Vous pouvez me faire un petit résumé ?

Les Français dorment en moyenne 6h55 par nuit en semaine. C'est insuffisant pour bien récupérer même si nous n'avons pas tous les mêmes besoins. Dormir est est essentiel pour notre santé. Un déficit de sommeil peut mener à terme à des problèmes cardio-vasculaires, d'obésité ou du diabète.

37% de la population se plaignent de troubles du sommeil. Les plus courants sont liés à l'insomnie. Une cinquantaine de centres du sommeil existent en France et prennent en charge ces troubles. Pour mieux dormir, des solutions existent : une sieste d'une vingtaine de minutes est, par exemple, recommandée par les spécialistes.

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