Poursuites pour non-respect des consignes de confinement : "Il est tout à fait désolant d'en arriver là"
"On peut regretter d'en arriver là", a nuancé Jacky Coulon, le secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM), qui parle de "quelques rares individus récalcitrants".
"C'est le rôle pédagogique que peut avoir la loi pénale", a affirmé vendredi 20 mars sur franceinfo Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats (USM), alors que plusieurs personnes ont déjà été verbalisées ou même placées en garde à vue pour ne pas avoir respecté les consignes de confinement édictées par le gouvernement pour contenir la propagation du coronavirus Covid-19. Certains réfractaires ont été poursuivis pour "mise en danger de la vie d'autrui".
>> Suivez les dernières informations sur le confinement et l'épidémie de coronavirus dans notre direct
Les verbalisations concernent "quelques individus tout à fait minoritaires", a souligné le magistrat. "On peut regretter d'en arriver là", a-t-il ajouté, assurant néanmoins que "chaque parquet" vérifiera que "la garde à vue a bien été justifiée au regard des circonstances" et évitera "qu'il y ait des abus".
franceinfo : Poursuivre pour "mise en danger de la vie d'autrui", est-ce que cela vous paraît justifié ?
Il est tout à fait désolant d'en arriver là. Pour obtenir le respect des consignes pourtant simples qui ont été prises dans l'intérêt de la santé publique, il a fallu incriminer le fait de sortir de chez soi en dehors des cas autorisés et donc punir ces sorties de contraventions. On voit qu'il y a quelques individus tout à fait minoritaires, on parle de quelques individus, qui ne respectent pas [les mesures], bien que verbalisés à plusieurs reprises. Ils n'ont pas obtempéré. On peut regretter d'en arriver là.
Mais pour vous, est-ce justifié ?
C'est finalement le rôle pédagogique que peut avoir la loi pénale. Sur l'infraction de mise en danger, on a un exemple qui peut être rapproché de la situation actuelle. Les individus qui étaient été atteints du Sida qui, sciemment, ont eu des relations sexuelles non protégées, exposant ainsi leurs partenaires à un risque d'une particulière gravité, ont été poursuivis et condamnés pour mise en danger. Donc on se trouve dans une situation qui peut être comparée, puisque le risque d'une exceptionnelle gravité existe dans ce qui nous préoccupe actuellement. Il y a une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité. Il est interdit de sortir de chez soi en dehors des cas autorisés. A partir du moment où une personne a déjà été verbalisée, qu'on a attiré son attention sur le fait qu'il ne fallait pas sortir dans les cas non autorisés, et qu'elle refuse de s'exécuter, on peut caractériser à ce moment-là la violation manifestement délibérée.
Est-ce qu'il faut réserver cela aux plus récalcitrants ?
Il est tout à fait inenvisageable qu'une personne qui sort son attestation et qui serait contrôlée soit placée en garde à vue pour mise en danger de la vie d'autrui. On n'en est pas du tout là. Ce sont les quelques rares individus récalcitrants qui ont déjà été mis en garde, qui ont déjà été verbalisés et qui se refusent d'exécuter les consignes.
Faut-il s'inquiéter tout de même d'abus possibles dans ce contexte si particulier, ce contexte de forte tension ?
À chaque parquet de vérifier que la garde à vue a bien été justifiée au regard des circonstances. Chaque fois qu'une personne est placée en garde à vue, l'officier de police judiciaire qui a pris cette décision doit en référer au parquet. Et ensuite le parquet apprécie d'abord si la garde à vue était justifiée, s'il est opportun d'exercer des poursuites et si l'infraction est caractérisée. Donc le contrôle du parquet est quelque chose d'extrêmement important. C'est ce qui permet de garantir les libertés publiques. Nécessairement, si une personne a été placée en garde à vue, le parquet est avisé et peut prendre les mesures pour éviter qu'il y ait des abus.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.