Affaire des respirateurs Philips : "On remet nos vies à ces gens-là, donc on s'attend à ce qu'ils nous fournissent de la qualité", dénonce une association de malades
"On remet nos vies à ces gens-là donc on s'attend à ce qu'ils nous fournissent de la qualité", lance Christian Trouchot, administrateur de la FFAAIR, la Fédération regroupant des associations de malades insuffisants ou handicapés respiratoires et signataire de la lettre envoyée par France Asso Santé à l'ANSM (l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
Dans cette lettre, les signataires demandent des sanctions contre Philips pour ne pas avoir tenu ses engagements et son calendrier de remplacement des respirateurs potentiellement cancérogènes. "A la date d'aujourd'hui, on va peut-être déclencher des cancers dans 5, 10 ou 15 ans ? Qui pensera encore à l'affaire Philips ? Plus personne", déplore Christian Trouchot qui ajoute : "On reste dans le flou le plus total."
franceinfo : que reprochez-vous précisément à Philips à propos de ce rappel ?
Christian Trouchot : Le 12 décembre dernier, il y avait eu une visioconférence avec les parties prenantes : les médecins, les prestataires, Philips, nous les patients et l'ANSM. Des engagements avaient été pris, avaient été imposés à Philips lors de la police sanitaire en février 2022 et on n'a pas de résultat à la date d'aujourd'hui. On ne sait pas si tous les appareils ont été remplacés. On sait en revanche que pour les appareils dits "trilogie" - les supports de vie dont les patients se servent 24h/24h - rien n'a été fait à ce jour. Dans l'article 2 de la police sanitaire qui avait été imposée par l'ANSM, il avait été demandé à Philips de faire une étude épidémiologique. À ce jour, nous n'avons pas de résultat. Lors de cette vidéoconférence du 12 décembre, les représentants de la société Philips en France ne savaient même pas si cette étude avait été faite. C'est quand même grave.
Vous avez donc écrit à l'Agence du médicament en janvier pour demander des sanctions, avez-vous eu des retours ?
En plus de la lettre, il y a eu deux relances par mails en février (le 9 et le 15 février derniers). A ce jour, seul le silence fait écho. Pas de retour du côté de Philips. Nous avions reçu un chiffre de la part de Philips [qui assurait que 98 % des rappels allaient être effectués] mais sans aucune confrontation possible sur la véracité de ce chiffre. J'espère que les patients continuent malgré tout d'utiliser leur machine parce qu'il y a quand même des conséquences graves dans la non-utilisation des respirateurs comme des arrêts cardiaques ou des AVC, mais d'un autre côté on est entre le marteau et l'enclume. On a une machine, on sait que quand on se met le masque sur le nez il y a un danger, mais lequel ? À la date d'aujourd'hui, on va peut-être déclencher des cancers dans 5, 10 ou 15 ans ? Qui pensera encore à l'affaire Philips ? Plus personne. C'est ça le problème. On reste dans le flou le plus total.
Des sanctions changeraient quoi selon vous ?
D'abord, elles permettraient de reconnaître que les fabricants ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent et en particulier dans le domaine de la santé. On remet nos vies à ces gens-là donc on s'attend à ce qu'ils nous fournissent de la qualité. Il ne faut pas non plus oublier qu'en France, c'est pris en compte par la CPAM, c'est donc de l'argent public qui est donné pour qu'on puisse se soigner. Si on n'arrive pas à une finalité juridique, ça veut dire que les fabricants font ce qu'ils veulent. C'est grave.
Sur le plan judiciaire, il y a eu plus de 3 000 plaintes déposées auprès de l'ANSM. Vous étiez dans l'attente de l'ouverture d'une information judiciaire, le juge des référés a fait lever le secret des affaires, ça veut dire quoi pour vous ?
Le juge des référés a remarqué que notre demande était légitime. C'est très important parce que ça veut dire qu'il y a des défaillances du côté de Philips. Le deuxième point sur lequel on luttait depuis 2021 c'est que Philips nous opposait le secret des affaires. Le tribunal a dit non. Le secret des affaires a une limite et lorsqu'on demandera des documents, la société devra nous les fournir.
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