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Covid-19 : les variants détectés en Afrique du Sud et au Brésil sont-ils en régression en France, comme l’affirme Jean Castex ?

Les propos du Premier ministre sont contredits par une croissance continue depuis dix jours, même si la part représentée par ces deux variants reste réduite dans la majeure partie du territoire français.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nguyen Dang
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Publié Mis à jour
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Le Premier ministre, Jean Castex, s'adresse à la presse lors de son déplacement à l'aéroport de Roissy, près de Paris, le 25 avril 2021. (IAN LANGSDON / AFP)

Le Premier ministre l'a martelé : le gouvernement a engagé la "bataille contre [les] variants". Jean Castex s'est rendu dimanche 25 avril à l'aéroport de Roissy, près de Paris, pour contrôler le nouveau protocole sanitaire mis en place samedi pour faire face aux variants du coronavirus identifiés en Afrique du Sud et au Brésil, considérés comme plus contagieux ou plus virulents. Les passagers en provenance de cinq pays jugés à risque (le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde, l'Argentine et le Chili) doivent désormais réaliser un test antigénique à leur arrivée dans l'Hexagone puis s'isoler pendant dix jours.

Lors de son passage à l'aéroport, Jean Castex a fait le point sur l'épidémie, évoquant notamment les variants en question. "Je constate, et il faut absolument tenir cette ligne, que les variants, notamment brésilien et sud-africain, non seulement sont très peu nombreux sur le territoire national, mais ont même tendance ces dernières semaines à régresser", a déclaré le Premier ministre, soutenant que "toutes les précautions" étaient prises. 

Les données de Santé publique France contredisent Jean Castex

Connus sous les noms de 20H/501Y.V2 et 20J/501Y.V3, les deux variants sont des sources de préoccupation pour l'Organisation mondiale de la santé. L'inquiétude est due à une "transmissibilité augmentée" et au risque d'une protection plus faible des vaccins face à eux, explique Santé publique France dans son point épidémiologique hebdomadaire daté du 22 avril, alors que ces deux versions du coronavirus circulent en France depuis le début de l'année 2021.

Pour surveiller leur diffusion au sein de la population et identifier la proportion de variants en circulation en France, autour de 50% des tests PCR et antigéniques positifs sont "criblés" depuis la fin du mois de janvier 2021. Les résultats sont ensuite transmis à Santé publique France.

Ces données nuancent, voire infirment, les propos tenus par le Premier ministre dimanche. Sur la totalité des tests criblés en France, 5% identifiaient l'un des deux variants au 23 avril, selon la plateforme Géodes. Une proportion certes réduite, mais qui a augmenté depuis dix jours (passant de 3,8 à 5%), après une baisse de près de deux points entre le 1er mars et le 12 avril. Cette croissance récente reste toutefois en deçà du pic atteint le 1er mars (5,5% sur le plan national).

L'Ile-de-France constitue un exemple frappant de la progression des deux variants. Leur proportion parmi les versions du virus en circulation y a bondi ces derniers jours, passant de 4% à 9,3% entre le 6 et le 23 avril. Du côté de certains territoires ultra-marins, enfin, la part de ces variants est particulièrement élevée : au 22 avril, en Guyane, cette proportion s'élève à 83,5%, contre 66,7% à Mayotte et 52,9% sur l'île de la Réunion.

En comptant les autres variants préoccupants, notamment celui identifié au Royaume-Uni et largement majoritaire aujourd'hui, le nombre de tests PCR criblés qui identifient un variant atteint même 96,2% au niveau national, en hausse continue depuis janvier. Les variants ont donc quasiment supplanté le virus d'origine.

Faut-il s'inquiéter de ces chiffres ?

Face à des propos jugés erronés, Matignon s'est défendu en affirmant que le Premier ministre se fondait sur des données moins récentes et présentées jeudi par Santé publique France, rapporte Le Parisien. Le point épidémiologique du 22 avril de l'agence qualifiait alors de "stable" (à 4,2%) la part des variants 20H/501Y.V2 et 20J/501Y.V3 parmi les nouvelles contaminations (contre 3,8% la semaine précédente).

Cette proportion accrue des deux variants menace-t-elle la situation sanitaire du pays ? "On est à peu près certains que le variant (...) apparu en Afrique du Sud est plus transmissible (en France, de l'ordre de 25%)", explique le biologiste Samuel Alizon dans un grand entretien à franceinfo. Or, comme le soutient le directeur de recherche au CNRS, avec le vaccin d'AstraZeneca, "la protection vaccinale tomberait à 10% avec ce variant-là, alors qu'elle est supérieure à 75% pour les autres lignées de virus". Ce qui complexifierait la lutte contre le Covid-19, même si "les personnes vaccinées avec des vaccins ARN [de Pfizer et Moderna] semblent (...) relativement bien protégées contre ces variants", observe le spécialiste.

Le variant identifié au Brésil serait également "plus contagieux", avance Samuel Alizon. "Mais comme il se trouve principalement dans ce pays, et qu'on a peu de suivis individuels, il est compliqué de savoir dans quelle mesure c'est lié à une contagiosité plus élevée ou à un échappement de la réponse immunitaire, poursuit le chercheur. A priori, c'est probablement un peu les deux."

Pour l'heure, les deux variants ainsi que celui identifié au Royaume-Uni présentent souvent des mutations similaires. Cela limite-t-il les possibilités d'évolution du virus ? Pas forcément, selon Samuel Alizon. "Le paysage adaptatif, c'est-à-dire les mutations qu'un virus peut fixer dans son génome, pourrait changer, permettant à des mutations jusqu'alors impossibles de devenir possibles", avance le scientifique.

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