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Covid-19 : face à Omicron, le variant Delta fait de la résistance (et ce n'est pas une bonne nouvelle)

Alors que la propagation du variant Omicron fait exploser les compteurs de contaminations, le variant Delta, lui, circule toujours largement sur le territoire. Cette cohabitation laisse planer une incertitude sur l'avenir de l'épidémie.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un test de dépistage du Covid-19 devant une pharmacie parisienne, le 6 janvier 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La France subit de plein fouet la propagation rapide du variant Omicron, mais le variant Delta, lui aussi, circule toujours sur le territoire. C'est ce que montrent les dernières données de laboratoire sur les mutations de l'agence Santé publique France, publiées jeudi 6 janvier.

Le variant Delta, plus contagieux que son prédécesseur Alpha et que la souche historique du virus, était devenu majoritaire en France au début de l'été 2021. Ces dernières semaines, la progression fulgurante du variant Omicron a largement réduit la part de Delta parmi les cas positifs au Covid-19. Au 20 décembre, le variant Delta ne représentait ainsi plus que la moitié des contaminations (contre 89% le 13 décembre, et 98% le 6 décembre), selon une enquête Flash basée sur le séquençage de 922 échantillons.  

Sous la poussée d'Omicron, le variant Delta est-il voué à disparaître rapidement des radars ? Ce n'est pas ce que suggèrent les données disponibles à ce stade. En s'intéressant au nombre de cas (et non plus à la proportion de cas), la lecture est même tout autre. Au 3 janvier, on évaluait à quelque 42 000 les contaminations quotidiennes dues à Delta (153 000 dues à Omicron), selon une estimation basée sur une extrapolation des tests criblés. Soit à peine moins que le pic estimé de 47 000 le 13 décembre. Autant dire que la courbe reste globalement stable, sur un plateau haut.

"Il y a un biais cognitif car le variant Omicron circule tellement que les cas de Delta semblent faibles, relève l'épidémiologiste Pascal Crépey, alors même que nous sommes toujours sur un plateau." En effet, il ne s'agit pas d'un menu à la carte. "On ne peut pas laisser se propager le variant Omicron sans laisser se propager le variant Delta."

La France reste bel et bien traversée par "deux feux de forêt qui brûlent le même bois", résume Pascal Crépey. "Omicron est déjà majoritaire, et le deviendra encore plus, à l'instar de ce qui s'est passé en Afrique du Sud ou au Royaume-Uni, mais cela ne veut pas dire que Delta disparaîtra tout de suite", explique l'épidémiologiste Mircea Sofonea, maître de conférences à l'université de Montpellier. "Cette cohabitation de deux variants à des niveaux élevés est inédite", relève pour sa part Mahmoud Zureik, professeur de santé publique et d'épidémiologie à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

"Une coexistence est possible"

Combien de temps cela va-t-il durer ? "Delta reste le souci principal des hospitaliers pour quelques semaines encore, car les patients contaminés avant l'hégémonie d'Omicron sont encore hospitalisés, explique Mircea Sofonea. Mais la préoccupation principale, fin janvier, sera bien Omicron." La plupart des spécialistes estiment en effet que ce variant dispose d'un avantage par rapport à Delta, car il est plus contagieux. A l'inverse, il semble provoquer moins de formes graves que son prédécesseur. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait évoqué "deux ennemis", fin décembre sur France Inter, en simplifiant les enjeux dans une formule : "Delta sature les réanimations, Omicron les hospitalisations conventionnelles."

A court terme, "une coexistence est possible, poursuit Mircea Sofonea, par exemple si le variant Delta infecte plus facilement les personnes immunisées par Omicron, en raison notamment de l'absence de dose de rappel". Par ailleurs, ajoute le chercheur, "l'avantage d'un variant sur un autre peut dépendre du contexte immunitaire de la population, lequel varie au cours du temps" (vagues, campagne de vaccination, déclin immunitaire). Son équipe, notamment, avait mis en évidence un renversement de situation (lien en anglais) du variant Beta par rapport au variant Alpha en avril dernier en Ile-de-France.

"Si les comportements continuent de se relâcher, il y aura toujours une place pour Delta", estime Pascal Crépey, bien en peine d'évaluer une hypothétique période de fin de la vague Delta. "Le niveau d'immunisation des populations n'est pas suffisant pour casser la dynamique épidémique." Le relâchement des gestes barrières, ainsi qu'un taux de vaccination insuffisant, permettraient au variant Delta, lui aussi, de se propager davantage dans la population non immunisée. Et de continuer à entraîner, dans son sillage, de nombreux cas graves. Maigre lot de consolation : "On peut espérer que l'immunité croisée Omicron/Delta puisse compléter l'immunité acquise par la dose booster de vaccin", selon Pascal Crépey.

A ce stade, les chercheurs préfèrent se montrer prudents. Mahmoud Zureik imagine ainsi trois scénarios. "Le premier, le moins probable, c'est que la vague en cours soit la dernière – c'est le scénario des politiques." Une autre option, qui n'est pas exclue, est la transformation en "un virus saisonnier, avec une vague d'hiver". Enfin, il est également possible que Delta, ou un nouveau variant, revienne après la fin de la vague et une période de repli.

"Les variants peuvent se maintenir à bas bruit"

En effet, "le variant Delta est là depuis le printemps dernier et il est toujours actif", souligne Mahmoud Zureik. Depuis le mois de mars, en Inde, et juin, en France, "ce variant est relativement stable, avec des mutations peu significatives, poursuit l'épidémiologiste, à la différence d'un variant Omicron davantage instable. Il n'est donc pas exclu qu'il reprenne sa place. En d'autres termes, Omicron a gagné la bataille, car il est beaucoup plus contagieux, mais il n'a peut-être pas gagné la guerre face à Delta."

Enfin, la notion même de "remplacement" d'un variant par un autre est sujette à débat. Il a fallu environ trois mois pour que le variant Alpha soit responsable de 80% des cas de Covid-19, contre un peu plus d'un mois pour le variant Delta puis pour le variant Omicron. Mais il n'existe pas réellement de seuil à partir duquel on considère qu'un variant en a remplacé un autre. "Théoriquement c'est l'extinction du précédent, mais on ne sait jamais quand ce moment arrive, ajoute Mircea Sofonea. Certains pourront dire que le variant a été remplacé s'il reste sous les 5% de façon stable. Parfois, cela peut mettre longtemps avant d'arriver, sans que cela change grand-chose à l'épidémie."

Les disparitions de variants sont difficiles à documenter. Tous les cas ne sont pas détectés, criblés et encore moins séquencés. Et quand un variant, une souche ou une lignée circulent à faible fréquence, "leur dynamique est très influencée par les aléas, poursuit Mircea Sofonea. Des variants moins contagieux peuvent quand même se maintenir à faible bruit, d'autant plus qu'ils peuvent être réintroduits depuis d'autres pays." Selon lui, il est impensable "de baisser les bras vis-à-vis du variant Omicron en se disant qu'il est trop contagieux pour être contenu, mais pas grave car peu virulent". Seul l'avenir permettra d'avoir le cœur net sur cette épidémie qui met à mal la patience du monde entier.

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