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Covid-19 : six questions sur la première réintégration d'une soignante non vaccinée

La cour d'appel de Paris a donné raison jeudi à cette infirmière sophrologue de l'Institut Curie, centre français de recherche et de lutte contre le cancer, et ne voit pas de motif suffisant pour suspendre sa réintégration.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un soignant dans un couloir du service des urgences du CHRU de Nancy, le 11 juillet 2022. (MAXPPP)

Une première. La cour d'appel de Paris a rendu une décision favorable à la réintégration d'une soignante non vaccinée contre le Covid-19, au sein de l'Institut Curie, centre français de recherche et de lutte contre le cancer, qui dispose d'un centre hospitalier. L'avocat de la plaignante a évoqué jeudi 1er décembre sur Twitter un jugement "historique". Franceinfo revient sur cette décision et sur les questions qu'elle pose plus largement sur la réintégration des soignants non vaccinés.

1 Qui est cette soignante ?

Elle exerce depuis une trentaine d'années dans le centre hospitalier de l'Institut Curie. Elle cumule deux emplois à temps partiel, infirmière et sophrologue, précise à franceinfo son avocat. Depuis 2007, l'Institut Curie à Paris donne la possibilité à des patients atteints de cancer de participer à des séances individuelles de sophrologie, afin de leur permettre de "mieux gérer les troubles liés à la maladie et les traitements".

2 Quand a-t-elle été suspendue ?

Non vaccinée contre le Covid-19, l'infirmière sophrologue a été suspendue en septembre 2021, lorsque l'obligation vaccinale pour les soignants a été décrétée. Mais elle est restée salariée de l'Institut Curie, sans pouvoir exercer ailleurs. C'est pourquoi elle a contesté sa suspension devant le tribunal des Prud'hommes de Paris. Un juge départiteur a tranché car les conseillers des prud'hommes n'ont pas pu se départager. Il a estimé que l'employeur avait agi de façon "arbitraire" et avait "manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi" son contrat de travail. Il n'y avait donc pas de raison valable de le suspendre aux yeux de la justice. "Pour être clair, l'employeur aurait dû trouver une solution pour cette salariée… Un autre poste, du télétravail ou toute autre solution", explique son avocat, Tarek Koraitem, à France 3 Ile-de-France.

3 Quand a-t-elle été réintégrée ?

Dès le 9 juin, lorsque le tribunal des Prud'hommes de Paris a statué en sa faveur, l'infirmière sophrologue a été réintégrée parmi les soignants de l'Institut Curie. Cette décision obligeait également l'Institut Curie à lui payer des arriérés de salaires. L'établissement de santé a fait appel pour suspendre cette réintégration le plus rapidement possible, comme elle en a la possibilité. Sa demande a finalement été rejetée jeudi. Contacté par franceinfo, l'Institut Curie ne souhaite pas communiquer à ce stade. L'avocat de l'infirmière a pour sa part parlé sur Twitter d'un jugement "historique".

4 Pourquoi la justice a-t-elle rendu une décision en faveur de la soignante ?

La cour d'appel de Paris considère dans son ordonnance que "l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation" de la réintégration de la soignante "n'est pas établie". En outre, elle condamne la Fondation Institut Curie à verser à l'infirmière sophrologue 1 500 euros pour frais de justice. "Il est scandaleux de la suspendre, elle comme les autres soignants non vaccinés, alors qu'il suffit de reclasser ces personnes pour respecter le droit du travail", réagit auprès de franceinfo Tarek Koraitem.

Néanmoins, il s'agit d'une décision sur la forme, et non sur le fond. La cour d'appel de Paris devra donc statuer dans les prochains mois sur les conditions de sa suspension. La date exacte n'est pas encore fixée.

5 Cette décision peut-elle servir à d'autres soignants suspendus ?

Oui, selon l'avocat de l'infirmière sophrologue. "Cette ordonnance inédite pourra servir tous les employés du secteur privé dans la même situation. Cette victoire est au service des milliers de soignants suspendus dans cette situation", commente Tarek Koraitem sur Twitter.

"Je considère que n'importe quel infirmier d'un établissement privé de France peut se prévaloir de cette décision pour contester sa suspension, au moins jusqu'à ce que la décision de la cour d'appel de Paris soit rendue sur le fond", détaille l'avocat à franceinfo.

6 Quelle est la position de la France à ce sujet ?

La question fait polémique en France depuis que l'obligation vaccinale du personnel de santé a été mise en place en septembre 2021. Les députés de La France insoumise ont présenté à l'Assemblée nationale le 24 novembre une proposition de loi pour permettre la réintégration du personnel de santé non vacciné. Mais le camp présidentiel a multiplié les amendements et empêché un vote avant la fin de la séance, qui s'est achevée dans une ambiance surchauffée. Le Rassemblement national a également déposé une proposition de loi sur le même thème.

Emmanuel Macron a estimé le 25 novembre que le retour à l'hôpital du personnel de santé non vacciné contre le Covid-19 devait être une décision "scientifiquement établie", mais "pas un choix politique". "Si les scientifiques (...) nous disent que c'est souhaitable d'un point de vue scientifique de réintégrer ces soignants, il faut que le gouvernement le fasse", a déclaré le chef de l'Etat lors d'un déplacement à Dijon.

De son côté, le ministre de la Santé, François Braun, a déclaré, le 20 novembre, attendre l'avis de la Haute Autorité de santé et du Comité consultatif d'éthique avant de se prononcer. La France est l'un des derniers pays européens à maintenir l’obligation vaccinale pour les soignants. En Italie, premier Etat de l'UE à obliger le personnel soignant des secteurs public et privé à se faire vacciner contre le Covid-19, médecins et infirmières suspendus ont pu reprendre le travail le 1er novembre.

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